Le socialisme est associé plus ou moins intimement, tout du moins à ses débuts, aux notions de réformisme et de révolution. Mais peut-on pour autant les considérer à part entière comme les composantes déterminantes du socialisme ? De manière plus générale, comment définir le socialisme, tout en demeurant centré sur sa corrélation avec les concepts de révolution et de réformisme ?
Mais avant, il nous faut tout d'abord tenter de dresser, d'esquisser les contours du socialisme jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, qui, si l'on peut dire, marqua la fin du débat théorique et programmatique autour des thèmes réformiste et révolutionnaire au sein de ce mouvement : de fait, le socialisme constitue à la fois une doctrine, un parti et une culture. Une doctrine, car, adossés à la gauche du spectre politique, les socialistes entendent mener vers une réorientation en profondeur de la politique, notamment en matière économique et sociale.
Plus concrètement, dès cet établissement doctrinal tout en perdurant à travers les années, les revendications socialistes s'élèvent en faveur d'une collectivisation des moyens de production, l'idée étant de faire prévaloir l'intérêt général, de substituer le collectivisme à l'individualisme.
[...] Telle est la position de Jean Jaurès ou de Karl Kautsky. Enfin, on appelle réformistes au sens du strict du terme, ceux qui voient dans un État régulateur l'avènement de la mise en œuvre des idées socialistes ; dans cette optique, qui est celle du Labour Party britannique, du Français Benoît Malon ou d'Edward Bernstein, le développement des services publics, à l'échelle locale ou nationale, permet d'amorcer le changement social dans une sorte de longue transition permettant d'échapper à une rupture trop brutale. [...]
[...] C'est la capacité à faire fonctionner la société sur de nouvelles bases, obtenues via l'éducation, l'évolution des opinions. Plus concrètement encore, le débat a été perceptible et retentissant au sein du microcosme socialiste via la Bernsteiniade ou la querelle du socialisme allemand (dite querelle des révisionnistes) ayant suivi les écrits d'E.Bernstein et notamment la publication des Prémisses du socialisme en 1899. Cette grande controverse doctrinale n'est pas le fait d'un inconnu : Bernstein était en effet loin d'être un marginal dans l'histoire du socialisme puisqu'installé à Londres, il côtoya notamment les membres de l'influente Fabian Society et fut surtout le secrétaire particulier d'Engels ainsi que son exécuteur testamentaire à la mort de celui-ci. [...]
[...] Surtout, voilà qui faisait dire à l'un des plus éminents représentants du socialisme, en l'occurrence Jean Jaurès, que la controverse autour du binôme réformisme révolution ne pouvait qu'être considéré comme un faux débat : d'après lui, le socialisme est révolutionnaire parce que réformiste, réformiste parce que révolutionnaire . [...]
[...] Poussant encore plus loin ces postulats au fil des années, il rédige surtout en 1891 la Critique du programme d'Erfurt, dans laquelle il considère que, dans certains pays comme la France ou les Etats-Unis, la vieille société pourra évoluer pacifiquement vers la nouvelle dans la mesure où le suffrage universel et le parlementarisme tendront vers l'avènement du socialisme. Notre parti, écrit-il, ne pourra arriver au pouvoir que sous la forme de République démocratique cette dernière n'étant plus considérée comme contradictoire avec la dictature du prolétariat. Le revirement est de taille, et saisissant par rapport à ses écrits de l'époque du Manifeste du Communisme. [...]
[...] C'est ici qu'apparaît le terme de réformisme, qui ne s'oppose pas à l'idée de révolution puisqu'il correspond à la définition énoncée précédemment. Ce glissement sémantique et ce revirement idéologique ne se sont cependant pas opérés dans l'unanimité, tant s'en faut, et ont fait l'objet de virulents débats : aussi tôt qu'apparaît cette conception d'un socialisme révolutionnaire par le réformisme naît ce que l'on peut nommer une scission au sein du socialisme européen, et ce en trois courants. En premier lieu, on nomme révolutionnistes (selon le mot de Marcel Prélot) ceux dont la vision socialiste reste indissociable de l'insurrection violente comme mode de conquête du pouvoir, voyant toujours dans la Révolution française la mécanique du changement social, telle l'influente Rosa Luxemburg en Allemagne, ou Gustave Hervé qui défend l'idée révolutionnaire au sein de la SFIO ; sous cette étiquette se regroupent également les syndicalistes révolutionnaires. [...]
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