Nous avons parfois tendance à opposer la personnification outrancière – et donc l'individualisation – du pouvoir qu'incarnait Louis XIV (« L'Etat c'est moi ») à notre conception institutionnelle du pouvoir – on choisit une personne pour remplir une fonction, ce qui peut donner l'impression à l'opinion que les présidences se suivent et se ressemblent. Pourtant selon la théorie des deux corps du Roi, cette opposition n'a pas lieu d'être. Il se pose d'abord un problème théorique et pratique : d'une part l'idée de la perpétuité de l'Etat et de l'autre, la mort du roi. La souveraineté –qui ne désigne pas la personne du roi mais la vocation à poser une loi légitime et à s'incliner devant elle- est menacée dans l'interrègne. Pour assurer la continuité et la légitimité de l'Etat lors de cette période, il est nécessaire de recourir à des métaphores : la théorie a surtout été élaborée par la Common Law anglaise, selon la conception de la personnalité juridique du roi et de la Couronne par les juristes. La pensée anglaise, mariant droit et politique élabore notamment le concept de « corporation unique », la pensée française présente une interprétation de la royauté où les distinctions entre aspects personnel et politique sont floues, du fait de la monarchie absolue. Nous nous intéresserons à l'héritage et aux points de convergence que représente cette théorie pour l'Etat contemporain. En quoi la théorie des « deux corps du Roi » permet-elle de comprendre aujourd'hui le lien entre incorporation du pouvoir et constitutionnalisation d'une autorité souveraine, ainsi que la continuité de l'Etat ?
[...] L'Etat est donc identique à lui-même de sa fondation à sa dissolution si bien que les mutations qui l'affectent, si elles sont régulières (élections présidentielles ne peuvent altérer les engagements pris auparavant. Son identité n'est pas atteinte par une substitution de ses gouvernants Enfin, si le chef de l'Etat (roi ou président) a bien deux corps, cela répond à une nécessité logique (le dédoublement fonctionnel) et rationnelle (l'égalité de tous devant la loi). La notion de permanence de l'Etat demeure entière aujourd'hui comme pour les juristes d'Elisabeth Ière, pour une raison de constitution civile - garantir une autorité souveraine. [...]
[...] Quant au Roi, l'idée de persona ficta semble avoir pris le dessus jusqu'à la disparition de l'office même, tout en conservant la personnalité abstraite et juridique caractéristique de l'Etat moderne sujet de droit international. [...]
[...] Pourtant selon la théorie des deux corps du Roi, cette opposition n'a pas lieu d'être. Il se pose d'abord un problème théorique et pratique : d'une part l'idée de la perpétuité de l'Etat et de l'autre, la mort du roi. La souveraineté ne désigne pas la personne du roi mais la vocation à poser une loi légitime et à s'incliner devant elle- est menacée dans l'interrègne. Pour assurer la continuité et la légitimité de l'Etat lors de cette période, il est nécessaire de recourir à des métaphores : la théorie a surtout été élaborée par la Common Law anglaise, selon la conception de la personnalité juridique du roi et de la Couronne par les juristes. [...]
[...] Auparavant, lors de l'interrègne, il était d'usage de dire que le royaume retournait aux mains de Dieu dans l'attente d'un nouveau roi. Mais le concept de Démise de la théorie a supprimé ce dangereux interrègne, signifiant que le Corps politique du Roi passait à un autre corps naturel de roi, sans qu'il y ait nulle vacance du pouvoir. C'est la signification de la formule du cérémonial Le roi est mort, vive le roi ! Soulignons néanmoins que ce n'est pas le sacre mais bien le droit coutumier qui fait du roi-personne le Roi-corps politique. [...]
[...] En quoi la théorie des deux corps du Roi permet-elle de comprendre aujourd'hui le lien entre incorporation du pouvoir et constitutionnalisation d'une autorité souveraine, ainsi que la continuité de l'Etat ? Entre incorporation et constitutionnalisation du pouvoir Selon Kantorowicz[1], le Roi a deux corps : l'un périssable et soumis à tous les aléas d'une existence mortelle, l'autre immortel consistant en une société politique et un gouvernement et constitué pour la direction du peuple et la gestion du Bien public Il s'agit respectivement du Corps naturel et du Corps politique, le premier étant à la fois subordonné et magnifié par le corps politique (ou mystique auquel il est incorporé. [...]
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