En France, l'histoire des responsabilités des ministres, élément constitutif du régime parlementaire, traduit la difficulté d'arbitrer entre une volonté d'égalité par rapport aux autres citoyens, l'obligation de rendre compte de leurs actes devant les élus de la nation ou les juges, et la nécessaire rationalisation des mécanismes de contrôle politique, marquée par le souci de les protéger suffisamment pour leur permettre d'exercer leurs fonctions avec un minimum de sérénité. Cette conciliation s'avère extrêmement délicate : au début de l'établissement du régime parlementaire sous la Restauration, responsabilité pénale et responsabilité politique n'étaient pas clairement définies ni distinguées et les ministres apparaissaient à la merci des membres du corps législatif. Si par la suite, les deux types de responsabilité se distinguent et s'organisent séparément, la responsabilité pénale évolue dans un sens très protecteur devant des juridictions spéciales tandis que la mise en cause de la responsabilité politique est facilitée. Les mécanismes de mise en jeu de la responsabilité ministérielle tournent rapidement au jeu de massacre sous les IIIème et IVème Républiques, les parlementaires mettant à profit leur supériorité institutionnelle et politique pour renverser à leur guise les cabinets ministériels.
C'est en voulant remédier à ces dérives que la constitution de 1958 a encadré et règlementé de manière sévère la mise en jeu de la responsabilité des gouvernants, à tel point que, finalement, les mécanismes ont consolidé leur assise politique et abouti à une stabilité gouvernementale sans précédent sous la Vème république, tandis qu'un certain nombre d'affaires mettant en cause des ministres ont révélé l'inadaptation et l'insuffisance de la règlementation de leur responsabilité pénale. La définition des responsabilités des ministres donne par conséquent naissance à de brûlants débats politiques.
Quelles sont alors les responsabilités des ministres sous l'actuelle Vème république ? Quels mécanismes mettent-elles en jeu ? Quels sont les enjeux de leur évolution ?
Tout d'abord, la responsabilité pénale des ministres tend à évoluer entre exigence de justice et protection, et à compenser une responsabilité politique plus symbolique qu'effective, plus proche du souci de cohésion et de stabilité gouvernementale.
[...] Ainsi, on recense les votes pour le Gouvernement, les votes contre, et les abstentions. Si le Gouvernement n'obtient pas la majorité des suffrages exprimés, il doit démissionner en vertu de l'article 50, tout en expédiant les affaires courantes jusqu'à la désignation de son successeur. Pour que le Gouvernement l'emporte et donc que la confiance soit accordée, il suffit donc juste que les voix favorables soient plus nombreuses que les voies hostiles, c'est-à-dire une majorité simple. Notons que dans tous les cas, la procédure n'a jamais conduit à un vote négatif, certainement du fait de la configuration des forces politiques dans le pays, et à l'Assemblée nationale. [...]
[...] D'autre part, la mise en place d'une procédure de mise en cause de la responsabilité politique individuelle des ministres ne semble guère avoir d'avenir, dans le sens où le Premier ministre n'attendra pas la sanction du Parlement pour se séparer de son collaborateur. On assiste donc à un glissement vers une procédure de censure de l'action gouvernementale, la responsabilité pénale devenant un substitut de la responsabilité politique. On obtient donc un mouvement inverse de celui rencontré aux origines du régime parlementaire, où la responsabilité politique avait remplacé la responsabilité politique. [...]
[...] Bien que la décision d'engager la responsabilité du Gouvernement dépende exclusivement du Premier ministre, cette décision engage la totalité du Gouvernement, en tant qu'organe collégial et solidaire, c'est pourquoi l'article 49 spécifie la nécessaire délibération du Conseil des ministres. Cependant, en pratique, la décision relève pleinement du Premier ministre, l'accord du président n'étant nullement requis, même si celui-ci peut en droit s'opposer à son inscription à l'ordre du jour. - La vérification du contrôle de majorité Cette procédure, si elle n'a rien d'obligatoire, le Gouvernement existant juridiquement dès sa nomination par le Président de la République et procédant donc avant tout du chef de l'Etat, permet au gouvernement de conforter un avenir incertain au cours d'un mandat et de s'assurer du soutien vacillant de la majorité (comme en Raymond Barre en 1977, ou Mauroy en 1983) ou simplement pour conforter sa légitimité en manifestant son appui de l'Assemblée (Jacques Chirac en 1987 par exemple). [...]
[...] De même, la Cour peut elle aussi subir les influences de l'opinion qui réclame des têtes et une décision de clémence peut être mise sur le compte de solidarités politiques rendant le jugement partial. D'autre part, les plaignants ne peuvent pas se porter partie civile, ils doivent saisir la juridiction ordinaire s'ils veulent obtenir des dommages et intérêts, et ils ne peuvent ni se faire représenter par un avocat, ni former un recours en cassation. Le rôle des particuliers reste donc limité à saisir la Commission des requêtes, puis se borne à celui de spectateur tout au long du déroulement du procès. [...]
[...] Elle décide ou non de la saisine de la Cour de Justice de la République. La Cour de Justice de la République rompt donc avec la Haute Cour, étant de juridiction pénale de nature constitutionnelle et soumise à des règles de saisine et de compétences du droit commun. Elle établit un compromis entre la nécessaire protection des ministres et une volonté de juridiciarisation : le Parlement perd au profit du ministère public et des particuliers le monopole de la mise en accusation, mais une procédure rigoureuse de recevabilité des plaintes confiée à des magistrats chevronnés la contrebalance suffisamment pour décourager toute action abusive ou infondée. [...]
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