Le Prince de Machiavel est reconnu comme étant un ouvrage majeur de science politique et ce à tel point que, s'inspirant du passage fameux traitant des qualités nécessaires au Prince, l'Institut des Sciences Politiques de Paris a rassemblé ces allégories –le renard et le lion- en son blason. Écrit au XVIe siècle en un temps de passion politique, l'ouvrage vise à "donner des règles de conduite à ceux qui gouvernent", bien loin des constructions intellectuelles qui ont précédées mais plutôt un véritable guide pratique à l'usage du Prince pour la conquête et la conservation du pouvoir. Telle que définie dans le Trésor de la Langue française, la souveraineté signifie " Qualité, fonction de souverain, de monarque; exercice du pouvoir par un souverain", et dans les deux extraits de l'œuvre étudiés, Machiavel énonce justement les qualités que le Prince doit paraître avoir et les artifices auxquels il doit recourir pour "manœuvrer la cervelle des gens" et préserver sa souveraineté. Cette légitimation de l'action de l'homme d'État en fonction de la seule nécessité, hors de tout cadre moral, a donné naissance à la notion de « machiavélisme », qui renvoie aujourd'hui essentiellement à un calcul dénué de tout scrupule. Pour à la fois préciser la pensée de Machiavel, et pour percevoir l'originalité de sa démarche, on pourra se demander en quoi la souveraineté selon Machiavel annonce néanmoins des principes de politique moderne. Nous étudierons pour cela d'abord la visée, étant la pérennisation du pouvoir, puis le moyen, à travers les qualités et ruses dont le Prince doit savoir se servir pour y parvenir.
[...] Le centaure Chiron était, selon les écrits de l'Antiquité, le précepteur des princes de l'époque. Le but était d'apprendre à ces futurs souverains potentiels, l'utilité de cette double identité. Tout Prince désirant pérenniser sa souveraineté doit savoir user des deux puisque "l'une sans l'autre n'est pas durable." Pour Machiavel, la souveraineté s'exerce par des lois ou par la force, d'où l'utilité de se servir de l'homme et de l'animal qui sommeille en nous. À choisir, le côté animal de l'homme doit s'incarner dans le lion et le renard. [...]
[...] Claude Lefort y voit posé le problème du pouvoir en termes plus ou moins classistes. Seul, Merleau Ponty, dans ses Notes sur Machiavel, reconnaît l'énigme: le machiavélisme peut-il être compris comme synonyme de calcul secret et coupable pour le pouvoir alors qu'il vend la mèche?" Malgré tout, cette œuvre majeure de Nicolas Machiavel se trouve à l'origine d'une grande tradition de la souveraineté, incarnée dans la théorie de l'État de puissance reprise par Thomas Hobbes, Jean Bodin jusqu'à Maurice Hauriou. [...]
[...] La souveraineté s'incarne dans le Prince, elle est conçue par lui et pour lui exclusivement. Le but de cette œuvre est de convaincre, car l'enjeu pour Machiavel est sa propre réhabilitation auprès du nouveau prince de Florence, Laurent de Médicis, alors qu'il est en exil quand il écrit le Prince. De sa volonté de construire une autorité pérenne, on comprend que Machiavel croit en l'immuabilité de la souveraineté. En l'occurrence, il veut créer une continuité pour stabiliser l'Etat. Il faut donc user de la bête et de l'homme, car "l'une sans l'autre n'est pas durable" et le nouveau Prince doit souvent agir contre les grands principes moraux "pour maintenir l'État". [...]
[...] "Il faut donc être renard pour connaître les rets et lion pour effrayer les loups". En définitive, Machiavel fait appel à la perception du Prince ; à la perception qu'il a des autres, mais aussi de lui-même. Il doit être capable d'agir et de réagir en fonction de qui il est et de ses intérêts. Il doit se connaître pour mieux faire face à des situations de crise par exemple. Tromper les apparences Non seulement, le Prince doit savoir faire preuve d'introspection pour réveiller sa nature profonde, mais il doit également savoir utiliser tout ce qui fait son individualité, c'est-à-dire ses qualités comme ses défauts. [...]
[...] Pour à la fois préciser la pensée de Machiavel, et pour percevoir l'originalité de sa démarche, on pourra se demander en quoi la souveraineté selon Machiavel annonce néanmoins des principes de politique moderne. Nous étudierons pour cela d'abord la visée, étant la pérennisation du pouvoir, puis le moyen, à travers les qualités et ruses dont le Prince doit savoir se servir pour y parvenir. I De la pérennisation de l'autorité souveraine Machiavel avait de la souveraineté une conception tout à fait novatrice à plusieurs titres. Premièrement, sa démarche comme sa pensée s'inscrivent en rupture par rapport aux pensées de l'époque, héritées de l'Antiquité. [...]
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