« Le jour où a été fondée l'instruction publique et obligatoire, où l'État, la nation légifèrent efficacement et généralement en cette matière, ce jour-là le caractère collectif de la nation, jusque-là inconscient, est devenu l'objet d'un effort de progrès » (Marcel Mauss). Ainsi la nation ne résulterait-elle en définitif que de l'action effective de la puissance publique, qui par l'éducation qu'elle offre à ses citoyens, permet l'émergence de l'idée nationale, la création d'une solidarité acceptée par et entre ceux, «nationaux », qui constituent cette « communauté imaginée » (Benedict Anderson). L'acte positif de construction de cette conscience nationale par l'École, associée aux autres instruments que sont l'armée ou encore la presse, le choix offensif de générer chez les futurs citoyens l'esprit de « patrie » et de « nation » constituent un nationalisme politique nécessitant des outils de poids : le manuel scolaire entre autres.
Malaisé à définir, le nationalisme serait « essentiellement un principe politique, qui affirme que l'unité politique et l'unité nationale doivent être congruentes » (Ernest Gellner). Mais à cela s'ajoute la volonté pour l'État, dans le cadre de ce nationalisme politique, de promouvoir cette identité nationale, face à des nationalismes dissidents sous-jacents, ou à d'autres extérieurs aux frontières de l'État, de revendiquer la supériorité de sa nation, et par là même, le rassemblement sous son autorité de populations ayant des traits communs (langue, culture, volonté de vivre ensemble etc.).
Pour une telle ambition, l'entité politique supérieure, l'État, se dote d'institutions plus ou moins efficaces de formation des esprits à la cause nationale, à la défense de la nation ; ensemble des membres d'une collectivité ayant on se donnant une souche commune, différant ou non du peuple assujetti à la loi, transcendant ou non les frontières selon les divergences d'acception. Au coeur de cette bataille, l'École et son outil majeur, le manuel ; livre de connaissances et de méthodes, au service des idéaux de savoir, de savoir-faire et de penser juste. Multiples sont ces manuels, objets de querelles, réécrits au gré des modifications d'objectifs et d'inspirations du pouvoir et de la nation et des rapports de force des groupes sociaux (anciens combattants, enseignants ayant un vécu personnel etc.), mais toujours vecteurs d'un discours construisant l'Histoire, du moins la réflexion et les croyances des élèves à qui ils sont destinés. Dès lors il convient de s'interroger sur l'efficacité des livres scolaires dans la diffusion du nationalisme. Cet outil de mobilisation des esprits, de construction du passé et du présent communs est-il viable de nos jours encore, face à tant d'autres moyens de communication ? Joue-t-il un rôle majeur ou n'est-ce qu'un leurre ?
Il semble cependant que les manuels scolaires soient l'un des outils les plus efficaces de construction, de diffusion, mais aussi d'atténuation le cas échéant du nationalisme, par le fait même qu'ils touchent des millions d'individus à l'esprit malléable, qui tous reçoivent ainsi un enseignement semblable, malgré les différences existantes entre les livres, et qui constituent les citoyens et décideurs de demain.
Ainsi les manuels scolaires répondent au souhait d'édifier et de faire partager une identité commune en même temps qu'ils sont vecteurs de promotion de la Nation et de ses valeurs. En effet, détenant le monopole de cet instrument de communication à grande échelle, sur tout le territoire soumis à son autorité, l'État peut véhiculer le discours construit qu'est l'Histoire, mais aussi les symboles et mythes fondateurs.
Il s'agit de l'un des meilleurs moyens car il touche les enfants et étudiants, dont le cerveau est plus sensible à ces informations, en des termes choisis par lui. L'État peut ainsi pérenniser ces données. Ceci peut aussi se faire au niveau local (résurgence des manuels régionaux : bretons etc.). Nombreux sont d'ailleurs les ouvrages exaltant la Nation ("Le Tour de France par deux enfants" de Bruno Cuore, "Journal d'un écolier en Italie" ou encore "Le merveilleux voyage de Nils Holgersson à travers la Suède"). Leur efficacité est accrue si ils sont associés à d'autres média, qui peuvent exalter un nationalisme inculqué par l'Ecole.
[...] Dès lors il convient de s'interroger sur l'efficacité des livres scolaires dans la diffusion du nationalisme. Cet outil de mobilisation des esprits, de construction du passé et des présents communs est-il viable de nos jours encore, face à tant d'autres moyens de communication ? Joue-t-il un rôle majeur ou n'est-ce qu'un leurre ? Il semble cependant que les manuels scolaires soient l'un des outils les plus efficaces de construction, de diffusion, mais aussi d'atténuation le cas échéant du nationalisme, par le fait même qu'ils touchent des millions d'individus à l'esprit malléable, qui tous reçoivent ainsi un enseignement semblable, malgré les différences existantes entre les livres, et qui constituent les citoyens et décideurs de demain. [...]
[...] Leur efficacité est accrue s'ils sont associés à d'autres médias, qui peuvent exalter un nationalisme inculqué par l'Ecole. Un instrument d'uniformisation des citoyens Conforter le bagage et les croyances communs lorsqu'ils existent, mais aussi véhiculer une histoire, des symboles et des mythes communs (Clovis, Charlemagne, Arminius, etc.), telles sont les missions d'ouvrages offrant le même discours partout dans la même langue et assistant les hussards noirs de la République (Charles Péguy) entre autres. Les livres scolaires offrent un moyen d'uniformiser un passé dit commun grâce à la construction idéologique qu'en fait l'État. [...]
[...] Il consolide le discours ; car la nation n'est qu'un morceau d'histoire figée (Bauer) qu'il faut sans cesse réaffirmer. Les livres permettent de faire passer un message qui transcende les différentes appartenances des individus et qui renvoie à la sphère privée les divisions (religion, etc.). Ils détruisent les autres discours, du moins les minorent, en véhiculant l'idée d'une nation supérieure aux autres groupes et à qui il faut être loyal (nouveau loyalisme qui transcende les autres). (cf. lutte contre l'église en France ; Gambetta : il faut lutter contre l'esprit vaticanesque, monastique, congressiste, syllabique Enseignement de l'idée que nos ancêtres sont les Gaulois et non les Francs dans un premier temps sous la IIIe République ; car Clovis s'est converti au christianisme). [...]
[...] Le rôle des manuels scolaires dans la diffusion du nationalisme Le jour où a été fondée l'instruction publique et obligatoire, où l'État, la nation légifèrent efficacement et généralement en cette matière, ce jour-là le caractère collectif de la nation, jusque-là inconscient, est devenu l'objet d'un effort de progrès (Marcel Mauss). Ainsi la nation ne résulterait-elle en définitive que de l'action effective de la puissance publique, qui par l'éducation qu'elle offre à ses citoyens, permet l'émergence de l'idée nationale, la création d'une solidarité acceptée par et entre ceux, nationaux qui constituent cette communauté imaginée (Benedict Anderson). [...]
[...] Les citoyens ont les mêmes droits et les mêmes devoirs (cf. Condorcet, De la nécessité d'une Instruction publique, sur l'idée de démocratie grâce à l'Ecole.). Et leur éducation citoyenne est la même (Histoire obligatoire en primaire en 1867 en France, nombreux manuels de Lavisse réédités et largement diffusés, le Livre de morale du petit citoyen de Steeg). Dans ce catéchisme républicain, toutes les matières scolaires sont réquisitionnées et instrumentalisées ; de l'histoire bataille évoquant les luttes communes, aux problèmes de mathématiques (cf. [...]
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