« La domination totalitaire en tant que fait institué, lequel, en ce qu'il est sans précédent, ne peut être compris à l'aide des catégories usuelles de la pensée politique, et dont les “crimes” ne peuvent être jugés avec les critères moraux traditionnels [...] a rompu la continuité de l'histoire occidentale. »
Ainsi Hannah Arendt dans sa tentative de circonscrire et comprendre la rupture de la tradition philosophique, retient-elle pour éminemment symptomatique l'avènement des régimes totalitaires du XXe siècle, expérience irréductible aux repères de la philosophie politique classique ; si ces régimes demeurent inqualifiables en termes éthiques, c'est peut-être avant tout parce qu'ils le sont en termes épistémologiques. De fait, ce manque de recul conceptuel devient particulièrement manifeste, lorsque le même terme de totalitarisme revient pour désigner avec la même véhémence toute forme de dérives, notamment sécuritaires, de l'idéal démocratique au sein de la démocratie elle-même ; le propos journalistique, à ce sujet, dissout délibérément les définitions, déjà soumises à débat, produites par la philosophie politique. A l'inverse, les notions de régimes tyrannique ou dictatorial, autrement moins extrêmes et souvent plus appropriées, semblent résonner avec beaucoup plus de clarté à nos sens : peut-être parce que l'Histoire nous en offre des exemples beaucoup plus anciens, et partant plus nombreux ; peut-être également parce que le jugement éthique impose ici un biais moins sévère à leur étude.
[...] Pierre Pellegrin, Paris, Flammarion ; ARON, Raymond, Démocratie et totalitarisme, Paris, Gallimard ; FRIEDRICH, Carl J. et BRZEZINSKI, Zbigniew, Les caractéristiques générales de la dictature totalitaire (1956), cité in TRAVERSO, Enzo, Le totalitarisme, Le XXe siècle en débat, Seuil GIRARDET, Raoul, Le Sauveur in Mythes et mythologies politiques, Paris, Seuil ; MACHIAVEL, Nicolas, Le Prince, Paris, Flammarion ; Entretien télévisuel avec Hannah ARENDT, extrait de l'émission Un certain regard (ORTF), 06-07-1974 (http://www.ina.fr/fresques/jalons/Html/PrincipaleAccueil.php?Id=InaEdu04637 ) ; Cours de M. Pascal PERRINEAU, Le totalitarisme Institut d'Études Politiques de Paris, 23-02-2011. [...]
[...] Il est possible d'y voir, par contraste, un anéantissement du politique, qui se définit traditionnellement par opposition au domaine privé de la famille, du travail . par l'accaparement arbitraire de ces domaines par une idéologie de parti.) Les hiérarchisations caractéristiques du pouvoir, et le statut des contre-pouvoirs A. Le régime dictatorial, moment de nécessaire concentration du pouvoir La situation de dictature s'oppose radicalement à la démocratie, en ce que les fonctions du pouvoir y sont toutes et entièrement détenues par un seul homme (le dictateur plénipotentiaire) ; il légifère, commande et organise seul ; la justice est rendue en son nom. [...]
[...] ARENDT, Hannah, La crise de la culture, Paris, Gallimard pp.39-40 Plan détaillé de l'étude La question double de la légalité et de la légitimité des gouvernants A. La dictature, dépassement extraordinaire et légitime du cadre légal Définition antique : le dictator se voit confier les pleins pouvoirs en situation de crise, conformément à la loi, et donc selon la souveraineté populaire (légalité + légitimité). La souveraineté peut intervenir une seconde fois au moment de la nomination (plébiscite) ; le dictateur est alors pleinement légitime. [...]
[...] La tyrannie s'établit donc contre et en dépit des cadres légaux préexistants : inaction logique de la légitimité traditionnelle. Le tyran, antique comme moderne, est par définition mû par son seul intérêt : les gouvernés, en théorie, ne trouvent pas leur intérêt (ou seulement indirectement) à son gouvernement ; inaction relative également de la légitimité rationnelle. Il gouverne donc souvent sans légitimité aucune (hormis pour quelques cas, par légitimité charismatique), et recourt préférentiellement à la coercition pour asseoir son pouvoir. [...]
[...] La coercition physique, souvent augmentée de l'autorité charismatique, vient en quelque sorte pallier une crise de légitimité du régime en place. Le dictateur a tout pouvoir pour commander une intervention militaire à l'intérieur du pays, dans le but de protéger la paix et la sécurité politiques à plus long terme. Le contrôle politique s'exerce donc en dictature avec d'autant plus de violence que la crise menace le cadre étatique, mais en théorie avec toute la mesure nécessaire et suffisante et la légitimité requise. [...]
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