Le bicamérisme, autrement dit l'aménagement du pouvoir législatif en deux assemblées -l'une étant chargée de représenter la nation et l'autre une certaine catégorie de population ou encore des Etats fédérés-, apparaît pour la première fois en France avec la Constitution dite « de l'an III » qui institue le Directoire. Pour éviter d'être confronté aux excès d'une Chambre unique, comme ce fut le cas sous la République thermidorienne, ce régime se dote d'une seconde Chambre, le Conseil des Anciens. Devenue conservatrice sous le Consulat puis sous l'Empire, la Chambre Haute va connaître un certain regain d'autonomie sous la Restauration et la monarchie de Juillet, avant de se soumettre de nouveau, à Napoléon III. En 1875, les lois constitutionnelles consacrent le retour à un Sénat aux prérogatives fortes, ceci afin de garantir la durabilité de la République. Pour Gambetta, chef de fil des républicains, cette Chambre Haute doit représenter « l'esprit communal », « admirable instrument d'ordre, de paix, de progrès démocratique ». Pourtant, après Vichy et le rétablissement de la légalité républicaine, la IVème République choisit la voie d'une seconde Chambre, le Conseil de la République, aux pouvoirs si limités par rapport à ceux de l'Assemblée nationale que l'on a pu qualifier ce régime de « monocamérisme camouflé » (Jean Cluzel). Mais en 1958, les constituants, le général de Gaulle et Michel Debré en tête, optent pour une seconde Chambre réaffirmant son autorité, retrouvant sa dénomination de « Sénat » en vertu de l'article 24. Ce choix a pour but non seulement de permettre à une Chambre élue différemment d'apporter une certaine pondération aux éventuels élans de l'Assemblée dans l'examen et le vote des lois et du budget, mais aussi de permettre à de Gaulle de bénéficier du soutien qui pourrait lui faire défaut de la part des députés du Palais-Bourbon. A ses débuts, la Vème République apparaît donc comme une « République sénatoriale ».
Pourtant, les critiques abondent quant à l'efficacité et la légitimité de cette Chambre, ses 321 membres étant élus au suffrage universel indirect à deux, voire trois degrés. Dans quelle mesure l'existence du Sénat est-elle donc justifiée sous la Vème République ? S'il apparaît que de la seconde Chambre dépend l'équilibre démocratique, la composition et les prérogatives sénatoriales peuvent susciter nombre de critiques et de tentatives de réforme.
[...] Ces commissions, disposant d'un pouvoir de convocation, sont censées aboutir à la remise d'un rapport, et, depuis une loi de juillet 1977, à la publication automatique de celui-ci sauf dans le cas où l'assemblée concernée souhaite qu'il reste confidentiel. Portant sur des sujets très variés, du scandale des abattoirs de la Villette en 1970 en passant par les conséquences des 35 heures pour l'économie française, les rapports des commissions d'enquête font autorité au Parlement et se doivent d'être pris en considération par le ou les ministres concernés. [...]
[...] La Chambre Haute est même la première institution à goûter aux joies de la cohabitation en 1981, comme le rappellent Jean-Pierre Gratien et Emmanuel Lemieux. Dès lors le Sénat apparaît comme un contre-pouvoir indépendant, puissant et efficace, comme en témoigne par exemple l'abandon du projet de loi Savary sur l'enseignement privé en 1984 suite à l'obstruction parlementaire du Sénat, relayée ensuite par une vaste mobilisation populaire. Après la véritable lune de miel constituée par la période giscardienne, le Sénat accepte tout d'abord de voter les textes voulus par le gouvernement, tels que l'abolition de la peine de mort ; mais bientôt la Chambre haute, en désaccord avec la politique menée par la gauche, utilise avec grande efficacité ses divers moyens de contrôle. [...]
[...] On reproche en effet très souvent au Sénat de la Vème République sa représentativité limitée. Il apparaît que les grands électeurs, qui désignent les membres de la seconde Chambre, ne représentent que 0,25% de la population totale. D'autre part, il existe de grandes inégalités de représentation induites par le mode de désignation des sénateurs : les communes de moins de 9000 habitants élisent par exemple entre 1 et 15 grands électeurs, tandis que dans les villes de plus de habitants, l'on n'ajoute qu'un seul délégué supplémentaire par tranche de 1000 habitants au-delà de Ce qui revient à dire qu'un village de 40 habitants envoie un délégué à l'élection sénatoriale, comme c'est le cas pour 1000 résidents d'une grande ville. [...]
[...] Pour toute révision de la Constitution, le vote du Sénat est indispensable. C'est également le cas pour toutes les lois organiques concernant la seconde Chambre elle-même, dans le but d'empêcher les tentatives d'affaiblissement, voire de suppression, du Sénat qui pourraient intervenir de la part d'un gouvernement désireux de se défaire d'une institution qui peut se révéler gênante en cas de cohabitation. Ainsi, le Sénat assure une certaine continuité, indispensable à la réflexion qui doit prendre part à tout processus décisionnel. [...]
[...] Toujours dans le même souci, l'âge d'éligibilité a été porté de 35 à 30 ans. De même, cette loi de 2003 introduit le scrutin proportionnel dans les trente départements ou collectivités d'outre-mer où sont élus quatre sénateurs et plus, et conserve le traditionnel scrutin majoritaires à deux tours dans les collectivités dans lesquelles sont élues trois sénateurs ou moins ; cette réforme doit permettre de rendre compte plus fidèlement des votes des grands électeurs avec moins d'effet grossissant pour les candidats arrivés en tête. [...]
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