L'Amazonie reste empreinte de mystères, et se voit souvent représentée comme une espèce de jardin d'Eden encore intact et inexploré, où l'on soupçonne l'existence de tribus n'ayant pas été en contact avec la civilisation et le monde moderne, et dont on a encore du mal à estimer la richesse naturelle se cachant dans cette immensité sauvage et brute.
L'Amazonie a cependant connu depuis 50 ans un regain d'intérêt, d'abord limité au Brésil, puis s'étendant à mesure qu'une prise de conscience environnementaliste contaminait le monde.
Conscient de l'importance grandissante de cette région largement inhabitée et inexploitée, le gouvernement militaire arrivé au pouvoir dans les années 60 fait de la région une priorité et lance durant les années 60 et 70 des campagnes de peuplement du bassin avec comme mot d'ordre "l'occuper pour ne pas la livrer", et lance la construction d'autoroutes pour compléter le réseau routier national tout en incitant la population brésilienne à venir s'y installer.
Durant les années 50, le géopoliticien Golbery de Couto plaidait en faveur de la colonisation de la région qui constituait alors une "frontière vide" et donc vulnérable aux incursions étrangères.
Avec la fin de la guerre froide et la redéfinition des rapports de puissances et de nouveaux défis environnementaux, des personnalités du monde politique se sont exprimé sur ce qu'il convient d'appeler le débat sur l'internationalisation de l'Amazonie. Ainsi Mikhaïl Gorbatchev, dernier secrétaire général de l'URSS déclara : "Le Brésil doit déléguer une partie de ses droits sur l'Amazonie aux organismes internationaux".
François Mitterand lui fit écho lorsqu'il affirma que "le Brésil [devait] accepter une souveraineté relative sur l'Amazonie" , ajoutant lors de la Conférence Mondiale des ONG de Paris en 1991 le devoir d'ingérence de la communauté mondiale sur les questions de protection de l'environnement, et suggéra la création d'une autorité supranationale dédiée à cette tâche (...)
[...] Le gouvernement du président Lula a décidé de mettre en place des visas de travail spéciaux pour les personnes voulant travailler dans certaines zones, ce afin de séparer des bonnes ONG des mauvaises et éviter que les biopirates ne s'accaparent certaines espèces en déposant des brevets. Le modèle de Stephen Krasner, selon lequel les acteurs transnationaux finissent par copier la structure de l'état-hôte (appelé isomorphisme) est donc à relativiser ici. Si Brasilia cherche à contraindre les multinationales et les ONG, c'est que celles-ci échappent en partie à son contrôle, et surtout car tout semble indiquer qu'elles sortent gagnantes du marchandage s'opérant normalement dans l'analyse de Stephen Krasner entre l'Etat et les acteurs transnationaux. [...]
[...] Et l'utilisation croissante des faits scientifiques (pouvant être lié ou non à la poursuite d'intérêts nationaux) comme évidence dans les disputes internationales est révélateur : la dictature argentine se basait sur des recherches géologiques et géographique pour revendiquer ses droits sur les Malouines britanniques. Le droit international et les sciences de l'environnement sont utilisés nous le verrons, comme arguments difficilement opposables pour défendre l'idée de l'internationalisation de l'Amazonie. Le pouvoir, et par extension l'Etat n'échappe pas à l'obligation de résultat afin d'être considérée comme légitime. La vérité, l'idée de justice gagnent du terrain dans les débats et les conflits sur la scène internationale. [...]
[...] Nous avons découvert que le sous-complexe régional nord andin constituait aujourd'hui la zone la plus sensible de la partie sud du continent américain. Sa proximité avec le nord du Brésil et de la forêt amazonienne en fait un sujet d'inquiétude pour le Brésil et comme nous venons de le démontrer, pour les Etats-Unis. D'un point de vue stratégique, la région est souvent considérée par les militaires brésiliens comme critique, ce pour les motifs suivants : - le Venezuela tout d'abord qui préoccupe ses voisins par son instabilité interne et les ingrédients idéologiques de sa politique externe contre les Etats-Unis qui pourraient à terme déborder sur la région - la Colombie en proie à une guerre civile, et dont les zones contrôlées par les paramilitaires hostiles à Bogota sont de plus en plus transfrontalières, transformant ainsi la zone en région sensible.[102] - enfin la radicalisation des discours des représentants des mouvements indigènes, prônant des manifestations d'ampleur internationale dans la région, et dont le nationalisme exacerbé est un facteur d'instabilité au niveau régional. [...]
[...] La sauvegarde de l'autorité qu'un Etat dispose sur son territoire est et restera, malgré l'interdépendance qu'entraîne une globalisation toujours plus intense, la motivation première des états en matière de politique étrangère. De même il en reste que si cette diminution de la souveraineté Brésil ou ailleurs- venait à se concrétiser -et cela ne se ferait sûrement pas sans résistance du côté brésilien- on voit mal quel régime international délivrerait l'Amazonie de l'avidité des états. Une menace plus réaliste serait celle d'une annexion de la puissance nord-américaine. [...]
[...] Le meilleur indice de cette globalisation de la gouvernance environnementale selon Clark est la multiplication des accords environnementaux internationaux ainsi que la longévité de ceux-ci chez les états participants. L'Etat signe et ratifie des traités, s'engageant ainsi à respecter des mesures prises par des institutions internationales. Figure 2 Evolutions dans les rôles de gouvernance[62], William C. Clark Le tableau ci-dessus tiré de l'ouvrage de Keohane et Nye décrit le processus de mutations dans les formes de gouvernances, où l'Etat délègue ses prérogatives aux niveaux supranationaux mais aussi locaux, comme c'est le cas, nous allons le voir au Brésil, avec les difficultés qu'engendre l'application au niveau local de décisions fédérales. [...]
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