“La démocratie, c'est le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple”, selon la définition d'Abraham Lincoln, reprise dans la constitution française. Mais si la démocratie se présente comme une forme de gouvernement, elle est également une structure sociale, et un idéal: idéal d'égalité, d'éducation du peuple. L'ordre démocratique, c'est donc tout cela à la fois: qu'un gouvernement démocratique est le meilleur promoteur et garant qui soit de l'idéal démocratique au sein de la société. Le peuple souverain est la source de la légitimité des gouvernements. C'est lui qui les désigne et leur confie leurs pouvoirs, mais c'est aussi lui, semble-t-il, sans l'appui duquel un gouvernement ne peut durer. Le peuple représente alors un danger pour les élites au pouvoir, par la capacité qu'elles lui prêtent de pouvoir renverser l'ordre, l'ordre établi, qui sera défendu au nom des “valeurs démocratiques”. Le postulat démocratique que la légitimité vient des élections et du peuple, implique donc que la menace qui pèse sur l'ordre démocratique vient d'en bas et des fractions populaires de la population lorsque ces fractions votent. Le peuple est donc à la fois à l'origine de la constitution des régimes, à la fois un élément qui stabilise l'ordre en l'approuvant, activement ou passivement, mais il est aussi celui qui peut déstabiliser, voire provoquer l'écroulement de cet ordre. Selon les occasions, les sens donnés au mot “peuple” varieront: le peuple sera l'ensemble de la nation, ou ses couches les plus populaires, selon qu'il s'agit de donner de l'ampleur à un mouvement, ou au contraire le circonscrire à des couches alors présentées comme honteuses, afin de provoquer le rejet de leurs pratiques. Le peuple, ou l'idée que l'on s'en fait, sera donc instrumentalisé par les gouvernants, pour justifier du bien fondé de l'ordre régnant, ou au contraire d'un nécessaire changement d'institutions, en prêtant aux gouvernés une opinion politique. Toute participation des gouvernés à la vie politique est un atout pour les gouvernants, qui peuvent les associer à leur action, mais elle présente également des risques: risque d'une trop forte participation, d'une contestation, d'une participation dans des formes considérées comme non légitimes par les acteurs de la sphère politique, ou le risque d'être suivie par une démobilisation ne montrant que la désaffection de la population pour un régime donné. Les gouvernants ont donc besoin pour gouverner d'une mobilisation quotidienne en leur faveur, mais craignent une mobilisation contre eux. Les consultations électorales constituent également une épreuve à l'issue de laquelle la démocratie peut basculer, si le peuple élit des dirigeants autoritaires. L'apparition, et le maintien du FN, transformé par les analystes électoraux en parti “populiste”, ravive un certain nombre de craintes pour les partis gouvernementaux. Nous étudierons donc dans une première partie comment l'opinion publique peut jouer un rôle stabilisateur de l'ordre public, grâce à sa mobilisation autour de nouvelles institutions, et dans une deuxième partie comment le vote populaire peut être un élément de déstabilisation de l'ordre démocratique.
[...] Il s'agirait plutôt d'un effet de transfert: la violence des groupes paramilitaires provoquerait chez les petites classes moyennes la peur de voir les franges marginalisées de la population se radicaliser massivement, ce qui entraînerait un vote NSDAP. De nos jours encore, classes populaires et chômeurs sont désignés comme les responsables des succès du FN depuis le milieu des années 80. Ils voteraient pour des partis “populistes”, comme l'analyse électorale se plaît à le dire depuis les présidentielles de 2002. L'équation est simple: les classe populaires se sont ralliées au Front national, celui- ci est donc un populisme. [...]
[...] Les cotes respectives de popularité de Sarkozy et Villepin pendant la crise des banlieues nous étaient rappelées tous les jours ou presque. Il s'agit de “mesurer” l'opinion, de la sonder. Il semble important à chacun de donner son approbation, ne serait-ce que formelle, de marquer son adhésion aux politiques en cours. Il est également important pour le pouvoir en place de pouvoir afficher une grande mobilisation à sa suite, une grande popularité. Cette opinion publique n'a pas toujours été au cœur de la vie politique. [...]
[...] L'exemple des électeurs FN en milieu populaire”, Politix, - Gaïti B., rôle de l'opinion dans les processus de délégitimation ou la quête de l'impopularité des régimes déchus”, in Lagroye J., La Politisation, Paris, Belin - Gaxie D., vote désinvesti. Quelques éléments d'analyse des rapports au vote” Politix, - Lehingue P., “L'objectivation statistique des électorats: que savons- nous des électeurs du Front national”, in Lagroye J., La Politisation, Paris, Belin - Mayer N., hauts et le bas du vote Le Pen Revue Française de Science Politique, vol 52, octobre-décembre 2002. - Pierru E., Guerre aux chômeurs ou guerre au chômage, Paris, Editions du Croquant 1. [1]Cités dans A. Collovald, Le Populisme du FN, un dangereux contresens. [...]
[...] De même, l'ancien directeur de la SOFRES: vote protestataire rallie [ . ] la majorité des ouvriers et des chômeurs”.[1] Mais comme toujours, ces enquêtes sont contestables: pour des raisons budgétaires, les catégories socioprofessionnelles de l'INSEE sont réduites au nombre de quatre lors des entretiens “sortie des urnes”, et aplanissent donc drastiquement les différences sociales. Les personnes placées dans des catégories identiques n'ont pas le même salaire, la même dépendance, le même sentiment de dignité ou d'indignité sociale, le même optimisme ou pessimisme quant à leur avenir et leur chances de progression sociale, ils ne possèdent pas la même capital économique ou culturel, et ne sont pas exposés de la même manière à l'Etat. [...]
[...] La assume alors un visage de “progrès”. “L'ampleur et la soudaineté des réformes disent l'échange de services: la satisfaction de revendications de certaines fraction montantes des élites sociales, la participation de leurs représentants à l'élaboration des politiques publiques contre une reconnaissance de la nouveauté du régime.” C'est donc grâce à la mobilisation de la majorité de l'opinion publique que la république se construit. Les sondages occupent une place à part entière dans les nouvelles relations sociales qui se nouent. Ils existaient déjà sous la mais ils étaient peu nombreux, s'adressaient à un public relativement politisé, reflétaient souvent les intentions du commanditaire, ou étaient réalisés par des journaux en collant à l'attente présumée des hommes politiques pour créer chez eux une demande. [...]
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