Président omnipotent, monarque républicain, hyper présidence… Les qualificatifs employés par les médias depuis le début du quinquennat de Nicolas Sarkozy pour souligner le rôle prépondérant qu'occupe le Président de la République sont légion. Si la façon de gouverner du chef de l'État actuel semble en effet concentrer l'essentiel de la prise de décision à l'Élysée, il serait immérité, pour ne pas dire injuste, de ne pas l'inscrire dans la continuité de la pratique constitutionnelle telle qu'elle s'est établie depuis 1958.
Par la possibilité de dissoudre l'Assemblée nationale attribuée au Président de la république par l'article 51 de la Constitution et le pouvoir accordé à celle-ci de renverser le gouvernement via la procédure prévue à l'article 49, la Cinquième République est théoriquement un régime parlementaire.
Toutefois, l'irresponsabilité politique du Président et les très larges pouvoirs qui lui sont conférés tant par les textes que par leur pratique ont amené certains constitutionnalistes à créer expressément une nouvelle nomenclature : le régime semi-présidentiel. C'est donc peu dire qu'affirmer que le régime la Ve République marque un tournant majeur dans la longue histoire constitutionnelle française.
Il marque la fin d'une très longue période commencée en 1814 et qui a vu les parlements des différents régimes gagner graduellement en pouvoir (avec une courte pause au début du Second Empire), jusqu'à devenir quasiment omnipotents sous la très instable IVe République. Avec la Constitution de 1958, le Parlement est la première « victime » de la rationalisation et du renforcement incontestable du pouvoir exécutif qui l'accompagne.
[...] Ainsi la responsabilité politique des ministres, après avoir longtemps permis aux assemblées de défaire les gouvernements à leur guise, apparaît désormais davantage comme un moyen pour le pouvoir exécutif de passer outre l'absence éventuelle de majorité claire à la chambre. De fait, un seul gouvernement a été renversé depuis 1962 et le premier gouvernement Pompidou. A défaut de créer des ministres irresponsables devant les chambres comme l'aurait voulu la tradition césarienne, la Constitution de 1958 rend leur renversement très difficile à mettre en œuvre. Cette invulnérabilité gouvernementale esquissée dans les textes sera par ailleurs renforcée par la pratique et l'apparition, presque imprévue, du fait majoritaire[2]. [...]
[...] Un gouvernement consolidé La Cinquième République demeure, tout du moins en apparence, un régime parlementaire. Le gouvernement reste responsable devant l'Assemblée qui peut le contraindre à la démission. Toutefois, afin d'éviter toute possibilité de retomber dans les travers du régime précédent, la façon dont le gouvernement met en jeu sa responsabilité devant la chambre est sensiblement modifiée. Le but est que la mise en œuvre de cette responsabilité puisse à la fois laisser au premier ministre une importante marge de manœuvre et limiter son utilisation par le Parlement. [...]
[...] Écarter du travail constituant les assemblées comme le fit de Gaulle en 1958 rompt ainsi de façon très sèche avec la tradition républicaine et démocratique de la France. La constitution est élaborée dans le plus grand secret et personne ne sait finalement, lors de sa publication, qui en sont les véritables auteurs. La même rupture avait été observée en l'an VIII lors de la rédaction de la constitution du Consulat : les commissions avaient remplacé le Corps législatif, en rupture complète avec les Assemblées constituantes révolutionnaires. [...]
[...] Ce retour à une tradition plus ancienne tient en très grande partie à la personnalité de De Gaulle. Il est d'ailleurs assez frappant de constater qu'en 1800, au moment de l'adoption de la Constitution du Consulat, le peuple parisien ironisait sur la place prépondérante du Premier Consul dans le texte en se demandant : Qu'y il dans la constitution ? Il y a Bonaparte et que cent soixante ans plus tard, Georges Vedel expliquait que Le régime politique français, c'est, pour une large part, le général de Gaulle Aussi conviendrait-il d'employer avec précaution le terme de rupture concernant la République de 1958. [...]
[...] En douze années d'existence, la Quatrième République a eu raison de quelque vingt- cinq gouvernements différents et a connu, en moyenne, un jour de crise ministérielle sur neuf. Incapable de faire face à l'embrasement de la situation en Algérie, suscitant le mécontentement grandissant de l'opinion, le régime rend son dernier souffle le 3 juin 1958 lorsque la loi constitutionnelle annonçant une révision de la Constitution est votée par l'Assemblée nationale et le Conseil de la République et que les pleins pouvoirs sont attribués pour six mois au général de Gaulle. [...]
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