Dans l'imaginaire collectif, sectes et libertés ne font pas bon ménage. On se les représente souvent comme des groupes d'illuminés fanatiques menés par un gourou dont le seul but est de gagner de l'argent en endoctrinant des personnes faibles et influençables. Tant et si bien que selon un sondage TNS-SOFRES de 2004, 94,2% des Français déclarent avoir peur des sectes, et 87,5% souhaiteraient les voir interdire. Le mot « secte » a donc endossé une connotation péjorative, évoquant rites occultes, pratiques mystiques ou autres suicides collectifs.
Cependant, si l'on en revient à une définition plus sociologique de la secte, on s'aperçoit qu'elle n'est autre qu'un groupement d'individus hétérogènes, unis par une foi commune religieuse ou politique. Trop peu nombreux pour former une religion, ils sont parfois en opposition avec celle à laquelle ils appartenaient. La différence entre religion et secte apparaît donc ici ténue, la différence ne consistant que dans le nombre de membres. Ernest Renan finit de jeter le doute sur la question en affirmant qu'une religion est une secte qui a réussi.
Se pose dès lors la question de l'attitude que les autorités se doivent d'adopter vis-à-vis des sectes, et la réponse à cette question repose tout entière sur la définition que l'on donne d'une secte. S'il s'agit d'un groupement d'hommes et de femmes qui se réunissent pour exercer leur culte, alors la secte est un outil de liberté d'opinion et de conscience qui ne peut être inquiété en vertu du principe de laïcité proclamé par l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses ». Cependant, si l'on revient à la définition commune d'une secte en tant que groupement de fanatiques intolérants, alors, non seulement la secte va à l'encontre du principe de laïcité qu'elle semblait incarner, mais en plus, elle devient une menace pour la liberté même de ses membres. Il conviendrait dès lors de restreindre, voire d'interdire purement et simplement les sectes dans la mesure où celles-ci ont recours à des pratiques contraires à l'ordre public. C'est le chemin que semble avoir pris la France, s'érigeant en chef de file de la lutte contre les dérives sectaires pour la protection des libertés individuelles.
C'est à partir de ces expériences contradictoires que l'on en vient à s'interroger sur l'attitude à adopter vis-à-vis des sectes. Représentent-elles un réel danger pour la liberté des personnes, ou au contraire, sont-elles l'expression la plus aboutie de la liberté de conscience et de culte ? Faut-il interdire juridiquement les sectes ? Une telle mesure ne serait-elle pas liberticide ?
Nous verrons que si la secte n'est pas toujours synonyme de liberté pour ses membres et porte parfois atteinte à l'ordre public (I), la liberté d'opinion autorise les sectes, rendant par là leur répression illégitime (II).
[...] Mais plus le temps passait, plus je devenais dépendante de la communauté, je devais toujours payer plus cher. J'acceptais sans rechigner, de peur de me faire renvoyer. Puis c'est devenu un cauchemar, je ne sortais plus. Je n'en avais plus envie. Tout ce que je voulais, c'était rejoindre les autres. Dès lors, il semble qu'une lutte contre les sectes s'impose. B. [...]
[...] Au départ, en 1998, les lois étaient cependant très indirectes et ne visaient pas directement les sectes. Par exemple, la loi de 98 sur le contrôle de l'obligation scolaire a permis indirectement de limiter l'isolement des enfants. Néanmoins, la loi de juin 2000 relative à la protection de la présomption d'innocence et des droits des victimes constitue un pas en avant dans la lutte anti-secte dans la mesure où elle autorise les associations de lutte contre les sectes d'exercer les droits normalement reconnus à la partie civile. [...]
[...] Là encore, les exemples existent malheureusement. La Secte dite du Temple Solaire a organisé en 1978 et en 1995 en France des suicides qui ont coûté la vie à près de 1000 personnes dont des dizaines d'enfants. Une secte japonaise n'a pas hésité à organiser une attaque terroriste dans le métro de Tokyo qui a causé la mort de 12 personnes. D'autres sectes comme les témoins de Jéhovah interdisent à leur membre, pour des raisons cultuelles, de pratiquer la transfusion sanguine et l'on se souvient de l'affaire de 2001 qui avait ému l'opinion : une fillette de 9 ans était morte à l'hôpital, ses parents ayant refusé qu'on lui administre une transfusion. [...]
[...] Chacun est libre de faire ce qu'il veut, quels que soient les motifs retenus. De même, comme soulignait Ernest Renan, la différence entre secte et religion et ténue dans la mesure où toutes les religions aujourd'hui reconnues sont d'anciennes minorités ce qui peut les assimiler à des sectes. Par exemple, le catholicisme était réprimé sous l'Empire romain, et le protestantisme lors des guerres de religion. Pourquoi accepterait-on certaines religions, au prétexte qu'elles sont plus importantes en nombre de fidèles, et pas d'autres ? [...]
[...] Cependant, il reste que la définition d'une secte vis-à-vis d'une religion ou d'un club reste difficile, et interdire une secte ne reviendrait-il pas à interdire aux personnes d'exercer librement leur liberté d'opinion et de culte ? La secte de définit-elle seulement par ses dérives. Cela expliquerait pourquoi la répression engagée par les Etats ne vise que les dérives des sectes et non les sectes elles-mêmes. A. Les libertés de culte et d'opinion appliquées aux sectes Selon la loi de 1905, la République assure la liberté de conscience. [...]
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