Enzo Traverso, dans son ouvrage Le totalitarisme, qualifie le terme de « mot caméléon utilisé dans un but souvent plus polémique qu'analytique ». Employé parfois à tout-va, il masque ainsi certaines réalités historiques bien définies, et ne rend le concept que plus difficile à cerner. Tout d'abord, il désigne des faits historiques sans précédent dans l'histoire, qu'il a bien fallu nommer et théoriser. Il désigne des moyens et des techniques de gouvernement précis, utilisés par le nazisme et le stalinisme. Pourquoi désigner sous le même vocable de « totalitarisme » deux entités politiques en apparence radicalement différentes ? D'une part, le nazisme peut être défini comme un mouvement s'inscrivant dans l'émergence d'autres formes de fascisme, une « espèce inhabituelle et radicale ». On trouve certes des similitudes entre le régime nazi et celui de la RDA, mais le « charisme » et le pouvoir d'Hitler, clé de voûte du nazisme, ne sont pas du même ordre que ceux d'Ulbricht ou d'Honecker. De plus, si la RDA a connu un régime répressif, avec terreur et police secrète, la guerre expansionniste et l'extermination de certains peuples n'étaient pas à l'ordre du jour.
D'autre part, le stalinisme s'inscrit dans le contexte d'un pays pacifié, et veut accomplir le projet autoritaire et bureaucratique de transformer le pays dans ses structures économiques et sociales. Cette modernisation forcée prenait plus racine dans le tsarisme. Rien à voir donc avec la « terreur rouge » de Lénine, qui s'inscrivait dans un pays en proie à la guerre civile postrévolutionnaire, canalisant les affrontements intérieurs à son profit. Rien à voir non plus avec l'ère post-stalinienne qui a connu une relative stabilité, un contrôle bureaucratique et de formes juridiques reconnaissables, servant une idéologie d'Etat prévisible et non plus arbitraire. Pour Ian Kershaw, le totalitarisme est une « phase transitoire de certains systèmes de gouvernements autoritaires modernes ». Le terme regroupe ainsi le régime nazi d'Hitler, et le communisme de Staline, bien que le fascisme de Mussolini tende à l'Etat totalitaire.
Mais, ce concept nous invite aussi à repenser l'histoire et le politique avec un regard neuf ; nous avons face à nous des Etats qui ont voulu contrôler jusqu'à l'âme de leurs sujets, et qui ont poussé la violence et la terreur à leurs sommets. On peut alors se demander si l'analyse du concept de totalitarisme banalise le Mal, ou si elle le met en lumière pour mieux le canaliser. Est-ce un concept, qui résultant de faits historiques, nous met en garde contre les dérives de la modernité, de l'idée de progrès de l'humanité et de la société ? Que faire de ce terme sur lequel on glose depuis son apparition en 1923 ?
Si le concept de totalitarisme nous permet de cerner et d'analyser les similitudes et les différences profondes des régimes nazi et stalinien, il reste contingent, et est utilisé à la fois comme arme politique et comme concept théorique, selon les contextes et les sensibilités.
[...] On peut alors se demander si l'analyse du concept de totalitarisme banalise le Mal, ou si elle le met en lumière pour mieux le canaliser. Est-ce un concept, qui résultant de faits historiques, nous met en garde contre les dérives de la modernité, de l'idée de progrès de l'humanité et de la société ? Que faire de ce terme sur lequel on glose depuis son apparition en 1923 ? Si le concept de totalitarisme nous permet de cerner et d'analyser les similitudes et les différences profondes des régimes nazi et stalinien, il reste contingent, et est utilisé à la fois comme arme politique et comme concept théorique, selon les contextes et les sensibilités. [...]
[...] Comment utiliser le concept de totalitarisme ? Enzo Traverso, dans son ouvrage Le totalitarisme, qualifie le terme de mot caméléon utilisé dans un but souvent plus polémique qu'analytique Employé parfois à tout-va, il masque ainsi certaines réalités historiques bien définies, et ne rend le concept que plus difficile à cerner. Tout d'abord, il désigne des faits historiques sans précédent dans l'histoire, qu'il a bien fallu nommer et théoriser. Il désigne des moyens et des techniques de gouvernement précis, utilisés par le nazisme et le stalinisme. [...]
[...] Les différences fondamentales du nazisme et du stalinisme permettent ainsi de mieux cerner le concept de totalitarisme, pour mieux l'utiliser. Les abus de langages dont il fait l'objet ne doivent pas masquer qu'il se rapporte à deux systèmes précis : le communisme de Staline, et le nazisme d'Hitler, espèce inhabituelle et radicale du fascisme selon Ian Kershaw. Cependant, ce concept est contingent, et son contenu a pu varier selon les époques et les contextes politiques de son utilisation. S'il a été une arme politique, il est aussi un garde-fou de la pensée contre la banalisation de l'horreur: l'Histoire n'est pas finie. [...]
[...] Mais, le nazisme et le stalinisme comportent des différences profondes, qu'une définition du totalitarisme ne nuance pas. Il apparaît alors nécessaire d'affiner la conceptualisation de cette réalité historique et politique en relevant les divergences des deux régimes. B. Des similitudes qui n'occultent pas les différences profondes entre le nazisme et le stalinisme Les structures économiques sont à l'opposé : l'URSS de Staline repose sur une économie collectiviste : les anciennes classes dirigeantes ont été expropriées et le Parti est seul détenteur des moyens de production. [...]
[...] Le nazisme et le stalinisme possèdent des traits communs qui posent le cadre du système totalitaire. La définition du totalitarisme doit néanmoins être affinée et nuancée à la lumière des différences fondamentales du régime d'Hitler avec celui de Staline. Utilisé comme arme politique, il doit aussi être un outil analytique pour comprendre les événements du XXème siècle. Si longtemps ses définitions ont été plus polémiques, car dépendantes des conjonctures et des sensibilités, avec la chute du mur de Berlin, elles sont aujourd'hui plus analytiques. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture