Si Saint-Simon et Fourier procédaient toujours à partir de la hiérarchie en cherchant à imposer une nouvelle manière de produire plus moderne (Saint-Simon) ou plus attrayante (Fourier), Proudhon entend prendre la question en amont. C'est dans l'économie elle-même, et non dans les buts ou les causes de la production qui réside le problème. Tandis que Saint-Simon et Fourier partagent le but de multiplier les richesses et les ressources, Proudhon le premier fait porter l'interrogation sur le rapport du travail et de ses résultats, la propriété. Tout dépend de là. La propriété est par définition inégalitaire, car elle est un processus indisciplinable. Elle tend à grossir : elle est tendue vers l'accumulation et la capitalisation. A propos des fouriéristes, Proudhon demande : « Quand la production serait quadruplée, décuplée, centuplée, la propriété, par sa puissance d'accumulation et ses effets de capitalisation, absorberait bien vite et les produits et les capitaux, et la terre, jusqu'aux travailleurs » (chap. IV, huitième proposition, p. 243). Ce qui n'était qu'une conséquence, chez Saint-Simon ou Fourier, devient l'élément central. C'est par là qu'il apparaît dès avant 1848 comme celui qui élabore la première grande critique sociale. C'est celle-ci qui influence notamment Bakounine. C'est celle-ci que nous allons essentiellement étudier à travers l'ouvrage Qu'est-ce que la propriété ? La thèse de l'ouvrage a fait scandale. Elle est annoncée dans la première page du livre : « La propriété, c'est le vol » (chap. 1, p. 57). C'est essentiellement du petit ouvrage posthume, Dieu et l'État (1882) Paris, Mille et une nuits, ed. Joël Gayraud, 2000, que nous allons parler. Bakounine s'y livre à une critique conjointe de la politique et de la religion. La critique de la religion est pour lui le fondement même de la critique de l'État. De cela, il tire la conséquence de la nécessité de l'action insurrectionnelle. Avec Bakounine, on a affaire, pour la première fois, dans le socialisme, à une vie de révolutionnaire.
[...] Cette création de leur liberté devint leur esclavage. Le christianisme témoigne par excellence que l'essence de la religion car il expose l'asservissement et l'anéantissement de la liberté au profit de la Divinité (p. 25) : Dieu est le maître, l'homme l'esclave (p. 25). Pour recouvrer sa liberté, l'homme doit renoncer à toute religion. La négation de Dieu et de la forme d'autorité qui maintient en esclavage est la condition de la justice, de la fraternité, de la prospérité, de la justice (p. [...]
[...] La politique, c'est un programme. Nous l'examinerons dans un deuxième temps. La deuxième voie, par laquelle nous allons commencer, s'interroge moins sur la légitimité de la violence que sur sa place exacte dans l'histoire et dans l'action politique. A ne pas situer exactement la place de la violence, on risque un hiatus entre l'action et le but de celle-ci. Les anarchistes ont un but mais il est encore métaphysique. L'action pour cette raison doit, selon eux, être radicale et non pragmatique. [...]
[...] Si Proudhon influence le mouvement socialiste au delà de sa composante anarchiste, c'est qu'il pose l'égalité comme le principe des sociétés. L'égalité n'est pas seulement un facteur d'amélioration sociale, mais la condition d'existence des sociétés. L'égalité est une loi. C'est elle qui règle les activité sociales : L'égalité des conditions, voilà le principe des sociétés, la solidarité universelle, voilà la sanction de cette loi chap. 5). C'est la raison pour laquelle la propriété est la cause déterminante de toutes les révolutions chap. [...]
[...] Elle est née de la colère et de la haine chap. et n'avait donc rien de méthodique et de réfléchi. Elle n'a pas détruit les bases de la société et l'influence des préjugés n'a pas diminué, d'où ce jugement de Proudhon : On s'entretient avec un enthousiasme peu réfléchi, de la glorieuse révolution française, de la régénération de 1789, des grandes réformes qui furent opérées, du changement des institutions : mensonge ! Mensonge ! chap. 1). L'erreur majeure dont nous subissons les conséquences, le préjugé qui nous empêche d'appliquer correctement le principe de justice, est l'incompréhension de ce qu'est la souveraineté. [...]
[...] La justice, principe vrai dans son objet, faux quant à notre manière de l'entendre S'il y a un objet en effet sur lequel l'humanité est dans l'ignorance, c'est celui-ci selon Proudhon : les grands maux de l'humanité lui viennent de sa sociabilité mal exercée, de cette même justice dont elle est si fière, et qu'elle applique avec une si déplorable ignorance chap. 5). Que l'on prenne en effet le discours des théologiens, ou celui des philosophes, on n'est guère avancé. Les théologiens ne s'engagent en effet pas : ils disent la justice vient de Dieu Mais on peut savoir ce que cela signifie. Est-ce que tout ce qui existe se trouve justifié ou est- ce que l'on peut lutter contre les injustices au nom de la volonté de Dieu ? [...]
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