L'usage du passé en tant que construction mémorielle peut endosser diverses formes, résultant d'une organisation du souvenir. En politique, la mémoire joue de ces principes pour utiliser et s'appuyer sur des souvenirs collectifs touchant des pratiques sociales en servant ses enjeux. La commémoration est notamment un exemple probant des stratégies de souvenirs collectifs émanant d'une entité institutionnelle. Derrière chaque choix commémoratif politique se tapissent des références symboliques, des idéologies et des objectifs significatifs. Si la mémoire, en termes généraux, se construit sur la rupture duale entre ce que nous estimons digne d'être retenu et montré et ce qui doit être oublié ou du moins tu, les stratégies mémorielles politiques travaillent sur le retour à la visibilité couplé au maintien dans l'invisibilité des faits passés. Derrière ces sélections mnésiques, c'est un discours symbolique, en rapport à un contexte et des conjonctures, qui est bâti.
Le pouvoir politique se manifeste comme tel par sa maîtrise de la contrainte et par la possibilité qu'il a de créer et de faire adopter des symboles par des groupes. Le politique manie des hommes, des idées, des rites, une Histoire, des références. Voici alors comment la classe politique utilise l'Histoire et ses éléments pour soutenir sa communication codifiée, nourrir des valeurs et des systèmes d'alliances idéologiques visant à rassembler et légitimer un discours. La logique de l'analogie entrer Histoire et symbolique se retrouve au cœur d'une manœuvre théâtrale où le pouvoir accrédite sa supériorité.
La commémoration de Jeanne d'Arc, figure historique connue de tous les français, par le Front national répond à ce raisonnement. La célébration de cette personnalité touche un moment fort de l'histoire de France et de la vie collective par un filtrage de l'imaginaire. Ce cérémonial, qui renoue avec des traditions et détient un rôle social et discursif, permet, par le biais du processus mental de l'évocation symbolique, de donner une impression de force sécurisante, de légitimer un discours et de nourrit la sensibilité individuelle et collective des destinataires.
Nous chercherons à voir comment s'est construit au fil du temps la symbolique du rôle et de l'identité de Jeanne d'Arc d'un point de vue historique et historiographique pour tenter de comprendre comment elle est utilisée dans la stratégie communicative du Front national à travers un discours de Jean Marie Le Pen déclamé lors du traditionnel défilé en mémoire de Jeanne d'Arc.
[...] Ainsi, Le Pen, en utilisant l'idée que Jeanne d'Arc a défendu sa patrie contre l'envahisseur anglais et cherché à rendre sa pureté à son pays, justifie son idéologie nationaliste et se réfugie sous le symbolisme patriotique véhiculé par Jeanne d'Arc. Il en appelle à ces valeurs et vise alors des interlocuteurs soucieux de leur idéal patriotique, désirant protéger la France parce qu'ils l'aiment, quelque soit leur origine : Il y a beaucoup de Françaises et de Français patriotes ( Qu'ils n'attendent pas Jeanne d'Arc. Il n'en est qu'une. Mais, qu'ils reconnaissent ceux qui défendent dans l'esprit de Jeanne d'Arc, son idéal patriotique. [...]
[...] Un second procès est ouvert en 1894, employant la formule dite formelle de la canonisation, sur preuve de la constitution d'un dossier enquêteur. Ce n'est qu'en 1897 que le véritable procès s'ouvre, la décision revenant à Rome. Devant un dossier plus que conforme aux critères catholiques, des querelles paraissent sur le plan politique notamment. La canonisation pâtit des relations tendues entre la France et le Saint-Siège, conséquences de l'adoption de la loi de 1905 instituant la séparation entre l'Église et l'État français. [...]
[...] Cette mémoire, construite par des vivants pour les vivants utilise le passé dans et pour le présent et porte des enjeux à la fois sociaux, politiques et symboliques. Que commémore alors le F.N. à travers l'image de Jeanne d'Arc ? Quelles relations existe-t-il entre cette symbolique et le discours de ce parti politique ? En nous appuyant sur le discours d'ouverture du défilé du 1er mai 2004 de J-M Le Pen et sur les données historiques évoquées précédemment, nous soulignerons, d'une part, ce que le F.N. extrait et utilise de l'image de Jeanne d'Arc pour le mettre au service de ses idéologies politiques. [...]
[...] La symbolique commémorative en politique : Jeanne d'Arc dans le discours du Front national Table des matières Introduction I. Méthodologie II. Du fait historique à la mythification a. La réalité historique : la Guerre de Cent Ans Les origines du conflit Le déclenchement de la guerre L'intervention de Jeanne d'Arc L'histoire et le souvenir de la Pucelle b. Naissance d'un mythe et attribution symbolique Jeanne d'Arc en politique La Religion et la Pucelle Jeanne d'Arc dans la littérature c. La reprise politique de la figure de Jeanne d'Arc par le Front national Une tradition réappropriée Une commémoration symbolique III. [...]
[...] La commémoration de Jeanne d'Arc, figure historique connue de tous les Français, par le Front national répond à ce raisonnement. La célébration de cette personnalité touche un moment fort de l'histoire de France et de la vie collective par un filtrage de l'imaginaire. Ce cérémonial, qui renoue avec des traditions et détient un rôle social et discursif, permet, par le biais du processus mental de l'évocation symbolique, de donner une impression de force sécurisante, de légitimer un discours et de nourrit la sensibilité individuelle et collective des destinataires. [...]
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