Le XIXe siècle est le témoin d'une révolution technique et politique qui permet une production industrielle des journaux. Le journal symbolise le passage à une production et à une consommation de masse. Cet essor est porté par deux évolutions favorables : la législation de la presse (censure sous le Second Empire contre les journaux politiques d'opposition mais libéral pour les journaux apolitiques comme "Le Petit Journal " puis loi de 1881) et les innovations (qui permettent d'augmenter les tirages et d'assurer une diffusion plus large). Devenue accessible aux classes populaires, la presse connaît alors un âge d'or en Europe.
L'émergence progressive d'une consommation plus massive prend aussi appuie sur un nouveau temps libre d'emblée investit par les industries culturelles. Age d'or de la presse donc, elle a attiré dans ses pages dès les années 1830 la publicité, alors appelée « réclame », et s'est ouverte au roman-feuilleton pour séduire les lecteurs.
De 110 000 exemplaires vendus en 1836 on passe à 180 000 en 1840, 1 million en 1870 pour aboutir à 9-10 millions en 1914. Cette consommation de masse induit nécessairement une évolution convergente des mœurs. Il est dès lors légitime de se demander quelle est l'influence de la presse dans cette évolution : conduit-elle comme il est courant de le penser à une uniformisation ou reste-t-elle représentative de la diversité des sociétés ?
[...] La culture de l'image et du spectacle La presse touche aussi un grand public grâce aux illustrations et aux photographies. Les trois premiers journaux illustrés naissent coup sur coup en Angleterre, en France puis en Allemagne. Ce sont les ancêtres de la presse magazine : The Illustrated London News en 1842, L'Illustration et Die Illustrite Zeitung en 1843. Ils tentent de canaliser la passion du public pour le spectacle visuel. Cet attachement à l'image se lie fortement avec une nouvelle sorte de presse : la presse féminine. [...]
[...] Charles de Lesseps, fils de Ferdinand, se confesse lors du procès : Ce n'est pas moi qui ai été l'initiateur de la corruption. Ce sont les journaux qui venaient me voir et qui disaient : Si vous ne me donnez pas d'argent, je vais dire que votre entreprise ne marche pas D'autres affaires, comme celle des emprunts russes, éclaboussent la presse française et révèlent au grand jour sa vénalité. Et cette vénalité ne touche pas que la presse financière, mais aussi la presse généraliste. [...]
[...] Le journal ne s'adresse plus seulement à l'intelligence mais aussi à la sensibilité. On abandonne donc le style littéraire et l'ambition intellectuelle du journal. Les journaux sont moins doctrinaires, moins politiques, et s'ouvrent aux récits de la vie ordinaire : ce ne sont plus des journaux d'opinion mais d'information. Il faut avoir le courage d'être bête disait Millaud. L'information y est traitée de manière légère, distractive et amusante. Millaud utilise notamment les chroniques quotidiennes, les meilleurs feuilletons de l'époque (notamment la série des Rocambole) pour distraire ses lecteurs. [...]
[...] Millaud n'avait, en créant, d'autres intentions que de donner au peuple, tous les jours, un écho de la vie nationale : informations, fait divers, chroniques inspirées par les événements d'actualité, causeries sur le théâtre, variétés, romans, mais pas de politique ! La politique, c'était alors la mort certaine. (Jean LECOCQ, Almanach 1940) Avec 10 millions d'exemplaires vendus chaque jour en France à la Belle Epoque on assiste à une véritable civilisation du journal. Comment le succès de cette industrie culturelle influence-t-il les lecteurs ? Quelle révolution entraine-t-elle dans les mœurs comme le suggère Jean Lecocq ? II- Entrainant une uniformisation des références culturelles . [...]
[...] Si elle véhicule un modèle de société, une harmonisation de la culture et des références communes elle est aussi diverse, parfois sectaire et incontestablement un outil de différenciation sociale. A la fois relai d'un nouveau mode de vie massivement adopté et singularisante puisqu'elle nécessite un choix parmi la diversité de sa production. Peut-être faut-il admettre que la presse influence nos choix, nos idées et notre consommation, d'autant plus dans une période de massification de sa production. Mais si elle donne un repère, celui du mode de vie moyen, c'est au particulier qu'il revient de donner une forme à ce qui n'en a pas : l'information. [...]
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