Dans son ouvrage De la Démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville déclare «Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu'il entend se substituer à eux dans l'organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu'à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d'eux-mêmes ? » Désapprouvant cette éventualité, il indique alors: « Le plus grand soin d'un bon gouvernement devrait être d'habituer peu à peu les peuples à se passer de lui. ». Ainsi pourrait- on peut –être résumer la vision qu'a une majorité d'Américains de l'Etat–Providence, souvent synonyme de réduction des libertés individuelles et d'encouragement aux pauvres à ne pas travailler et ainsi expliquer la difficile imposition du Welfare State dans les mœurs. En effet, les observateurs associent souvent le terme de Welfare State aux Etats- Unis avec un concept soulignant son état d'inachèvement, d'incomplétude. Pour certains, il est unfinished ou unterdeveloped, et même reluctant selon H Wilensky. D'une part, au niveau de la date de mise en place des principaux dispositifs, d'autre part au niveau de l'étendue de ces dispositifs, mais également dans la part des dépenses publiques qui lui est affecté, les Etats- Unis sont en « retard » par rapport aux autres pays développés, ceux d'Europe principalement. Peut-on d'ailleurs donner le même sens à l'expression Welfare State qu'à celle d'Etat Providence ? De nos jours, il semble que les deux expressions fassent référence à la même idée ; il s'agit pour l'Etat de protéger les citoyens contre les aléas du marché et les risques dus à la vieillesse, aux accidents, aux maladies et au chômage.
[...] Ces dépenses colossales permettent donc la reprise économique au moins autant que la déréglementation. Ces attaques successives contre le système de protection sociale depuis la fin des années 60 n'ont pas empêché les Américains de donner massivement leur voix lors des élections présidentielles de 1984 au parti conservateur et de surcroît à Ronald Reagan qui est pourtant un des plus virulents critiques du Welfare State. Non pas que les Américains ne soient pas attachés à ce système, mais bien parce qu'il n'a été remis en cause que dans une certaine mesure. [...]
[...] Les remises en cause du Welfare State provoquent des résultats assez ambigus. Certes de nombreuses aides créées par le New Deal ont été mises à mal : les budgets ont été considérablement diminués, la valeur réelle des allocations d'aide sociale diminue de 30% entre 76 et 85. Pourtant, il semble apparaître que les assauts contre le Welfare State restent limités par la réticence des États fédérés, mais aussi par des raisons politiciennes, les présidents successifs ayant besoin du soutien des classes moyennes. [...]
[...] Le terme de public welfare aux Etats- Unis a pendant longtemps désigné l'ensemble des dispositifs de protection sociale. Comme dans tous les autres pays occidentaux, il y a eu des politiques de protection mises en place avant que l'on puisse véritablement parler de Welfare State. Mais la principale différence entre les Etats- Unis et les autres pays est que ces dispositifs ne relevaient non pas de l'Etat fédéral, mais des Etats fédérés et même dans certains cas des comtés à qui la Constitution attribuait des pouvoirs de police Initié à la suite de la crise de 1929 qui entraîne une perte de confiance dans la perfection du système capitaliste américain (les hommes d'affaires s'étant révélés incapables de mettre fin à cette crise ; l'Etat fédéral devant donc les remplacer), le Welfare State connaît un important développement durant les présidences de Kennedy (1961-1963) puis de Johnson (1963-1968). [...]
[...] Les problèmes économiques engendrés par cette dérégulation ont aussi pour conséquence de faire dresser devant le gouvernement les Etats qui ont de plus en plus de mal à subvenir aux besoins de la population, mais de manière plus inattendue, de permettre une relance économique par une politique keynésienne. Le gouvernement fédéral n'arrive pas non plus à se décharger sur les Etats du fardeau de l'aide sociale autant qu'il l'aurait voulu. L'ambition de Reagan est de réduire de 30% les dispositifs qui en relèvent. Il n'y parvient pas. [...]
[...] GERVAIS, Les Etats Unis de 1860 à nos jours E. [...]
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