La France unitaire fait figure d'exception parmi ses voisins. Tous en effet, possèdent des systèmes régionalistes "forts" voire même fédéralistes. L'Espagne et ses dix-sept communautés autonomes, la Belgique et ses trois régions et ses trois communautés, l'Italie et ses vingt régions, ainsi que L'Allemagne et ses dix-neuf länder contrastent avec la France et ses vingt-deux régions métropolitaines, placées sous la tutelle de l'État central. Cependant, il ne faudrait pas en conclure que les régions françaises constituent un simple découpage institutionnel et que les mouvements régionalistes sont absents de la métropole. Le régionalisme est une doctrine qui affiche une volonté de promouvoir l'organisation régionale d'un État et/ou les spécificités identitaires des régions. Au niveau administratif, une région est une collectivité territoriale.
À la manière de Richard Balme qui soulève la question suivante "Pourquoi le gouvernement change-t-il d'échelle ?", on peut s'interroger sur le renouveau des régionalismes, et leur transformation dans un contexte en trois dimensions, locale, nationale et transnationale. Il s'agit de mettre en avant les relations de causalité entre d'une part, les changements de l'histoire de la construction étatique et européenne, de l'organisation économique mondiale et locale, et de la nature du sentiment identitaire, et d'autre part, les transformations des mouvements régionalistes en France.
[...] Dans un monde où politique et économie sont de plus en plus liées, il est capital de comprendre en quoi la région est influencée et influence la production et la distribution des ressources, au premier rang desquelles, la croissance et l'emploi. À la globalisation et à la mobilité croissantes répond paradoxalement une localisation accrue des activités. La région attire les entrepreneurs. C'est en effet à l'échelle de la région que les réglages fins d'une politique économique territoriale peuvent se programmer. Les collectivités territoriales bénéficient immédiatement des externalités positives liées à l'ouverture d'une usine, à l'amélioration d'une infrastructure routière ou à la création d'une filière de formation. [...]
[...] Les transformations des trente dernières années ont contribué au renouvellement des mouvements régionalistes français, sans pour autant les unifier. Il existe autant de mouvances régionalistes que de représentations régionales, des plus fermées et exclusives aux plus ouvertes et solidaristes. De nouveaux clivages, venant s'ajouter ou se superposer à ceux identifiés par Rokkan, viennent transformer les partis régionalistes français. Thierry Dominici évoque ceux de la clandestinité ou de la légalité, de l'obédience matérialiste ou post-matérialiste, de la participation ou non au système politique local, ou encore, de la réalisation ou non d'alliances avec les autres partis politiques, locaux, nationaux ou supranationaux. [...]
[...] Il serait vain en effet, d'opposer régionalisme et jacobinisme. Ce n'est pas un hasard si la régionalisation connaît un essor dans les années de crise économique. L'État français garde un contrôle important sur les régions, que ce soit au niveau budgétaire ou au niveau institutionnel. Les courants régionalistes réclament plus de compétences visibles au niveau local, l'administration directe des subventions européennes, et des conditions favorables à l'émergence de nouvelles élites régionales (DUPOIRIER 1998: 24-26). Le rôle croissant de l'Union européenne au sein des relations entre les régions et Bruxelles, entre les régions et l'État ou entre les régions elles-mêmes, contribue au renouveau des régionalismes français. [...]
[...] Étudier le renouveau des régionalismes en France amène à conclure que ces mouvements sont moins transformés de l'intérieur que de l'extérieur. Plus qu'à une mutation dramatique, on assiste à une institutionnalisation progressive des régions, à l'entrée en scène d'acteurs privés et à la diffusion de l'idée que "l'union fait la force". L'État n'apparaît généralement pas comme l'ennemi à abattre mais plus comme l'échelon de pouvoir à contourner ou le partenaire à s'assurer. Il serait vain d'opposer radicalement un "bon" régionalisme patriote à un "mauvais" régionalisme nationaliste. [...]
[...] La sensation de renouveau et la mise en valeur des régions françaises s'expliquent aussi en grande partie par l'air du temps, le goût des terroirs, des produits bio et des valeurs "authentiques". L'existence de ces différents niveaux de gouvernement (local, national et transnational), la variété des acteurs impliqués (acteurs politico-administratifs, acteurs économiques et sociaux, à la fois publics et privés), les conflits d'intérêt, les luttes partisanes et les exigences paradoxales auxquelles doit répondre la région, amènent certains chercheurs à formuler un constat amer. [...]
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