Né à la fin du XVIIIe siècle en Allemagne, puis développé dans le début du XIXe siècle, le mouvement romantique apparaît au lendemain de l'humiliation des Allemands par les armées napoléoniennes et de la diffusion en Europe de la rationalité des Lumières. Le romantisme allemand naît officiellement avec la publication en 1773 de Von Deustcher Art undKunst par Goethe, Herder et Moser, puis évolue dans les domaines littéraires, linguistiques, philosophiques ou historiques. Le mouvement romantique a la caractéristique particulière d'avoir un corolaire politique, ses principes ayant servis de fondement à l'élaboration théorique d'une nouvelle conception de la nation et de l'Etat durant le XIXe siècle.
Le nazisme, qui émerge dans l'après-guerre, élabore une idéologie et une conception de l'Etat inédites – le totalitarisme raciste - incomparables aux précédents régimes autoritaires.
Puisque le romantisme a pu chercher à redéfinir ce qu'était une nation et un Etat, mais aussi parce que les principes plus philosophiques et esthétiques du mouvement portent en eux un idéal sociétal qui implique des convictions politiques particulières, on peut se demander dans quelle mesure la conception romantique de la nation allemande - et plus globalement le mouvement dans toutes ses dimensions – a pu influencer l'émergence du national-socialisme et poser certaines bases de l'Etat totalitaire nazi qui s'est concrétisé après 1933.
[...] Les influences intellectuelles qui ont inspiré le régime nazi sont diverses Par ailleurs, la théorie de l'Etat nazi et de son idéologie puise son inspiration et ses bases intellectuelles dans bien d'autres mouvements de pensée et jusque dans le domaine scientifique - que le romantisme. Les plus profondes conditions préalables au fascisme sont à chercher dans la révolte, à la fin du XIXe siècle, contre le credo libéral, la croyance quasi-religieuse en la liberté individuelle, la raison, l'harmonie naturelle humaine et le progrès. [...]
[...] Quant au rôle éducateur de l'Etat nazi, il sera évidemment extrême sous la forme d'une propagande systématique. Le mouvement romantique va jusqu'à influencer une redéfinition droit constitutionnel, dont un des chefs de file sera Georges Puchta : le volksercht ou droit du peuple, qui doit trouver son origine dans le peuple lui-même, c'est-à-dire un droit communautaire et non pas bâti sur les libertés individuelles. L'Etat totalitaire nazi pourra invoquer l'absence juridique de l'individu dans une société de communauté romantique pour supprimer les libertés individuelles. [...]
[...] L'influence d'Oswald Spengler sur l'avènement du nazisme est toute particulière puisqu'un deuxième volume qu'il publiera en 1922 sous-entendra qu'un césarisme puissant pourrait encore sauver l'Allemagne de la dégénérescence, et préconisera une révolution spirituelle capable de faire revitaliser la nation. Enfin, Hannah Arendt que le nazisme n'est le fruit d'aucune évolution de la pensée européenne, romantique ou non, ne doit rien à la tradition occidentale en aucun de ses courants mais est l'effondrement de toutes les traditions se fondant sur un désir de destruction et de production de vide. [...]
[...] Une conception romantique et inédite de la nation-Etat qui facilitera la construction de l'Etat totalitaire nazi Les valeurs philosophiques et culturelles du romantisme le rejet du rationalisme et de l'universalisme vont logiquement donner naissance à un romantisme politique, puisque les principes de culture particulière et la supériorité de la volonté et du sentiment sur le droit vont se traduire par une définition inédite de la nation qui s'opposera à l'Etat-nation artificialiste basé sur un consensus, un plébiscite de tous les jours comme le dira Ernest Renan en 1882 dans son discours Qu'est-ce qu'une nation ? et non pas sur des éléments tangibles comme la langue ou la culture issu de la Révolution française. [...]
[...] Le romantisme allemand s'est construit en opposition à ces principes abstraits et exogènes que les Français sont venus leur imposer par la force des baïonnettes : puisque l'envahisseur prônait l'universalisme, le romantisme allemand, politiquement engagé dans la lutte nationale assimilée à la lutte pour la liberté la liberté étant centrale dans la pensée romantique exaltait le particulier, le propre à la culture allemande, que cela se traduise par une inspiration artistique dans le folklore, dans la mythologie germanique ou le paysage naturel allemand. Pour Herder, la force créatrice d'un homme - d'un Allemand ne peut se révéler que pleinement sur son sol, et au milieu de gens qui lui sont semblables et qui parlent sa langue, avec qui il partage un sentiment communautaire. Le lien sacré que le romantisme va établir entre un peuple et sa terre va logiquement conduire à une haine du Juif apatride et urbain, que diabolisera notamment le philosophe völkischWilhelm Heinrich Riehl (Land undLeute, 1857-63). [...]
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