La multiplication des « affaires », comme celles du sang contaminé, de la canicule, de la vache folle et aujourd'hui de la grippe aviaire, met la responsabilité des décideurs politiques sur le devant de la scène. En droit, la responsabilité c'est l'obligation d'assumer et de réparer un dommage ou un préjudice, pour le sens commun c'est le fait de se trouver volontairement ou involontairement à l'origine de quelque chose de fâcheux. La possession même du pouvoir implique une responsabilité ; on entend ainsi par responsabilité politique le respect des règles politiques et l'application de programmes politiques. Le mécanisme de responsabilité politique constituerait donc aujourd'hui un des liens entre citoyens, parlementaires et gouvernement, lien institué au nom de la légitimité politique.
L'Etat de droit est-il nécessairement un Etat responsable ? Est-ce que le principe de responsabilité trop utilisé aurait aujourd'hui perdu son sens? Peut-on y voir une manifestation du lien citoyens-Etat, la revendication d'une plus grande égalité entre gouvernants et gouvernés ? La responsabilité politique est perçue comme une garantie contre les excès de pouvoirs. Pourtant, la difficulté à définir la responsabilité politique et l'observation des faits révèlent que le régime de responsabilité politique ne mène pas toujours à une plus grande confiance en la politique. En effet, on s'aperçoit que le principe de responsabilité politique est doublement limité : d'une part, par le champ visé, d'autre part par les acteurs concernés. L'ambiguïté naît du fait que ces limites ne sont pas fixes, et qu'elles dépendent d'une interprétation plus ou moins large de la responsabilité politique. De plus en plus fréquemment, on s'aperçoit que la frontière entre le politique et le pénale n'est pas aussi étanche qu'elle apparaît dans les textes. La pratique du principe de responsabilité politique et aujourd'hui son détournement remettent en question sa pertinence.
[...] La responsabilité politique est définie par la constitution et un corps de règles. De plus, la procédure doit être engagée devant le parlement et selon des modalités originales. Sa finalité ? Il s'agit d'empêcher toute gêne à l'exercice des missions du corps d'Etat ; mais dans un même temps l'homme d'Etat a besoin de liberté pour gouverner, la responsabilité politique ne serait-elle pas elle-même une entrave à cette liberté ? Mais l'une des responsabilités du politique c'est aussi de veiller à ce qu'elle ne disparaisse pas. [...]
[...] La thèse gouvernementale qui revient à nier la responsabilité politique des ministres. On oublie volontairement une lecture constitutionnelle de la responsabilité politique pour privilégier la faute personnelle sur la mauvaise organisation du service. Pour comprendre ce transfert de responsabilité il faut considérer la relation triangulaire et hiérarchique qui lie Président, 1er Ministre et ministres qui aujourd'hui semble davantage être une cascade d'irresponsabilité politique Dans la seconde affaire, on se rend compte que face à cette attitude arbitraire des gouvernants le seul contre pouvoir qui subsiste c'est l'alliance presse-justice. [...]
[...] Aujourd'hui, on identifie à cette judiciarisation de la responsabilité politique une certaine lenteur : devant la C.J.R. l'affaire dite du sang contaminé est pendante depuis juillet 1994, connue dès 1985, mais portée au Parlement qu'en 1992, fin 1998, l'affaire attend toujours son dénouement. La quasi désuétude de la sanction politique La difficulté à mettre en cause la responsabilité des gouvernants devant la Haute Cour reflète une impunité pénale totale. La C.J.R. est-elle l'unique solution ? Le système constitutionnel verrouillé, la place occupée par l'opinion publique face aux affaires et la sévérité nouvelle des magistrats conduisent aujourd'hui à un élargissement de la compétence du juge de droit commun. [...]
[...] Qu'en est-il de la responsabilité pénale des membres du gouvernement? Selon l'article 68 de la Constitution, les ministres sont en principe pénalement responsables des actes accomplis dans leurs fonctions. Mais l'arrêt du 14 mars 1963 de la Cour de Cassation ajoute que cette responsabilité ne peut être mise en œuvre que devant la Haute Cour saisie par un vote concordant des deux chambres à la majorité absolue. Après l'affaire du sang contaminé, la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 indique que dans certains cas définis, les ministres sont jugés par une Cour de Justice de la République »(C.J.R.), distincte de la Haute Cour, pour des faits qui leur sont pénalement reprochés. [...]
[...] La responsabilité politique telle que la définit P.Ségur est donc un mécanisme juridique d'affectation de valeur à une conduite gouvernementale. Elle implique l'obligation pour les gouvernants de répondre devant le parlement des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions selon une procédure spéciale déterminée par la constitution Si on dépasse cette définition du législateur, on peut s'intéresser à la réflexion plus philosophique telle que la développe H.Jonas. Il distingue deux types de responsabilité : naturelle comme la responsabilité parentale sans consentement préalable, irrévocable, globale et non résiliable. [...]
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