Les rapports entre savoir et action politique ont toujours été au cœur de la réflexion sur la prise de décision et les politiques publiques. Depuis la séparation nette entre les sphères du savant et celles du politique – que prêchait Max Weber dans ses célèbres conférences (1963) à l'exhortation de l'intellectuel et analyste à l'engagement partisan prôné par Lindblom (1993) – la littérature a été partagée sur le statut et le rôle de l'expertise scientifique dans le processus décisionnel.
Cette divergence théorique s'alliait particulièrement bien avec la réalité politique et institutionnelle car l'importance et la place accordées à la connaissance scientifique variaient énormément d'un pays à l'autre. Ainsi, des pays aux systèmes politiques centralisés tels l'Allemagne ou la France, caractérisés par la valorisation et la promotion du culte de l'élitisme, associaient étroitement prise de décision et possession de connaissances car les décideurs politiques et haut-fonctionnaires y étaient, généralement, recrutés sur la base du mérite.
Aux États-Unis par contre, système pluraliste par excellence, l'accent était moins mis sur la qualité du service de l'État, et partant de ses agents, que sur la représentation des intérêts de la société. Le service de l'intérêt général dans ce pays dépend fortement de sa définition conceptuelle. Aux États-Unis, l'intérêt général découle de l'affrontement des intérêts privés, alors qu'en France il est assuré par l'État qui en est le seul garant. De fait, dans la société américaine, les fonctionnaires ne devaient pas leur place à leur somme de connaissances ou à leur formation, mais plutôt à leur origine sociale ou professionnelle. Le modèle de citoyenneté de ce pays ne reconnaissant pas en l'État une entité supérieure aux individus et à la société, contrairement à la France, par exemple, la représentation a pu y emprunter de multiples trajectoires et s'instituer par le bas. Par conséquent, le système de gouvernance était surtout orienté vers la réconciliation et l'équilibre de ces divers centres d'intérêt.
Contrairement à la France donc, où les décideurs politiques n'avaient guère besoin de sortir des sphères décisionnelles et de l'appareil d'État pour trouver l'expertise dont ils avaient besoin, aux États- Unis la production de cette expertise a connu une évolution distincte de celle de l'État, consacrant les experts et producteurs de savoir comme des acteurs décisifs et à part entière de la prise de décision. Il en a découlé une prolifération d'organismes de recherche attachés à des secteurs concrets de la société (agriculture, défense, santé…) et à un investissement des milieux académiques à la recherche de solutions de problèmes sociaux à travers leurs centres de recherches spécialisés. L'un des buts, plus ou moins prononcé, de ces acteurs était d'influencer le pouvoir politique, ou à tout le moins de l'éclairer.
Les think tanks font partie de ces institutions intermédiaires entre le pouvoir politique et la société civile. Ils peuvent être définis comme des organisations indépendantes, sans intérêt déclaré et à but non lucratif dont l'activité est de produire et de s'appuyer sur l'expertise et les idées pour influencer le pouvoir politique (Rich, 2004 : 11). Véritables acteurs de l'ombre, les think tanks ont joué, et jouent, un rôle majeur dans la vie politique américaine. Leur statut et leur rôle ont varié considérablement, au fil de l'histoire, à mesure que leur nombre augmentait. Au départ, caractérisés par la neutralité et le retrait des controverses politiques, ces derniers se sont engagés de façon plus partisane, et ont réorienté leurs activités sur des bases idéologiques.
Le but de ce travail est d'étudier les conséquences de ce changement de paradigme des think tanks sur la place qu'ils occupent, et sur l'influence qu'ils ont, sur le processus décisionnel. L'accent sera surtout mis sur le moment de l'évaluation, car comme on le démontrera, cette étape est privilégiée à cause de la visibilité qu'elle offre. On pourra ainsi constater que ce rôle d'évaluation est biaisé par le fait que les conclusions et résultats de ces derniers ne constituent qu'une source légitimation a posteriori des décisions politiques, qui doit en rencontrer l'accord, tout en ne mettant pas en péril les intérêts organisés.
[...] Il en a découlé une prolifération d'organismes de recherche attachés à des secteurs concrets de la société (agriculture, défense, santé ) et à un investissement des milieux académiques à la recherche de solutions de problèmes sociaux à travers leurs centres de recherches spécialisés. L'un des buts, plus ou moins prononcé, de ces acteurs était d'influencer le pouvoir politique, ou à tout le moins de l'éclairer. Les think tanks font partie de ces institutions intermédiaires entre le pouvoir politique et la société civile. Ils peuvent être définis comme des organisations indépendantes, sans intérêt déclaré et à but non lucratif dont l'activité est de produire et de s'appuyer sur l'expertise et les idées pour influencer le pouvoir politique (Rich : 11). [...]
[...] Avant les années 1960, l'environnement politique favorisait fortement l'objectivité et la neutralité de l'expertise et la crédibilité et l'influence des think tanks dépendaient en majorité de leur capacité à produire des connaissances sans subir de pression politique quelconque et de leur éloignement des débats idéologiques qui entouraient les décisions politiques. Leur focus était centré sur l'atteinte de l'efficacité et de l'effectivité. De ce fait, leur finalité n'était pas la visibilité politique. Au contraire, leurs travaux devaient être le moins rattachés à un camp politique. [...]
[...] Ainsi, en contexte international, les think tanks demeurent des leaders d'opinion non négligeables. Dans ce travail, il a été question d'étudier la place et le rôle particulier qu'occupent les think tanks dans l'espace politique américain. On a ainsi pu constater que cette place et ce rôle ont évolué considérablement au fil de l'histoire, à mesure que leur nombre croissait. Après avoir expliqué les causes de cette évolution, on s'est attaché à en décrire l'aboutissement, puis les conséquences, autant pour leur image que pour la démocratie représentative. [...]
[...] Think tank et prise de décision Mots-clé : prise de décision, évaluation de politiques publiques, Think thank, groupes de pression. Les rapports entre savoir et action politique ont toujours été au cœur de la réflexion sur la prise de décision et les politiques publiques. Depuis la séparation nette entre les sphères du savant et celles du politique que prêchait Max Weber dans ses célèbres conférences (1963) à l'exhortation de l'intellectuel et analyste à l'engagement partisan prôné par Lindblom (1993) la littérature a été partagée sur le statut et le rôle de l'expertise scientifique dans le processus décisionnel. [...]
[...] De plus, leur principale mission est d'accéder aux décideurs politiques, contrairement aux think tanks libéraux qui ont des centres d'intérêts variés tels l'environnement, la crise sociale, le chômage ce qui diminue le temps et les ressources accordées à influencer directement le pouvoir politique (idem.). Cette condition a des effets importants, à la fois, sur le rôle des think tanks sur le processus de prise de décision, et sur la perception de leur importance. Ce sont ces implications que nous nous proposons d'examiner dans la seconde section de ce travail. [...]
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