« Le peuple qui aspirait à l'expérience démocratique et qui se plaignait des abus commis par le shah et son entourage tente aujourd'hui une expérience toute aussi difficile, celle d'un état tout aussi exigeant, tout aussi total, tout aussi totalitaire »
Dans Le golfe en ébullition, Raymond Sayegh souligne ici la tournure paradoxale qu'a prise la république islamique. La révolution de 1979, marquant sa naissance, avait pour but de mettre fin à un régime inégalitaire où le pouvoir concernait une oligarchie de privilégiés et dont le peuple était mis à l‘écart, elle a pourtant donné lieu à un régime tout aussi autoritaire et transférer le pouvoir à une autre minorité celle des ayatollahs. Ces principaux chefs religieux de l'islam chiite ont en effet une main mise sur le pouvoir politique notamment à travers des organes de contrôle et sur la société civile, grâce aux relais que représentent les mollahs et les mouvements militaires qui se chargent de surveiller le respect des normes religieuses par les citoyens. Ainsi, on observe en Iran depuis plus de 25 ans un régime politique basé sur le principe d'état de loi, qui émane directement des principes du Coran et de la Sharia, d'où la présence restreinte de laïque dans les gouvernements et les grandes instances politiques d'Iran (que deux laïques à ce jour ont accédé à ces postes dont Ahmadinejad). Le régime politique Iranien considère que le pouvoir doit venir directement de Dieu et être exercé par ceux qui sont investis de l'autorité religieuse, il s'apparente, dès lors, à une théocratie. On peut donc souligner un paradoxe fort entre le caractère démocratique que portait la révolution en portant comme idéal la souveraineté populaire (« vox populi, vox dei » qui signifie que la volonté divine est exprimée par le peuple) et son aspect théocratique où les lois émanent de Dieu (« omnis protestas o deo » qui signifie que tous les pouvoirs viennent de Dieu). Ainsi, comme l'affirme et l'évoque son titre d'ouvrage, Frédéric Tellier, dans L'Iran : Les coulisses d'un totalitarisme, sous couvert d'une séparation des pouvoirs et d'une souveraineté populaire l'Iran est en réalité le théâtre d'un régime non démocratique dans lequel les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire sont concentrés entre les mains d'un petit nombre de dirigeants; l'élite religieuse. En effet, ils subordonnent les droits de la personne humaine à la raison d'état qui devient la véritable identité de l‘individu (flagrant notamment durant le conflit Iran/Irak), critère totalitaire par excellence selon R. Aron. De même, on observe bien que cette révolution permanente depuis 1979 a pour idéologie une société et un homme nouveau remettant en cause les libertés individuelles et même le culte privé, caractéristique selon Hannah Arendt du totalitarisme. Ce qui est donc absolument contradictoire c'est que l'Iran se revendique être une république, où les dirigeants du pays sont le fruit de la volonté du peuple et sont à la recherche du bien commun. Or il semble que le guide et les membres du conseil des gardiens ne soient en aucun cas le résultat d'élection populaire bien qu‘ils aient une main mise sur l‘ensemble du pouvoir politique iranien. D'ailleurs est-il vraiment possible de concilier le principe du « pouvoir au peuple » dans un régime théocratique? Par conséquent, qu'elle est la vraie nature du régime iranien sous sa façade démocratique ? Si le régime iranien semble fonctionner de manière démocratique (pluralisme, légitimité populaire) il n'en n'est pas moins un régime théocratique où l'élite dirigeante religieuse monopolise le pouvoir, légitimant son action au sein de la population par l'idéologie islamique, s'apparentant, ainsi à un régime totalitaire, « un totalitarisme du XXIe siècle » (Frédéric Tellier). Nous observerons tout d'abord le lien ambiguë et contradictoire entre démocratie et théocratie. Puis, nous verrons de quelle manière la république islamique d'Iran est le théâtre d'une main mise du clergé sur le pouvoir politique dont la pérennisation tient à sa capacité à écarter toutes menaces de réformes ou d'opposition au régime.
[...] * L'article le moment Iranien de Frédéric Tellier dans Le Débat, n°130, Mai - Août 2004 L'article l'Iran d'Ahmadi Nejad de Frédéric Tellier dans Le Débat, n°134, Novembre - Décembre 2005. [...]
[...] La République Iranienne depuis la révolution de 1979 Le peuple qui aspirait à l'expérience démocratique et qui se plaignait des abus commis par le shah et son entourage tente aujourd'hui une expérience tout aussi difficile, celle d'un état tout aussi exigeant, tout aussi total, tout aussi totalitaire Dans Le golfe en ébullition, Raymond Sayegh souligne ici la tournure paradoxale qu'a prise la République islamique. La révolution de 1979, marquant sa naissance, avait pour but de mettre fin à un régime inégalitaire où le pouvoir concernait une oligarchie de privilégiés et dont le peuple était mis à l‘écart, elle a pourtant donné lieu à un régime tout aussi autoritaire et transférer le pouvoir à une autre minorité celle des ayatollahs. [...]
[...] Prenons le cas de l'élection au suffrage universel des membres de l'assemblée des experts, composée de 80 religieux, ayant pour rôle d'élire à leur tour le guide de la révolution, qui fait l'objet souvent un taux d'abstention extrêmement fort. Cela souligne le peu d'engouement et le retrait du peuple de l'action politique, car c'est pourtant la désignation du guide, chef de l'état iranien, qui est pourtant ici indirectement en jeu (de même il y a eu un taux d'abstention de 50% au législative de 2000). Il y a également un courant post islamique (porté par des intellectuels notamment) qui remet en doute le lien entre religion et politique. [...]
[...] Ainsi en août 2002, Khatami, alors président de la république d'Iran fait passer deux lois suspectifs de s'attaquer à la racine du déséquilibre institutionnelle qui paralyse sa capacité à appliquer son programme réformateur. Ces deux lois ont pour objectif de supprimer la prérogative du conseil des gardiens de sélectionner les candidats aux diverses élections et d'autoriser le président à contrôler les décisions du pouvoir judiciaire (extrêmement conservateur car aux mains des ayatollahs). Ces projets sont rejetés par le conseil des gardiens en 2003. Ce fait illustre parfaitement l'impuissance politique du président réformateur. [...]
[...] Si la majorité des deux tiers des membres de l'assemblée vote l'incapacité du président de la République, le cas est transféré au guide. De plus un contrôle de constitutionnalité a été mis en place pour sauvegarder les acquis de la révolution. Ainsi le Conseil des gardiens de la constitution (shoray-e Naghbaan) vérifie la constitutionnalité des lois, à l'instar du conseil constitutionnel en France. Ce contrôle constitutionnel se porte garant du respect de la charria et des normes religieuses par les lois édictées et instaure un pouvoir prépondérant aux membres du clergé shiite présent dans ses institutions de contrôle. . [...]
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