Egypte, Tunisie, Syrie, régime autoritaire, violence, mouvement de protestation, mobilisation populaire
La réaction des régimes autoritaires face à la contestation de leur légitimité fait l'objet de nombreuses recherches académiques, dont l'objectif est de comprendre leurs modalités de réaction. Dans ce contexte, les événements intervenus lors du Printemps arabe forment un ensemble relativement inédit sur le plan socio-politique : plusieurs régimes autoritaires — établis le plus souvent au lendemain des processus de décolonisation — ont été contestés de l'intérieur par des mouvements populaires d'ampleur auparavant jamais atteinte. Or, si ce Printemps arabe a dans un premier temps donné à voir une certaine unité dans les façons de contester (grandes manifestations pacifiques, revendications des libertés individuelles et collectives, occupations de places publiques, etc.), les réactions des régimes. Plus spécifiquement, l'usage de la violence a connu des exemples variés au sein des pays concernés, de sorte qu'il conviendrait de s'interroger sur les modalités de maintien et de pérennisation des régimes autoritaires. En d'autres termes, la répression par les forces de l'ordre constitue-t-elle l'option la plus efficiente pour un régime autoritaire ?
[...] Un empilement des structures coercitives qui peuvent expliquer la meilleure résilience de certains régimes, indépendamment même du recours à la violence : la gestion déléguée de la violence Si la violence employée par le régime peut être négative en termes d'image, l'option de la délégation de cette violence semble à de nombreux égards plus efficaces. Rudbeck et al. (2016) rappellent ainsi que l'existence de plusieurs moyens permet notamment de se prémunir contre une éventuellement défection de l'armée. Dans l'armée en effet, la contestation peut prendre des formes aussi bien horizontales (défection des troupes) que verticales (défection des commandements hiérarchiques). [...]
[...] Bellin, E., (2012), Reconsidering the robustness of authoritarianism in the Middle East : lessons from the Arab Spring, Comparative Politics p. 127-149. Debs, Alexander et H. E. Goemans (2010), "Regime Type, the Fate of Leaders, and War", American Political Science Review, Vol No p. 430-445. Droz-Vincent P. (2004). [...]
[...] Cependant, au sein des régimes autoritaires, le recours à la violence ne se traduit pas par des effets symétriques, au contraire. Ainsi, Bellin (2012) donne à voir un constat empirique fondé sur différentes réactions dans divers pays : lorsque les armées ont fait défection, cette défection s'est traduite par un renversement du régime, notamment dans le cas de la Tunisie et de l'Egypte. A l'inverse, lorsque les armées ont accepté de réprimer dans le sang les manifestations, les régimes sont parvenus à se maintenir (Syrie, mais également Bahrein, Arabie Saoudite A la lumière de ces analyses, l'auteur propose donc que la notion même d'appareil coercitif soit réévaluée au regard de la grande diversité de sa composition : les régimes autoritaires en effet ne disposent pas d'un seul appareil coercitif (l'armée par exemple) mais de plusieurs niveau de répression, qu'il s'agisse d'agence de renseignement, de milices privées, des forces de police, etc. [...]
[...] Conclusion La question de la pérennisation des régimes autoritaires face à des épisodes de contestation massive permet donc d'analyser certains aspects de leur fonctionnement, qui demeurent le plus souvent latents en période de stabilité. Cela explique notamment que des régimes comme celui de la Syrie, relativement bien intégré au niveau international avant 2011, ait fait preuve d'autant de violence face à la crise. De manière générale donc, il apparaît que la violence, loin de constituer la seule réponse des régimes coercitifs, doit être analysées sous plusieurs angles de vue : violence des institutions de l'Etat, violence symbolique de la négation des événements, violence privée et déléguée des mercenaires éventuellement employés, etc. [...]
[...] Cependant, ce recours massif à la violence ne peut constituer qu'un moment de la gestion de la crise par les régimes autoritaires, qui pour durer doivent employer des moyens complémentaires visant à rétablir une stabilité de long terme . cette stratégie n'est valable qu'à court terme et peut ne pas suffire à assurer le maintien durable du régime Différents niveaux de coercition sont généralement employés par les régimes autoritaires, et la violence visible ne constitue en réalité qu'un outil parmi d'autres Les études réalisées par des chercheurs tendent à montrer que l'attitude du régime au-delà même de la question du recours à la force constitue un élément déterminant pour l'évolution future des protestations. [...]
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