En tant que groupes traditionnellement dotés des caractéristiques d'excellence, d'autorité (ou de pouvoir) et d'influence, les élites sont investies de responsabilités importantes. Le constat d'une crise généralisée des élites est aujourd'hui plus ou moins communément admis. Cette crise se nourrit d'éléments objectifs venant remettre en cause la position de force occupée par les groupes dirigeants dans la société nationale (effets de la mondialisation économique, transformations du système capitaliste, médiatisation de la société et importance de la communication, remise en cause de l'Etat-nation par la construction européenne…). Elle est également provoquée par la défiance croissante des citoyens à l'égard d'une élite taxée d'impuissance, d'aristocratisme et d'impunité. Avec ce paradoxe typiquement français, que relève Tenzer et Delacroix, selon lequel la crise de l'autorité des élites, qui tient au décalage d'avec la société et la « dé-hiérarchisation » des rapports sociaux, ne permet pas en retour le développement des mécanismes d'autonomisation d'une société qui revendique pourtant plus d'autonomie et de participation : au contraire, « l'attente à l'égard du (des) sommet(s) est de plus en plus forte et celui-ci ne peut y répondre de manière adéquate que de plus en plus difficilement ».
Or, si dans les régimes non démocratiques, les élites sont le plus souvent coupées du corps social et de ce fait à l'abri de toute sanction, en revanche, les sociétés démocratiques appellent en principe à une responsabilité effective de leurs groupes dirigeants. Tenzer et Delacroix affirment ainsi que « la remise en question des élites est … le propre du jeu démocratique ».
Le principe admis, demeure la question des modalités concrètes de sanction des élites. Plusieurs formes de remise en cause sont possibles, allant du déclassement social (perte d'influence, décalage d'avec les nouvelles aspirations, modes de pensée, ruine économique) à la sanction judiciaire. Adaptée aux spécificités de chacune des catégories d'élites, cette remise en question opère toujours « en fonction d'imaginaires sociaux et collectifs concurrents» (Tenzer et Delacroix ). Elle apparaît comme la conséquence normale des accusations qui leur sont adressées. A cet égard, l'on note un indéniable accroissement des modalités de « sanction » - au sens large. Certaines de ces modalités sont anciennes, voire consubstantielles à l'existence d'une élite. Ainsi, l'élection est-elle le procédé normal de validation ou de rejet de l'élite politique.
La problématique de la sanction des élites sera envisagée sous plusieurs angles successifs. L'analyse de la définition de l'élite constitue le préalable indispensable à toute tentative d'examiner leur responsabilité. L'on verra que les évolutions de la notion d'élite traduisent les changements d'attente à leur égard (I). L'idée d'un « crépuscule des petits dieux », formule retenue par l'essayiste Alain Minc pour décrire la crise des élites sera ensuite abordée : la défiance croissante de la société à l'égard de ses groupes dirigeants nourrit les velléités de mise en jeu de leur responsabilité. L'on constatera ainsi que la multiplication des modalités de sanction est la conséquence de ce climat de défiance généralisée (II). En effet, les possibilités de mettre en cause la responsabilité des élites traditionnelles sont apparues inopérantes devant le renouvellement et l'accroissement des groupes dirigeants. C'est pourquoi de nouvelles possibilités ont été aménagées, la loi jouant dans ce processus un rôle central (III).
[...] Jacques Chirac n'a pas agi différemment en multipliant les déclarations vengeresses pendant la campagne présidentielle de 1995. De son côté, Jean-Marie Le Pen a fait de la critique de établissement un thème récurrent de ses discours. Le modèle du grand commis de l'Etat a sans doute rendu d'insignes services au moment de la reconstruction d'après-guerre, et quand il s'est agi d'équiper le pays d'infrastructures modernes. Il a commencé à perdre de sa pertinence quand le rôle de l'Etat dans l'économie a été contesté, puis progressivement rogné, dans les années 80. [...]
[...] La lutte contre la corruption politique et administrative et la délinquance financière s'internationalisent progressivement, grâce au développement des coopérations entre polices, justices et à l'adoption de législations applicables en dehors des frontières nationales. A cet égard, l'Union Européenne constitue un lieu privilégié d'élaboration d'une stratégie concertée d'encadrement de l'action des élites. Si les effets immédiats de cette internationalisation demeurent à ce jour limités, l'on ne peut contester la contribution d'une telle tendance à l'extension du champ de la pénalisation des décideurs. [...]
[...] Tout en réaffirmant que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait (art. 121-1), le NCP évoque la possibilité de rechercher la responsabilité pénale des personnes morales (art. 121-2). Ces dernières n'encouraient jusqu'alors que des poursuites en matière civile ; dotées d'un casier judiciaire, elles peuvent depuis 1994 être mises en examen et placées sous contrôle judiciaire. Toutefois, les dispositions du NCP sont subordonnées au principe de spécialité selon lequel la responsabilité pénale des personnes morales n'est mobilisable que dans les cas prévus par la loi ou le règlement. [...]
[...] Les électeurs évaluent alors les mérites et les insuffisances du mandat passé. Cette responsabilité politique est mise en cause plus ou moins fréquemment selon la longueur des mandats (désormais tous les cinq ans pour le président de la République et les députés, tous les six ans pour les conseillers municipaux, généraux et régionaux et pour les sénateurs depuis la réforme du 30 juillet 2003). la responsabilité pénale : si l'on met à part le cas particulier du président de la République, qui ne peut être poursuivi qu'en cas de haute trahison et uniquement devant la Haute Cour de justice, cet aspect pénal de la responsabilité a eu tendance, ces dernières années, à prendre une importance croissante dans la vie publique. [...]
[...] Ce n'est pas un mince programme. Revue de Presse La France malade de ses élites Le Monde septembre 1997 Les Français ont changé. Ils aspirent à un pouvoir moins exclusif et plus responsable En 1991, le transfert de l'Ecole nationale d'administration (ENA) à Strasbourg avait soulevé un tollé . Contre sa propre administration, contre l'ensemble des anciens énarques de la politique et du monde des affaires, Edith Cresson, premier ministre, avait maintenu sa volonté de transférer l'école, histoire, disait-elle, de vivifier les régions et de rendre les énarques plus sensibles aux questions européennes. [...]
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