Du 10 décembre au 15 décembre 2007, Mouammar Kadhafi est reçu en France par le président Nicolas Sarkozy. Cette visite du chef libyen soulève de vives critiques, d'autant plus virulentes que le premier jour de ce séjour est aussi la journée internationale des droits de l'homme. Les députés socialistes et quelques membres de l'UMP vont jusqu'à boycotter sa venue au Palais-Bourbon. Ils se voient scandalisés qu'un "dictateur" entre au sein de l'Assemblée Nationale, symbole des droits de l'homme dans le monde entier. Même au sein de sa majorité des critiques sont tenues, comme la secrétaire d'état des droits de l'homme Rama Yade qui refuse d'accepter "ce baiser de la mort" et qu'un dirigeant, terroriste ou non, prenne la France pour un paillasson . Rapidement remis à l'ordre, et sans aucune volonté de démissionner, elle suivra les propos du ministre de la justice, qui auparavant grand défenseur des droits de l'homme, se voit lui aussi tenu de respecter les directives du chef de l'exécutif. La France a attendu trente-quatre ans avant de recevoir de nouveau le colonel Kadhafi. Un laps de temps qui s'explique par les relations difficiles qu'entretiennent les deux pays, la Libye soutenant des groupes terroristes ou commettant elle-même des actions terroristes, parfois contre la France.
La France doit elle se réconcilier avec une Libye désireuse de se réinsérer dans le concert des nations et en profiter pour satisfaire ses intérêts économiques? Ou doit elle refuser de dialoguer avec un homme responsable de nombreux actes terroristes au nom du respect des droits de l'homme?
Ce débat houleux montre les contradictions entre une France qui veut s'adapter aux réalités économiques d'un monde globalisé et une France qui se doit de respecter et faire respecter les principes fondamentaux qu'elle véhicule.
[...] Alors quand un pays semble désireux de changer de politique, pour passer d'état voyou à un état respectable, ne faut-il pas l'accompagner dans ce processus ? Si la scène internationale continue de stigmatiser le régime de Kadhafi pour les actions passées, aucune rédemption n'est alors possible. Ne faudrait-il pas accompagner la Libye afin de faciliter son retour dans le concert des nations ? Finalement, il aurait peut-être été souhaitable de recevoir Kadhafi de manière plus modeste et d'insister plus amplement sur le respect des droits de l'homme plutôt que sur les contrats lucratifs en devenir. [...]
[...] Nous sommes en passe de nous demander si les affaires ne dominent-elles pas la diplomatie française ? "Je vous le dis parce je le crois au plus profond de mon cœur, je ne veux pas, je ne crois pas à ce que l'on appelle la realpolitik, qui fait renoncer à ses valeurs sans gagner un seul contrat. Je ne peux être complice d'une dictature à travers le monde, parce que la France a des principes, avoir des principes sans les défendre, ce n'est pas être fidèle à l'histoire et à l'identité de la France N.Sarkozy, discours d'investiture janvier 2007. [...]
[...] Remarquons aussi son hésitation à condamner le terrorisme. Est-ce vraiment un ex-pays voyou à qui l'on devrait tendre la main quand il affirme au cours du sommet Europe-Afrique à Lisbonne (le 9 décembre 2007) devant une assemblée d'étudiants portugais comprendre le recours des faibles au terrorisme face aux superpuissances M.Kadhafi, Les superpuissances ont violé la légitimité internationale, le droit international et les Nations unies, et ont exécuté leurs décisions en dehors de ce cadre et donc, il est normal que les faibles aient recours au terrorisme le 9/12/07 à la Conférence de Lisbonne. [...]
[...] Comme lui, il prêche le panarabisme et espère devenir le leader du monde arabe. Il refuse le titre de président préférant "modestement" celui de "Guide de la grande révolution de la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste". Au pouvoir depuis trois-huit ans, il s'enorgueillit de la démocratie directe qu'il a mise en place dans son pays alors que l'opposition n'est pas autorisée à s'exprimer d'après les directives du Livre Vert. Kadhafi, à l'instar de l'Egypte, refuse de s'aligner aux deux grandes puissances pendant la Guerre Froide même si une certaine sympathie pour l'URSS se remarque. [...]
[...] Mais il parait évident que Kadhafi a été reçu dans l'unique objectif d'assouvir des intérêts économiques : assurer la vente des avions, des rafales, d'un réacteur nucléaire, de projet de reconstruction et d'équipement. Les parts de marchés de la France sont ainsi préservées dans ce pays dont les réserves en devise sont estimées à 240 milliards de dollars. Aidons-nous à bon escient Kadhafi à se racheter une légitimation internationale en passant du statut d'État voyou à celui d'état respectable ? La France n'est-elle pas hypocrite à vendre des armes à un état dans le chemin de la pacification ? [...]
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