La Ve République avait volontairement été construite sur la base d'un pouvoir exécutif fort, d'après la volonté de Charles de Gaulle, débouchant sur une certaine dyarchie constitutionnelle dotant le président et le premier ministre de pouvoirs complémentaires, malgré l'installation dans la pratique d'une réelle prédominance du premier, vis à vis duquel le second devait se montrer coopérant sinon dévoué, allant même jusqu'à jouer un rôle de « fusible ».
[...] Si chacun se veut respectueux à la fois des règles de la démocratie et des règles des institutions, j'imagine qu'un tel accord est possible jusqu'aux prochaines élections présidentielles On pourrait atténuer ses propos dans la mesure où la droite n'obtient que 286 députés sur 577, soit une petite majorité, mais paradoxalement cela la contraint à la solidarité, ce qui ne peut que servir Chirac De même, sous la 2e cohabitation Balladur part du bon pied, car la gauche vient de connaître aux législatives la pire débâcle qu'ait jamais subi un parti au pouvoir sous la Ve République, et Mitterrand est considérablement affaibli par la maladie, ce qui étouffe dans l'œuf les velléités de rivalité en vue de la prochaine présidentielle. Enfin, sous la 3e cohabitation, Jospin possède un réel ascendant sur Chirac pour plusieurs raisons. [...]
[...] Devenir premier ministre n'est alors qu'une étape vers la présidence. Si les premiers ministres tentent parfois de grignoter les prérogatives du président, c'est pour montrer qu'ils ont la carrure pour le devenir aussi, comme le montrent les exemples de Chirac cherchant à s'imposer au G7 puis au sommet franco-espagnol de Madrid où il dispute à Mitterrand la paternité de l'entrée de l'Espagne dans l'Europe, et celui de Balladur qui oublie de nommer la responsabilité présidentielle lorsqu'il évoque les conditions du retrait français du Rwanda sur le porte-avion Foch. [...]
[...] Mais les résistances peuvent aussi venir du premier ministre, notamment quand Chirac vient délibérément chasser sur les terres du président de la République (la politique extérieure) à plusieurs reprises : il tente d'abord de s'imposer au G7 de Tokyo où il se fait finalement humilier, étant contraint de s'asseoir en bas de l'estrade où se trouve Mitterrand ; puis il cherche à imposer à Mitterrand le soutien au projet de guerre des étoiles de Reagan, mais finit par s'incliner devant le bluff du président qui refuse en menaçant de provoquer un référendum qui ne manquera pas de lui donner raison. D'ailleurs, la voile de l'hypocrisie se lève quand viennent les échéances présidentielles, et cette harmonie de façade apparaît alors bien aux yeux de tous comme l'illusion qu'elle est. Ainsi, en 1988, Mitterrand annonce sa nouvelle candidature par surprise lors d'une interview sur TF1, en justifiant partiellement cette dernière par les dégâts de la cohabitation et en chargeant violemment Chirac et son gouvernement. [...]
[...] En outre, une fois au pouvoir, chaque premier ministre se sent suffisamment légitime pour imposer son style et tranche avec l'habitude de subordination totale, voire de soumission, au président. Ainsi, Balladur tente la franchise et la détermination, prouvant la première en poussant Pasqua à reconnaître l'existence de bavures policières et à s'excuser auprès des familles, et la seconde en faisant passer une loi sévère sur l'immigration qui nécessite une révision constitutionnelle à propos du droit d'asile, laquelle reçoit d'ailleurs étonnement l'accord de Mitterrand. [...]
[...] La paix armée : un consensus souvent illusoire A première vue, on pourrait croire que le premier ministre contribue à une réelle harmonie. Il faut peut-être mettre à part celle entre Mitterrand et Balladur, qui est autant le résultat d'affinités personnelles que de la fin du règne de Mitterrand, atténuant forcément les rivalités, Mais de toute façon, on observe de vrais consensus, notamment sur le plan de l'extérieur : Balladur tombe d'accord avec Mitterrand sur la question des Balkans et partage même les critiques de sa majorité contre leur position commune, ils s'engagent côte à côte pour le Rwanda ; puis Jospin et Chirac réveillent ensemble l'Occident sur les atrocités commises en Ex-Yougoslavie et mobilisent les Etats-Unis. [...]
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