À la fin du Second Empire, Gambetta déclarait : « le suffrage universel est l'arche sainte de la démocratie, c'est de ce principe qu'il faut désormais faire découler toute la politique. Il faut que nous ayons un code politique et que ce code politique soit intitulé : De la politique tirée du suffrage universel. » Nul doute que le suffrage universel, accompagné du principe de souveraineté populaire devient un principe inévitable, une conquête définitive arrivée à l'état de dogme politique.
Pierre angulaire de la IIIe République, le suffrage universel est-il vraiment le sacre de la souveraineté populaire en tant qu'acteur politique ?
[...] Le rejet perpétuel du referendum démontre le caractère inaccompli de l'adhésion au suffrage-capacité qui voit dans le citoyen une puissance légitime directement commandante .Autrement dit, il existe une limite au suffrage universel : l'horizon de la République, qui est au-dessus de celui-ci (Ferry lors de la révision constitutionnelle de 1884). Cet équilibre,ce respect du compromis entre démocratie et libéralisme correspond pourtant aux respects des règles de la concurrence pacifique que traduit l'idée même de souveraineté populaire et de la démocratie telle que la conçoit Raymond Aron. En effet, cette compétition implique une dissociation entre le pouvoir politique et la puissance sociale : les gouvernants ne le sont pas par naissance mais parce que le peuple les a choisis. [...]
[...] Ainsi, si le suffrage universel s'inscrit comme principe dogmatique de la République des pères fondateurs, il ne constitue pas pour autant le sacre de la souveraineté populaire. Le suffrage universel, emblématique des questions de démocratisation hier et aujourd'hui, ne constitue qu'une étape, certes décisive, dans l'histoire agitée de la démocratie. Aujourd'hui, que tous les individus pèsent d'un poids identique dans la légitimation politique est devenu pour nous un fait d'évidence, une donnée presque naturelle Le suffrage universel est dorénavant l'obligatoire pierre angulaire de tout système politique. [...]
[...] Pierre angulaire de la Troisième République, le suffrage universel est-il vraiment le sacre de la souveraineté populaire en tant qu'acteur politique ? Le rêve aristocratique d'une élite qui conduirait un peuple ayant abandonné tout pouvoir entre ses mains Comment ériger autour du suffrage universel un régime enfin solide et stable ? C'est le problème que s'attachent à résoudre les pères fondateurs. Le suffrage universel est proclamé principe définitif et incontournable de légitimation, en même temps que l'on appréhende ses limites et ses difficultés comme principe de gouvernement. [...]
[...] La question de la souveraineté populaire est donc celle de la sélection des élites. Or, l'élitisme démocratique est un des éléments centraux de la vision politique des pères fondateurs. Le régime représentatif, qui selon Grévy, substitue à l'ignorance du plus grand nombre les lumières de l'élite des citoyens suppose la supériorité de l'élu, qui doit commander et non pas obéir à la souveraineté populaire. Malgré les efforts d'instruction publique et d'éducation de la démocratie pour réconcilier le nombre et la raison, les républicains seront longtemps réticents à couronner sans réserve le peuple. [...]
[...] A tel point que même les régimes totalitaires ou les dictatures militaires n'osent pas le rejeter ouvertement, préférant le manipuler ou le suspendre provisoirement. Le suffrage universel est loin d'être une condition suffisante de la démocratie : ces pays trop vite labellisés démocraties sans que les voix des peuples soit véritablement entendue en constituent un exemple contemporain frappant. [...]
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