Pour certains, la représentation politique est un pur sophisme. Robespierre déclarait dans un discours prononcé le 10 août 1791 devant l'assemblée nationale constituante, inspiré de pensée rousseauiste: « Les pouvoirs ne peuvent être ni aliénés ni délégués. Si l'on pouvait déléguer les pouvoirs en détail, il s'ensuivrait que la souveraineté pourrait être déléguée, puisque les pouvoirs ne sont autre chose que les diverses parties essentielles et constitutives de la souveraineté … Il est impossible de prétendre que la nation soit obligée de déléguer toutes les autorités, qu'elle n'ait aucune manière d'en retenir aucune partie ». Pourtant, la Constitution du 03 septembre 1791 dispose que « La souveraineté … appartient à la nation … La nation, de qui seule émanent tous les pouvoirs, ne peut les exercer que par délégation » (titre III, articles 1er et 2e). Dans le même titre, sont exposées les règles peu démocratiques relatives à la « nomination des représentants ». L'ensemble de ces dispositions est fortement marqué par l'influence de la pensée de Sieyès, l'homme qui, selon Mirabeau, « a révélé au monde les véritables principes du gouvernement représentatif » (discours du 21 mai 1789). Cette influence sur la Constituante a été déterminante et elle se retrouve dans la Constitution du 3 septembre 1791. On la remarque à la fois dans la reconnaissance du principe de la représentation (I.) et dans l'organisation de ses modalités (II.).
[...] Toute influence, tout pouvoir leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires, mais c'est tout. S'ils dictaient des volontés, ce ne serait plus cet état représentatif, ce serait un état démocratique. Cette option en faveur d'un régime représentatif, d'une délégation aux plus capables du soin de faire la loi, impose de déterminer les modalités de la représentation. II. Les modalités de la représentation La représentation n'est pas seulement fixée par le mécanisme du choix des représentants. La nature du mandat confié par les citoyens à leurs députés est tout aussi déterminante. A. [...]
[...] Pour Sieyès, le veto royal serait une atteinte à la souveraineté de la nation : L'expression d'appel au peuple est mauvaise autant qu'elle est impolitiquement prononcée . Je sais qu'à force de distinction et d'imprécision, on est parvenu à considérer le vœu national comme s'il pouvait être autre chose que le vœu des représentants de la nation, comme si la nation pouvait parler autrement que par ses représentants Ce débat aboutira à une transaction entre les deux courants de l'assemblée : dans la constitution du 03 septembre 1791 le roi est, après le Corps législatif, le deuxième représentant de la nation, et un droit de veto lui est reconnu, limité à deux législatures. [...]
[...] Sieyès lui répond que la représentation est un facteur de progrès et de liberté comme toute application de la théorie de la division du travail : Les peuples européens modernes ressemblent bien peu aux peuples anciens. Il ne s'agit parmi nous que de commerce, d'agriculture, de fabriques . Le désir des richesses semble ne faire de tous les Etats de l'Europe que de vastes ateliers ; on y songe bien plus à la consommation et à la production qu'au bonheur ; aussi les systèmes politiques d'aujourd'hui sont fondés exclusivement sur le travail (07 septembre 1789). [...]
[...] Les rois y étaient opposés. Louis XVI, dans l'ordonnance de convocation du 24 janvier 1789, avait disposé que Les pouvoirs dont les députés seront munis devront être généraux et suffisants pour proposer, remontrer, aviser et consentir, ainsi qu'il est porté aux lettres de convocation (article 45). Peine perdue. Le roi fût obligé, une fois les pouvoirs vérifiés, de tenter de libérer les députés de leur mandat impératif. La déclaration lue par le Garde des sceaux, lors de la séance du 23 juin 1789, disait : Le roi casse et annule comme anticonstitutionnelles, contraires aux lettres de convocation et opposées aux intérêts de l'Etat, les restrictions des pouvoirs qui, en gênant la liberté des députés aux Etats, les empêcheraient d'adopter les formes de délibération . [...]
[...] Il en est ainsi en politique comme dans les autres activités. Le régime représentatif permet de confier la chose publique à ceux qui y ont le plus d'aptitude. Plus tard, il emploiera une comparaison imagée pour justifier cette idée. En l'an III, lors de la discussion de la constitution du directoire, il déclare ainsi : Il régnait une erreur gravement préjudiciable : c'est que le peuple ne doit déléguer de pouvoirs que ceux qu'il ne peut exercer lui-même. On attache à ce prétendu principe la sauvegarde de la liberté. [...]
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