Maison de l'histoire de France, conception de l'histoire, culture, polémique, Nicolas Sarkozy
Dans le programme sur lequel il a été élu, Nicolas Sarkozy annonçait déjà sa volonté de créer une maison de l'histoire. Celle ci, qui sous le nom de Maison de l'histoire de France devrait ouvrir en 2013 sur le site des Archives nationales à Paris, prend peu à peu forme. Ainsi en janvier 2011 s'est crée son « comité d'orientation scientifique ». Jean-Pierre Rioux, historien, qui dirige ce comité explique dans un entretien réalisé par Cyril Bousquet pour le site Rue89 les spécificités et vocations de la Maison de l'histoire tout en répondant à un certain nombre de critiques. Ce projet suscite en effet un débat qui porte sur tous les niveaux de sa réalisation ( origine, mise en œuvre, destination, implantation...) et rencontre notamment l'opposition de nombreux historiens. Jacques le Goff par exemple s'est réuni avec d'autres, enseignants à l'université, membres du collège de France ou de l'École des hautes études en sciences sociales, pour signifier son opposition à ce projet jugé « dangereux ». Isabelle Backouche, qui fait partie de ce groupe d'historiens qui disent leur opposition au projet, a, en tant qu'historienne, rédigé un essai de socio-histoire du projet qui lui permet de développer ce qui en fait selon elle un projet intrinsèquement mauvais. Quels éléments font polémique dans cette institution qui se crée aujourd'hui ? Et comment, dans un contexte politique, médiatique et scientifique particulier, appréhender ce projet.
[...] Projet qui apparaissait dans le programme du candidat Sarkozy lors des précédentes élections, programme sur lequel il a été élu donc, et qui se réalise au moment où commence à se faire le bilan de son mandat . Mais il ne faut peut être pas non plus diaboliser ce « baptême sarkozyste ». Jean-Pierre Rioux rappelle effectivement et à juste titre que la volonté présidentielle de marquer, souvent par la création d'une institution, culturellement son passage est caractéristique de la Vème république. Enfin, par rapport à la question de la valorisation de l'histoire, Isabelle Backouche explique que ce projet, sous couvert d'y participer, rentre en fait dans le cadre d'un processus exactement inverse. [...]
[...] La question d'une restriction à l'histoire de la France seule, si elle est très vivement critiquée, m'apparaît pouvoir être envisagée d'une manière plus sereine. En effet, créer un musée sur la France n'implique pas la disparition ou l'absence de création d'autres choses qui concernent la France en rapport avec le reste du monde, ou bien des époques et des cultures qui existent indépendamment de la France, le musée du quai Branly en est un exemple. Cependant, dans le cadre de la Maison de l'histoire de France, qui est on la vu reliée à la question de l'État-nation, on peut relever quelques incohérences, notamment chronologiques, dans la mesure par exemple où serait intégrée la préhistoire. [...]
[...] En outre, Jean-Pierre Rioux annonce que le musée répondra à un goût des Français pour l'archéologie, les traces ; les objets et les témoignages y occuperont donc une grande place, ce qui participe de l'histoire-mémoire, qui véhicule l'anecdotique, le sensationnel, ainsi qu'un goût pour l'intime, le vécu, l'émotion, ce que critique notamment Isabelle Backouche, qui parle péjorativement de « scoop » et de « culture voyeuriste ». Néanmoins et sans jouer sur les mots, il s'agit bien avec cette maison de donner à voir l'histoire à ceux qui ne sont pas à l'origine de sa production. Et si cela peut prendre un aspect de ''prêt à penser'', cela correspond aussi à une demande du public. [...]
[...] C'est certes un réel problème, mais qui n'est pas la question ici finalement, puisqu'il s'agit avec ce projet de Maison de l'histoire de France non pas de la production du savoir, mais de sa diffusion autre que par l'enseignement. Il me semble donc qu'il y a ici deux niveaux à distinguer, bien qu'ils soient tout de même interdépendants. Certes le choix des Archives met « un lieu en danger », et ne montre pas une volonté de développement de la discipline historique par le haut, c'est à dire à sa source, ce qui est plus que regrettable. [...]
[...] On voit que la question de la médiatisation de l'histoire se pose ici. Et si elle est potentiellement bénéfique pour la discipline, l'historien est désaisi de sa mise en œuvre, ce qui pose pour Isabelle Backouche un problème quant à la qualité notamment de ce qui est proposé. Néanmoins c'est une évidence que par sa nature même, et bien qu'il comporte un projet d'aide à la recherche, un tel projet ne peut pas être d'une exhaustivité et d'une rigueur scientifique que quelque chose pensé pour et par des enseignants-chercheurs par exemple. [...]
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