« Le gouvernement des experts » est un terme que l'on associe spontanément aux penseurs du XIXe siècle que sont Auguste Comte ou Saint-Simon ; mais ce type de gouvernement, fondé sur le savoir et la connaissance, est resté pendant longtemps à l'état de théorie et même d'utopie. La question de la rationalisation de l'Etat, par un renforcement des liens entre le savoir et le pouvoir, la science et la politique, est devenue d'actualité au XXe siècle : que ce soit dans le domaine de la santé, de l'environnement ou de l'économie, le recours à l'expertise est devenu presque systématique avant toute prise de décision, quand ce ne sont pas les experts –ou ceux qui se prétendent tels- qui se font politiques.
Mais d'emblée, on voit en quoi le gouvernement des experts, synonyme d'un terme devenu péjoratif avec le temps, la technocratie, par l'élitisme qu'il implique, se pose en opposition avec les valeurs d'égalité portées par la démocratie, qui elle est, « le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ». En liant le pouvoir au savoir, l'expertise exclut de fait une grande partie des citoyens de la direction des affaires de la cité. « Gouvernement des experts » et « gouvernement du peuple » seraient donc par définition inconciliables.
Donc, si le politique se subordonne à l'expert, le pouvoir au savoir, il n'y a plus de démocratie, plus de débat politique possible. Mais le pouvoir politique, au cours du processus de décision, peut-il réellement faire l'économie de l'expertise ? Il semble bien que non, tant le besoin de techniciens ou de spécialistes est devenu prégnant dans les sociétés modernes. L'enjeu, pour les sociétés démocratiques est donc de concilier rationalisation du pouvoir et participation des citoyens. Est-ce possible ?
Nous verrons qu'a priori, démocratie et gouvernement des experts sont antinomiques, mais qu'il paraît difficile de se passer de l'expertise en politique : pouvoir et savoir ne sont pas si éloignés l'un de l'autre. Mais finalement, le compromis entre rationalisation du pouvoir et implication des citoyens ne réside-t-il pas plutôt dans un gouvernement avec les experts que dans un « gouvernement des experts »?
[...] Technocratie et démocratie : Les démocraties modernes peuvent-elles s'accommoder du gouvernement des experts ? 1. A l'évidence, il semble bien que l'idée même de démocratie soit totalement incompatible avec un gouvernement des experts : la démocratie suppose de laisser au peuple la liberté de choix, alors qu'attribuer le pouvoir aux savants, c'est instituer une nouvelle forme d'aristocratie fondée sur le savoir. A. Le recours à l'expertise, ou le risque de voir de nombreuses questions sortir du champ politique, et donc d'empêcher tout débat public. [...]
[...] Un gouvernement d'experts ne ferme pas la porte au débat public. A. La possibilité de choisir et de multiplier les sources d'expertise : une garantie pour la démocratie. B. Un besoin croissant d'expertise chez les politiques et les citoyens, pour faciliter l'exercice de la démocratie En fait, tout dépend de ce que l'on entend par gouvernement des experts : s'il s'agit de remplacer les politiques par les savants, alors effectivement, il y antagonisme, mais s'il s'agit de faire des experts des adjuvants des politiques dans le processus décisionnel, alors, démocratie et gouvernement des experts s'avèrent compatibles. [...]
[...] L'expert, ou plutôt les experts, puisqu'il faut s'attacher à maintenir une pluralité de sources, jouent alors le rôle de formateur de l'opinion publique. On peut évoquer à ce sujet l'expérience des conférences citoyennes organisées sur des sujets aussi variés que la bioéthique, les OGM ou les nanotechnologies : des citoyens profanes sont choisis de manière à constituer un panel représentatif de la population, ils sont formés sur le sujet et appelés ensuite à rédiger un compte-rendu et à donner un avis. [...]
[...] Mais d'emblée, on voit en quoi le gouvernement des experts, synonyme d'un terme devenu péjoratif avec le temps, la technocratie, par l'élitisme qu'il implique, se pose en opposition avec les valeurs d'égalité portées par la démocratie, qui elle est, le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple En liant le pouvoir au savoir, l'expertise exclut de fait une grande partie des citoyens de la direction des affaires de la cité. Gouvernement des experts et gouvernement du peuple seraient donc par définition inconciliables. Donc, si le politique se subordonne à l'expert, le pouvoir au savoir, il n'y a plus de démocratie, plus de débat politique possible. Mais le pouvoir politique, au cours du processus de décision, peut-il réellement faire l'économie de l'expertise ? [...]
[...] Mais finalement, le compromis entre rationalisation du pouvoir et implication des citoyens ne réside-t-il pas plutôt dans un gouvernement avec les experts que dans un gouvernement des experts ? 1. A l'évidence, il semble bien que les démocraties modernes ne peuvent pas s'accommoder d'un gouvernement des experts : la démocratie suppose de laisser au peuple la liberté de choisir de ses valeurs, alors qu'attribuer le pouvoir aux savants, c'est instituer une nouvelle forme d'aristocratie fondée sur la connaissance Envisager un gouvernement des experts revient en fait à considérer la politique comme un domaine réservé, une affaire de spécialistes, de techniciens. [...]
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