« Quand nous étions convoqués par le Maître suprême, nous ne savions jamais s'il voulait nous consulter sur une décision importante ou nous précipiter dans les oubliettes de la Loubianka ». Commentaire avisé sur la terreur qu'engendre un régime de pouvoir totalitaire, venant d'un lieutenant politique de Staline plus qu'averti, M.Khrouchtchev. En quoi consiste le phénomène totalitaire ? Ce phénomène, comme tous les phénomènes sociaux, prête à de multiples définitions, selon l'aspect que l'observateur retient.
Une signification usuelle de la notion tend à définir le totalitarisme comme un phénomène politique relatif à un régime dans lequel l'État, qui s'est d'abord coupé de la société qui l'a engendré, a envahi toute la sphère publique, jusqu'à nier les droits des individus et leur vie privée. Il est comme une maladie de l'État, lorsque celui, utilisant les ressources des techniques modernes, se veut « total ». La réalité historique de ce phénomène concerne les régimes nationalistes belliqueux qu'étaient l'Allemagne sous la domination nazie, l'URSS et d'une manière générale les régimes d'inspiration communiste, comme, de nos jours encore, la Chine populaire.
On pourrait dire que si le phénomène totalitaire tend à disparaître de l'histoire, son analyse a permis de déceler la tentation de tout régir qui habite l'État classique. À cet égard, elle permet encore au régime démocratique, dans l'État joue un rôle sans excéder des limites précises, de se définir et de se fortifier. « Jusqu'à quel point le régime de parti unique ou de planification totale est-il voué au totalitarisme ? », « Jusqu'à quel point le totalitarisme soviétique est-il ou non comparable à celui d'autres régimes, en particulier à celui du régime national-socialiste ? »
[...] Finalité d'un seul homme comme le montre Aaron. C'est l'intervention d'un seul homme qui rend la démesure au phénomène totalitaire. Une personne, le rôle qu'elle a joué ; grâce aux pouvoirs qu'elle détenait. C'est cette intervention personnelle qui nous amène à affirmer que l'entreprise des régimes totalitaires reste une entreprise irrationnelle. Ainsi, alors que l'Allemagne se battait sur deux fronts, les dirigeants du régime ont décidé de consacrer des moyens de transport et des ressources matérielles importantes afin de mettre à mort en série, par millions, des êtres humains Pour Aaron, l'analyse du totalitarisme permet de penser la spécificité et la supériorité du régime démocratique, constitutionnel, pluraliste et où l'État n'est pas soumis de manière absolue à une idéologie. [...]
[...] Répression et terreur. Culte de la personnalité. Ce phénomène terroriste est sans précédent dans l'histoire moderne, presque sans précédent dans l'histoire. Non pas qu'il n'y ait eu déjà de grandes tueries à d'autres époques. Mais, dans l'histoire moderne, jamais un chef d'État n'a décidé, de sang-froid, d'organiser l'extermination industrielle de six millions de ses semblables En ce sens également le totalitarisme hitlérien est irrationnel. L'objectif que se donne la terreur soviétique est de créer une société conforme à un idéal, cependant que, dans le cas hitlérien, l'objectif est purement et simplement l'extermination. [...]
[...] Tout d'abord, le régime totalitaire intervient dans un régime qui accorde à un parti le monopole de l'activité politique. Le parti monopolistique est animé ou armé d'une idéologie à laquelle il confère une autorité absolue et qui, par suite, devient la vérité officielle de l'État. Pour répandre cette vérité officielle, l'État se réserve à son tour un double monopole, le monopole des moyens de force et celui des moyens de persuasion. L'ensemble des moyens de communication, radio, télévision, presse est dirigé, commandé, par l'État et ceux qui le représentent. [...]
[...] La pensée de Raymond Aaron dans Démocratie et totalitarisme vient confirmer la théorie d'Arendt, seulement ne confond pas la comparaison des deux périodes de terreur du totalitarisme (période hitlérienne post national-socialisme ; régime soviétique entre 1934 et 1952) avec une comparaison générale du totalitarisme. En ce sens, la présentation de deux formes de totalitarisme qui se différencient malgré des bases communes est à notre sens l'étude la plus parvenue. Le phénomène totalitaire selon Raymond Aaron Raymond Aaron s'intéresse à la nature des liens entre les différents éléments qui constituent le totalitarisme et l'opposition et la parenté entre les diverses espèces de totalitarisme. Ainsi, pour Aaron, plusieurs critères sont constitutifs du phénomène totalitaire. [...]
[...] Ce centre est en mesure de manipuler les élections, d'assurer la désignation des électeurs par les élus. Un seul homme devient le maître du parti tout entier. C'est à ce moment que l'on retrouve les éléments fondateurs du phénomène totalitaire. Les singularités d'un homme, mais surtout la technique d'organisation (épurations, emploi de la violence par exemple). Comme le montrera Bertrand de Jouvenel Du pouvoir et si [le chef de parti] il a réalisé chez lui cette militarisation, c'est qu'il ne fallait pas moins, pour servir sa volonté de puissance, que la totalité des ressources nationales L'interprétation que l'on pourrait donner à l'élément déclencheur du totalitarisme exacerbé, dans sa forme la plus totale et folle (cela vaut également pour le régime nazi) est l'anticipation des ennemis potentiels et des partis ennemis potentiels. [...]
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