Souvent présentes dans les mythes, souvenir du colonialisme pour les Occidentaux, symbole d'un espace hors de la modernité, ressources économiques vitales pour les pays du Sud ou formidables réserves de biodiversité et puits de carbone, les forêts constituent un objet complexe à définir. Le terme « forêts » peut lui même désigner plusieurs réalités selon l'échelle d'étude.
L'apparition des forêts en tant qu'objet international est quasi-concomitante avec l'émergence du concept de développement durable, et les enjeux globaux qui leur sont liés sont de plus en plus clairs et exposés au public. Ainsi, les forêts fournissent des services environnementaux à toute la planète (régulation du climat, réserve de biodiversité) et la déforestation grandissante dans les pays tropicaux est une réelle pression sur ces services rendus.
[...] L'émergence du concept de BPM est une réponse à la mondialisation et aux enjeux planétaires globaux, qui appelaient à de nouveaux outils de réflexion et d'action au niveau international. Initialement, la notion de BPM y reposait sur la définition de bien public : les BPM sont des biens aux caractéristiques de non-rivalité et non-exclusion, donc fortement liés aux externalités globales comme le problème du changement climatique. Mais en l'absence de gouvernement mondial, la fourniture des BPM repose uniquement sur l'action collective et la coopération internationale.
La notion de BPM a donc ultérieurement été étendue et n'est pas seulement la transposition à l'échelle internationale de la notion de bien public vue précédemment. Ainsi, alors que les conditions de non-rivalité et non-exclusion concernaient la consommation du bien public national, il semble qu'elles s'appliquent aux bénéfices générés par les BPM, comme le soulignent Karsenty et Pirard (2007). (...)
[...] De plus, les forêts sont régies par des régimes de propriété complexes. Certaines forêts sont gérées de manière communautaire, d'autres sont privées, quand certaines sont publiques. Le récent exemple de Chutt Wutty, Directeur de Natural Resource Protection Group, abattu au Cambodge alors qu'il prenait des photos d'arbres abattus dans une forêt privée, révèle l'importance des litiges fonciers[4]. Considérer les forêts comme un bien public mondial est un parti pris : les multiples statuts de la forêt. La forêt cumule donc les statuts. [...]
[...] Pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, il est question de la survie de l'espèce humaine. Il n'est pas question là de raisons de civilisation, de supériorité des pays industrialisés face aux pays en développement, de néo-colonialisme ou d'hégémonie de la pensée. Il s'agit ici de motifs qui transcendent le jeu politique traditionnel, des motifs liés à l'urgence écologique. Peut-on réellement bloquer la coopération internationale autour des forêts alors qu'elles jouent un rôle crucial face à des risques systémiques globaux ? [...]
[...] Le concept de bien public mondial Qu'est-ce qu'un bien public ? Selon Samuelson (1954), c'est la condition de non-rivalité de la consommation qui permet la distinction entre un bien public et un bien privé. A cette condition de non-rivalité, on ajoute généralement la caractéristique de non-exclusivité lorsqu'on définit un bien public. Comme le montre la littérature foisonnante sur le sujet de la classification des biens économiques, le respect simultané de ces deux conditions se rencontre rarement et comme le montre Le Prestre (2005), on peut classifier les biens ou les ressources selon le tableau suivant. [...]
[...] REDD+ est un exemple d'action internationale répondant aux enjeux globaux écologiques, qui n'handicapent pas économiquement les pays signataires. Loin d'être un modèle pour un régime international des forêts, REDD+ innove dans son approche de l'action collective et constitue une bonne réponse à l'urgence écologique. Il est fort probable qu'un tel programme n'ait jamais vu le jour sans l'apparition du concept de BPM appliqué aux forêts. Dans la suite de cette note, on utilisera BPM pour référer à bien public mondial. [...]
[...] Les considérer comme un BPM constitue donc un parti pris de ne pas considérer leurs effets locaux. Cela pourrait être interprété comme une ingérence dans les affaires internes d'un Etat souverain, notamment si une gestion standardisée des forêts arrive à terme. Cela pourrait être également considéré comme une expropriation pour certaines populations autochtones. Enfin, d'autres pourront argumenter que voir la forêt comme un BPM, c'est entraver le développement économique légitime des pays du Sud pour les seuls intérêts écologiques globaux. [...]
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