Le terme « totalitarisme » est relativement récent. L'adjectif « totalitaire » est utilisé en 1923 par les socialistes italiens pour stigmatiser un système électoral où le parti fasciste était le seul à présenter des listes. Mussolini reprend le qualificatif à son compte en 1925 : « Je revendique la farouche et féroce qualité totalitaire de mon régime ». Le terme reste toutefois peu employé dans l'entre-deux-guerres ; beaucoup d'observateurs sont frappés par l'aspect novateur des régimes fascistes et communistes, mais ne savent guère comment l'interpréter ; on continue d'utiliser des termes traditionnels – dictature, tyrannie…– tout en sachant qu'ils ne rendent pas compte des spécificités et de la modernité de cette nouvelle forme d'Etat.
Il faut attendre les années 1950 pour que le concept de totalitarisme fasse réellement l'objet d'études approfondies, notamment aux Etats-Unis (Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, 1951) puis en France (Raymond Aron).
[...] L'Etat est tout, l'individu n'est rien (Mussolini). Il s'agit d'une structure gouvernée par une tendance à l'unification, qui se manifeste à des niveaux multiples : Un parti unique (parti fasciste, NSDAP, parti communiste). Ce parti n'est ni un lieu de débat politique il n'y a pas de débat ni un instrument de conquête du pouvoir il n'y a pas d'élections mais un simple intermédiaire, une courroie de transmission indispensable entre le pouvoir et la société. L'omniprésence du parti l'amène souvent à court-circuiter les institutions ou administrations traditionnelles, plus lourdes ou moins dévouées : en URSS, le Soviet suprême est dessaisi de tous ses pouvoirs ; en Allemagne, c'est le bureau des Affaires étrangères du parti, et non le ministère, qui en vient à décider de la politique extérieure, ce sont les services de Goering qui dirigent l'économie à partir de 1936, etc. [...]
[...] Le concept de totalitarisme a donc une forte valeur descriptive, mais faiblement explicative. Par exemple, on insiste sur la force de l'idéologie, mais on ne pose pas la question de son contenu : c'est méconnaître totalement les intentions et les objectifs très différents de ces régimes. Le caractère englobant du concept aplanit les différences et gomme les spécificités. Il y a certes de nombreux points communs compris idéologiques) entre le fascisme italien et le nazisme, mais la dimension essentielle du nazisme, le fondement même du projet hitlérien, c'est-à-dire la suprématie absolue de la race aryenne et la volonté de modeler l'Europe en fonction d'une conception hiérarchique des races humaines, n'existe pas en Italie (même si Mussolini prend des mesures antisémites, il n'y a pas chez lui de volonté exterminatrice du peuple juif). [...]
[...] En permettant l'expression des différences, le débat politique et syndical, la démocratie pluraliste nuit à l'unité du pays : elle est cause de désordres inconcevables dans un régime totalitaire. Un objectif commun : forger un homme nouveau, agir au plus profond de la nature humaine pour que tout individu adhère sans réserve à l'idéologie. Le projet totalitaire consiste à dessaisir l'homme de sa nature sous prétexte de changer celle-ci (H.Arendt). Cf. en URSS le mineur Stakhanov, archétype de l' homo sovieticus qui d'après la propagande, aurait extrait 102 t. [...]
[...] Totalitarisme et régimes totalitaires Le terme totalitarisme est relativement récent. L'adjectif totalitaire est utilisé en 1923 par les socialistes italiens pour stigmatiser un système électoral où le parti fasciste était le seul à présenter des listes. Mussolini reprend le qualificatif à son compte en 1925 : Je revendique la farouche et féroce qualité totalitaire de mon régime Le terme reste toutefois peu employé dans l'entre-deux-guerres ; beaucoup d'observateurs sont frappés par l'aspect novateur des régimes fascistes et communistes, mais ne savent guère comment l'interpréter ; on continue d'utiliser des termes traditionnels dictature, tyrannie tout en sachant qu'ils ne rendent pas compte des spécificités et de la modernité de cette nouvelle forme d'Etat. [...]
[...] Comment l'historien peut-il user de ce concept si fécond pour les politologues ? En quoi son utilisation peut-elle l'aider à mieux comprendre la nature profonde du fascisme, du nazisme, du communisme stalinien ? Nous reprendrons ici successivement ces deux approches. I. Qu'est-ce que le totalitarisme ? Comment caractériser ce type de régime politique ? Nous distinguerons trois niveaux d'analyse. A. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture