« Le sentiment national, chaque fois qu'il arrive quelque chose de grave, est la base de tout. Dans les périodes calmes, on l'oublie. Dans les cas de danger pressant, on ne peut pas faire prendre des vessies pour des lanternes. Il n'y a plus que la nation qui compte. » En prononçant cette phrase, le général de Gaulle remettait le sort et le devenir de l'Etat entre les mains de la nation. Une nation construite par l'Homme avec la perspective d'unifier un peuple autour d'une histoire et d'un avenir commun. Ce sentiment d'appartenance national est le fruit d'évènements douloureux ou de victoires héroïques qui conduisent le dessein d'une population donnée vers un Idéal de vie commune. L'histoire de chaque pays facilite ou non le développement de cette solidarité nationale. Certains pays comme l'Algérie ou la Turquie sont classés parmi les Etats dits « nationalistes » au sens où le patriotisme est exacerbé par une idéologie de type militaire. Ce critère qui les unit n'est pas anecdotique puisque ces deux régimes présentent des similitudes qui méritent une étude plus approfondie. Outre le fait que l'armée soit responsable du redressement ou de la création d'une Nation, tous deux enregistrent à des nuances prêtes les signes d'un régime politique sous la tutelle de l'institution militaire. Du coup d'Etat kémaliste en Turquie à l'indépendance de l'Algérie en 1962, l'armée n'a depuis cessé d'arbitrer le jeu politique jusqu'à en devenir un acteur incontournable. C'est donc grâce à l'étude des trajectoires de ces deux pays que nous allons essayer de comprendre le fonctionnement d'un régime « semi-militaire » pour certains ou « semi-démocratique » pour d'autres. En d'autres termes, en quoi le rôle de l'armée dans la vie politique en Algérie et en Turquie met-il en valeur à des degrés divers les caractéristiques d'une démocratie sous contrôle ? Mettre en avant leurs régularités comme par exemple les raisons d'une légitimité historique (I), nous servira à comprendre le rôle de l'armée dans la sphère politique et sa supériorité sur le pouvoir formel (II). Enfin, cela nous amènera à soulever la question de la contestation d'un tel système historiquement ancrée dans les rouages du politique et dans les mœurs populaires (III). Outre l'appui d'une bibliographie approfondie, nous enchérirons notre argumentation des témoignages de Lahouari Addi, professeur à l'Institut d'Etudes Politiques de Lyon et spécialiste du Maghreb ; et de Levent Unsaldi, auteur en 2005 de l'ouvrage « Le Politique et le militaire ».
[...] Cette dernière apparaissait comme étant la seule capable de faire sortir la Turquie de l'impasse et d'imposer un retour au projet kémaliste. Malgré une répression violente, (Menderes, l'ex- premier ministre est exécuté, l'Université est épurée et les dirigeants démocrates sanctionnés) et dans la droite lignée de la doctrine kémaliste, l'armée se retire du pouvoir et laisse le champ libre à un gouvernement civil. La Constitution de 1961 illustre cette ouverture libérale avec la constitutionnalisation des droits et des libertés, l'accentuation de la séparation des pouvoirs, l'instauration d'une Cour constitutionnelle et le retour au bicamérisme. [...]
[...] Fruit d'une instruction, voire d'une pédagogie militaire, cette idéologie sert de socle pour la mission de l'armée dans le pays. Toute action de l'armée dans le politique est justifiée par un devoir, par une obligation de suivre, de guider le pays vers le futur. Par conséquent, l'irruption du militaire dans le politique se structure autour d'une idéologie plus ou moins stricte et cohérente Cette dernière serait la base des rapports entre le pouvoir formel et le pouvoir réel, ce qui nous laisse à penser que c'est bien le militaire qui possède ou du moins qui contrôle le pouvoir Une idéologie au service d'un interventionnisme justifié Comme nous le fait remarquer Lahouri Addi, dans les sociétés contemporaines, il existe deux types de communautés politiques : celles qui ont pacifié la sphère du politique (ex : Allemagne), donnant naissance à un espace public, et celles dont le régime se maintient par la force des armes (ex : Algérie). [...]
[...] Tous ces éléments nous ont permis de conclure à un encadrement du militaire par le politique et à une instrumentalisation du premier sur le second. Par conséquent, ces deux régimes présentent les caractéristiques d'une démocratie sous contrôle, où l'institution militaire joue le rôle d' Etat dans l'Etat Posséder des similitudes ne signifient pas, être identique : c'est l'un des constats que l'on peut tirer suite à notre analyse. Sous la pression des exigences européennes, l'Etat turc semble prendre la voie d'une démocratisation plus approfondie du régime. [...]
[...] L'objectif commun des généraux au sommet de la hiérarchie militaire, est de rester au pouvoir et de défendre quelques soient les moyens utilisés leurs positions. Pour Ferrié et Santucci, dans leur ouvrage Dispositifs de démocratisation et dispositifs autoritaires en Afrique du Nord : Les capacités de l'Etat demeurent impressionnantes et les élites en place ne sont pas prêtes à abandonner le pouvoir sans se défendre. Lahouri Addi s'inscrit directement dans cette analyse puisqu'il souligne l'impact d'une Assemblée informelle où se réunissent les officiers supérieurs algériens pour prendre des décisions dans les moments cruciaux. [...]
[...] Même si beaucoup de personnes ne remettent pas en cause le rôle de l'armée en tant que tel mais plutôt les personnes qui la dirigent, l'armée représente toujours dans l'imaginaire des gens l'incarnation du pouvoir. Ainsi, M. Benrabah nous relate un épisode anecdotique mais révélateur de l‘état d'esprit de l'opinion. Une rumeur se propage selon laquelle les algériens nés entre 1954 et 1962 pourraient acquérir la nationalité française. L'Etat algérien assiste à une submergence de demandes d'extraits d'acte de naissance. [...]
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