Dans son ouvrage paru en 2000 La Démocratie inachevée. Histoire de la souveraineté du peuple en France, l'historien Pierre Rosanvallon écrivait que le gouvernement représentatif était à la fois une solution et un problème. En effet, le système représentatif permet de respecter l'idéal démocratique de participation des citoyens aux affaires publiques tout en satisfaisant aux exigences démographiques (on comprend aisément que tout le monde ne peut pas prétendre à exercer sa souveraineté directement). Cependant, de nos jours les citoyens nourrissent de plus en plus de sentiments de frustration et de trahison envers les partis politiques et leurs représentants. Ce sont pourtant à ces derniers que les citoyens ont confié leur droit d'exercer la souveraineté populaire par le biais du vote. Les élus seraient donc revêtus d'une légitimité démocratique et serait chargé par leurs électeurs de servir l'intérêt général, mais les sondages d'opinion traduisent souvent un désenchantement envers ces deux notions. Il paraît donc légitime de se demander si aujourd'hui nous vivons dans une « démocratie sans citoyens » (Robert Entman) ou bien si ces derniers n'utilisent pas des moyens buissonniers pour exercer la démocratie et garantir l'intérêt général. L'ère de « l'hyper individualisation » annoncée par Gilles Lipovetsky semble être arrivée : l'intérêt général aurait disparu face aux intérêts particuliers et les formes traditionnelles de la démocraties (adhésion aux partis politiques, le vote, etc.) paraissent désormais inefficaces pour défendre ces idéaux d'un autre âge.
[...] Puis, dans un second temps, il conviendra d'analyser les nouvelles formes de légitimité démocratique dégagées par les citoyens afin de pallier à cette défiance envers les vecteurs traditionnels de cette notion. Dans la conception moderne de la démocratie, née par exemple en France de la Révolution française et de la philosophie des Lumières, le vote (suffrage universel direct pour les citoyens masculins depuis 1851 puis four les femmes depuis 1944) est le fondement de la démocratie représentative), car il permet au peuple de choisir librement ses représentants. [...]
[...] L'action collective paraît donc être devenue aujourd'hui un moyen citoyen de s'investir en politique et de concevoir une nouvelle conception de la légitimité démocratique. Les citoyens se sont saisis les premiers d'autres vecteurs d'expression pour pouvoir avoir une influence dans la prise de décision publique. L'État a donc conçu des moyens législatifs pour officialiser le dialogue entre acteurs publics et le peuple. Depuis environ 10 ans, les dispositifs pour accroître la participation des citoyens se sont multipliés dans les démocraties occidentales. [...]
[...] En conclusion, la conception traditionnelle de la légitimité démocratique, c'est-à-dire la confiance en les élites pour définir et garantir l'intérêt général semble s'être érodée suite à une défiance des citoyens. Pour autant ces derniers ne se sont pas détournés de la vie politique et de l'intérêt général malgré l'individualisation de la société et la crise de l'État –nation. Ils ont souhaité reprendre leur souveraineté en main et ont utilisé des moyens détournés pour se faire entendre sur la scène publique. [...]
[...] Par la suite, la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité a permis l'instauration du referendum local ainsi que des conseils de quartier dans les grandes villes. Elle permet ainsi d'impliquer davantage les citoyens à l'échelon local. Toutefois, ces dispositifs sont en majorité simplement consultatifs et ne font que toucher les citoyens déjà informés et non tous les citoyens contrairement à la volonté affichée au départ. Enfin, la démocratie de proximité risque de promouvoir les intérêts locaux par rapport aux intérêts nationaux, et le syndrome Nimby (not in my backyard/ pas dans mon jardin) pourrait s'étendre. [...]
[...] Le manque de confiance récent témoigné par les citoyens envers leurs représentants issus des élites remet en cause leur légitimité à servir l'intérêt général. Ce désenchantement se traduit également dans la participation au processus de légitimité démocratique : le vote. En outre, on peut observer depuis plusieurs années un recul de la participation des électeurs au vote, traduisant si ce n'est un désintérêt, une défiance du citoyen envers cet unique moyen de confier la souveraineté à des représentants choisis. En effet, le vote est défini par Olivier Christin par une manifestation de la cohésion de la communauté. [...]
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