« L'empire fondé sur l'opinion et l'imagination règne quelque temps, et cet empire est doux et volontaire ; celui de la force règne toujours. Ainsi, l'opinion est comme la reine du monde, mais la force en est le tyran » écrivait déjà Pascal. La principale originalité de l'auteur des pensées est d'avoir introduit l'opinion comme une composante essentielle du politique. Pascal regarde la montée du pouvoir de l'opinion avec un progressisme pragmatique comme le fera plus tard Tocqueville avec la démocratie. Il définit l'opinion comme l'opérateur historique du consentement démocratique. Elle exprime la loi de la majorité, qui n'est pas le contraire de la force, mais la force du nombre exprimée pacifiquement. Elle n'est pas plus raisonnable que la force mais elle représente la force du nombre source, à la fois, de légitimité et des pires dérives. Nous ne pouvons faire fi de l'opinion publique même s'il faut pouvoir la canaliser.
L'idéal démocratique règne désormais sans partage, mais les régimes qui s'en réclament suscitent presque partout de vives critiques C'est le grand problème politique de notre temps : la perte de confiance des citoyens dans leurs dirigeants. L'opinion fait et défait les gouvernements. On lui reproche son caractère dictatorial dans la mesure où celle-ci s'est étendue à toutes les sphères du politique. Le pouvoir exécutif serait dépendant des caprices de l'opinion publique et la loi ne ferait plus la loi. Pour être applicable elle aurait désormais besoin d'une double ratification : celle du parlement et celle de la rue. Enfin, la justice aurait agirait dans le souci constant de complaire à l'opinion. Ainsi, les trois pouvoirs seraient entre les mains d'une ombre confuse et menaçante celle de l'opinion publique. Vivons-nous sous la tyrannie de l'opinion ?
[...] Le sondage est un exemple d'objectivation de l'opinion publique. Avant l'entrée des sondages, c'est un phénomène social que tout le monde reconnait, mais que personne ne voit. George Gallup, l'inventeur en personne du Sondage résumait bien ce propos : Comme le brouillard ou la fumée, l'opinion publique reste inquantifiable. Elle est une évidence dans ses principales manifestations, mais approchée de plus près, elle reste intangible. Pendant, toute la seconde moitié du XXéme siècle et particulièrement à partir de 1958, les sondages vont exercer un monopole sur l'expression de l'opinion publique. [...]
[...] C'est en ce sens qu'il est un des penseurs majeurs de la démocratie, comme science du consentement au pouvoir. De Saint-Augustin à Calvin Albert Hirschman (les passions et les intérêts), explique que le rôle assigné à l'État a toujours été de réprimer les passions humaines. Mais progressivement avec les lumières émerge l'idée qu'il conviendrait de s'en servir en les opposant les unes aux autres. Pour Pierre Rosanvallon (La contre-démocratie : la politique à l'âge de la défiance) il faut consolider ces mécanismes de contre-démocratie. [...]
[...] Il est donc nécessaire de conserver la pluralité des opinions. Il faut remettre l'échange des opinions à l'honneur et les journalistes ont un rôle crucial à jouer. Le développement des technologies de l'informatique et de l'internet soulève de nouvelles questions. Un nouveau pallier est franchi puisqu' on y observe tous les jours l'abolition de la différence entre le l'émetteur et le récepteur, entre l'orateur et l'auditeur et par conséquent le représentant du représenté. La blogosphère a joué un rôle particulier au moment du Referendum pour le traité constitutionnel européen en 2005. [...]
[...] C'est elle qui a changé les rapports de force entre les États et qui a abouti à la création d'un tribunal pénal international. [...]
[...] L'émergence de ce nouveau pouvoir va cristalliser des interrogations et des suspicions importantes. Il y'a différents modes d'énonciation de l'opinion publique. En France, l'énonciation de l'opinion publique a été longtemps réalisée par les figures de l'éditorialiste, de l'homme politique et des porte-parole des groupes d'intérêts. La fameuse expression les Français pensent que cache bien cette accaparation par une élite de l'opinion publique. Mais la véritable révolution réside dans l'essor du sondage d'opinion. Ce dernier va parer l'opinion publique de la posture scientifique. [...]
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