Avec le recul historique que permettent 48 ans de vie politique sous la Vème république, l'année 1958 apparaît comme un tournant majeur, une « rupture instauratrice » entre 2 régimes et 2 systèmes politiques antithétiques. La IVème ne faisait, dans la pratique institutionnelle, que perpétuer l'instabilité ministérielle et l'immobilisme de la IIIème, la Vème y met fin en rééquilibrant les pouvoirs en faveur de l'exécutif, en lui donnant, par des règles constitutionnelles nouvelles, les moyens de gouverner. Si ce changement de régime est aujourd'hui majoritairement accepté comme un progrès vers la démocratie gouvernante, les conditions de la transition qui, de mai à septembre 1958, le firent naître continuent à poser problème au juriste, soucieux de légalité, comme au citoyen, soucieux de légitimité. Elle se produisit en effet, à l'image de toutes les transitions précédentes, dans un climat de crise politico-militaire. Crise politique car pour la 22ème fois en 12 ans, le gouvernement avait dû démissionner sous la pression du parlement. Sakhiet Sidi Youssef et la proposition des « bons offices » américains avaient eu raison du président du conseil Gaillard et le président Coty cherchait désespérément un remplaçant pour mettre fin à la vacance du pouvoir. Crise militaire car l'armée d'Algérie, prenant de plus en plus d'indépendance par rapport au politique, menait sa guerre de revanche selon sa vision de l'avenir de la France. Cette double crise latente éclate au grand jour le 13 mai et c'est d'elle, par elle et contre elle que naîtra le nouveau régime, qu'il sera fait appel au « solitaire de Colombey ».
Il importe dès lors d'étudier le climat et les règles qui présidèrent au retour de De Gaulle et à la transition pour savoir si on peut, ou non, parler de coup d'Etat.
En quoi la naissance de la Vème république est-elle juridiquement légale mais politiquement illégitime ?
C'est ce que nous nous proposons de voir, d'abord en expliquant comment un pronunciamiento militaire aboutit à une investiture dans le strict respect des règles constitutionnelles puis en montrant que l'origine de la transition et la procédure de révision sont juridiquement contestables mais que la ratification finale de la constitution est incontestablement démocratique.
[...] Les républicains sociaux n'avaient récolté en tout et pour tout que des voix en 1956. L'opinion n'attendait pas De Gaulle. Il s'imposa à elle par la force des circonstances, en se servant de cette pression de l'armée, de la menace du coup d'Etat. Toute son habileté réside dans le fait qu'il n'agit pas directement, reste silencieux, et laisse ses partisans convaincre l'ensemble de la classe politique qu'il est l'unique recours. Il est le seul à pouvoir mettre fin à l'insurrection car il a la confiance de l'armée. [...]
[...] À nouveau, on ne peut opposer que parole de De Gaulle contre parole de De Gaulle. Après sa démission du 20 janvier 1946 il affirmait à moins d'établir par la force une dictature dont je ne veux pas et qui, sans doute, tournerait mal, je n'ai pas les moyens d'empêcher cette expérience mais 12 ans plus tard le 19 mai il ajoutait : Croit-on qu'à 77 ans je vais commencer une carrière de dictateur ? De Gaulle a toujours estimé qu'un arbitrage autoritaire momentané était préférable à un effondrement de la France sous le poids du système Envisagé ou non, le coup d'Etat tant craint ne se produisit pas. [...]
[...] Cette rétrovalidation populaire ne remet pas en cause les critiques juridiques énoncés précédemment mais en diminue considérablement la portée. On craignait un coup d'Etat, on observe la validation la plus démocratique qui soit : celle du peuple souverain. D'autre part, on ne peut parler ici de pression militaire, de peur et d'incertitude. La situation en Algérie est loin d'être stabilisée mais les militaires sont rentrés dans le droit. Le vote n'est pas un plébiscite à De Gaulle mais un appel au changement politique, une condamnation ferme du régime de la IVème république. [...]
[...] La Vème République est-elle née d'un coup d'Etat ? Avec le recul historique que permettent 48 ans de vie politique sous la Vème république, l'année 1958 apparaît comme un tournant majeur, une rupture instauratrice entre 2 régimes et 2 systèmes politiques antithétiques. La IVème ne faisait, dans la pratique institutionnelle, que perpétuer l'instabilité ministérielle et l'immobilisme de la IIIème, la Vème y met fin en rééquilibrant les pouvoirs en faveur de l'exécutif, en lui donnant, par des règles constitutionnelles nouvelles, les moyens de gouverner. [...]
[...] L'efficacité s'en trouva maximisée et la cohérence globale du projet renforcée au détriment d'arrangements et tractations partisanes qui, bien souvent, n'avantageaient que les intéressés et aboutissaient à des surenchères de démagogie. A élaboration gouvernementale, contrôle parlementaire. Le projet est soumis à un Comité Consultatif Constitutionnel composé aux deux tiers par des parlementaires et dirigé par Paul Renaud. Il demande de nombreuses explications, s'en fait expliquer la philosophie générale et donne son accord. Le projet est ensuite soumis au Conseil d'Etat qui en vérifie la cohérence juridique avant d'être ratifié en conseil des ministres. La transparence est réelle. [...]
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