La fondation de tout régime politique ne peut être abstraite de son contexte historique, qui en détermine en partie la nature. En particulier, la Ve République obéit à cette règle. En effet, sa fondation en 1958 répondait à des circonstances précises, ponctuelles: la crise algérienne. Or, une crise politique appelle un pouvoir efficace – apte à résoudre rapidement la crise – et stable – éloignant le spectre d'une rémanence future de cette crise. C'est donc en s'avisant de cette séquence historique particulière que l'on comprend pourquoi une double exigence d'efficacité et de stabilité présidait à sa fondation.
Par la suite, divers défis se sont posés au régime, résultants d'une évolution des mœurs politiques. Grâce à sa capacité d'adaptation, la Ve République a su y répondre. Retraçons brièvement, pour nous en convaincre, les vagues d'adaptation du régime aux deux principales évolutions auxquelles il a dû faire face au cours du demi-siècle écoulé. Premièrement, la culture de l'organisation territoriale, traditionnellement jacobine et centralisatrice, évolua. Le régime s'y adapta par les lois de décentralisation de 1982 créant une nouvelle collectivité territoriale – la région. Signalons l'inscription dans l'article premier de la Constitution du principe d'organisation décentralisée de la France, depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Puis vint un second défi, celui de la construction européenne. La Ve République s'adapta à cette extraordinaire nouveauté avec les révisions constitutionnelles du 25 juin 1992 – consécutive au traité de Maastricht –, du 25 janvier 1999 – consécutive au traité d'Amsterdam –, et enfin du 1er mars 2005, consécutive au traité constitutionnel européen. Ainsi, la Ve République a su s'adapter jusqu'à aujourd'hui aux grandes nouveautés résultant de l'évolution constante des mœurs politiques. Elle a donc montré qu'elle avait un avenir, en se rénovant ainsi successivement.
Aujourd'hui, de nouvelles évolutions se font jour. Savoir si la Ve République a encore un avenir revient à déterminer si elle peut s'adapter, comme elle l'a fait par le passé, à ces nouveaux défis. Mais quels sont-ils ? Encore une fois, ils résultent d'une évolution des mœurs et aspirations politiques. En effet, il est clair que la Ve République a rempli les offices qui dictaient sa fondation: être efficace et stable. Et elle le fit si bien qu'il semble qu'elle ait écarté le spectre de toute crise politique. Le paysage politique français est depuis plusieurs décennies « au beau fixe »; nul ne saurait envisager aujourd'hui une crise de l'ampleur de celle du 13 mai 1958. En raison de cette relative « prospérité politique », les attentes des citoyens – c'est-à-dire les mœurs politiques – ont évolué. Ceux-ci s'autorisent maintenant d'exiger d'une part un pouvoir plus équitable et représentatif, brisant potentiellement le rasoir d'Occam de l'efficacité, et d'autre part un déplacement de l'équilibre institutionnel au profit du Parlement, quitte à amoindrir l'extraordinaire stabilité du régime. Cette double exigence d'équité et de déplacement de l'équilibre institutionnel constitue très vraisemblablement les deux nouvelles évolutions qui se posent aujourd'hui à la Ve République. En ont témoigné les propositions institutionnelles des différents candidats à l'élection présidentielle de 2007 qui envisageaient tous, dans des plus ou moins larges mesures, des révisions allant dans ce sens.
A la lumière de ces éléments, notre problématique apparaît clairement: La Ve République est-elle capable de répondre à ces deux nouveaux défis qui se posent à elle, sous la forme d'une double exigence des citoyens vers une meilleure représentation et un déplacement de l'équilibre institutionnel ?
Pour tenter de répondre à cette interrogation, nous envisagerons successivement ces deux défis. Pour chacun des deux points (efficacité et stabilité), nous nous attacherons d'abord à déterminer en quoi il constitue une force de la Ve République, contribuant par conséquent à lui garantir un certain avenir. Puis, nous examinerons dans quelle mesure la Ve République peut une fois de plus s'adapter à cette évolution des aspirations populaires.
[...] La Ve République s'aliènerait donc, et l'on passerait à une nouvelle République, de type parlementaire moniste. Toutefois, comme nous l'avons souligné, un tel régime implique en France une forte instabilité de l'exécutif, et s'avèrerait donc bien moins stable que le régime actuel. La question est donc de savoir si l'aspiration à un régime de parlementarisme moins rationalisé justifie cette perte de stabilité due à un tel déplacement de l'équilibre institutionnel. Or, cette aspiration ne semble pas présenter une acuité telle qu'elle justifierait une telle perte. [...]
[...] Mitterrand, le Coup d'Etat permanent, paru en 1964), il faut souligner qu'elle se pose avec une nouvelle acuité depuis l'instauration du quinquennat par la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 et l'inversion du calendrier électoral opérée en janvier 2002. En effet, ces deux mesures font coïncider les durées et dates de mandat du Parlement et du Président de la République. Ainsi, le Président de la République n'est plus un organe de superposition, mais bien un organe politique. De surcroît, en plaçant l'élection présidentielle avant le scrutin législatif, l'inversion du calendrier électoral a renforcé la primauté du Président de la République sur le Parlement, et lui a confié une réelle fonction d'impulsion et de direction politique de la nation. [...]
[...] En effet, il est clair que la Ve République a rempli les offices qui dictaient sa fondation : être efficace et stable. Et elle le fit si bien qu'il semble qu'elle ait écarté le spectre de toute crise politique. Le paysage politique français est depuis plusieurs décennies au beau fixe ; nul ne saurait envisager aujourd'hui une crise de l'ampleur de celle du 13 mai 1958. En raison de cette relative prospérité politique les attentes des citoyens c'est-à-dire les mœurs politiques ont évolué. [...]
[...] Si elle permettrait une meilleure représentativité, une telle mesure n'estomperait qu'à peine la formidable efficacité du mécanisme de représentation. Ainsi, la Ve République ne s'aliènerait pas, et conserverait cette caractéristique essentielle qu'est son efficacité. Cette mesure ne semble pas nécessiter l'avènement d'une VIe République. Il semble donc possible à la Ve République de s'adapter à cette aspiration à une meilleure représentativité. Répondre au manque de participation des citoyens semble passer par la multiplication des instruments de démocratie semi directe, à l'initiative des citoyens. [...]
[...] En effet, seule la IIIe République a connu une plus longue existence, mais elle avait pour socle une constitution souple (composée de trois lois constitutionnelles), et non rigide, unique. Cette longévité de la Ve République a une cause simple : la stabilité l'équilibre institutionnel qui a été trouvé par les constituants de 1958. Il est clair que cette grande stabilité constitue une force de la Ve République, et lui promet un certain avenir. Nous montrerons cette stabilité en trois temps. Premièrement, nous établirons que la Ve République a résolu le problème des deux régimes qui l'ont précédée : l'instabilité de l'exécutif. [...]
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