« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » L'article
premier de la Constitution du 4 octobre 1958 affirme la nature sociale de la République
française. La France est en effet devenue à la fin de la Seconde guerre mondiale un véritable
Etat social. L'Europe a vu se former au XVIIe siècle des Etats caractérisés par leur
domination souveraine sur un territoire et dotés d'une capacité de régulation supérieure à celle
des formations politiques antérieures, du type des anciens empires ou des cités. En tant
qu'Etat administratif chargé de remplir des fonctions spécifiques, l'Etat moderne s'était
différencié des institutions juridiques engendrées par l'économie de marché ; en tant qu'Etat
fiscal, il dépendait en même temps de l'économie capitaliste. Au cours du XIXe siècle, il s'est
ouvert, en tant qu'Etat-nation, aux formes démocratiques de légitimation. Dans certaines
régions privilégiées et dans les conditions favorables de l'après-guerre, cet Etat-nation, érigé
en modèle à l'échelle de la planète tout entière, a pu prendre – par le biais de la régulation
d'une économie nationale dont le mécanisme restait à vrai dire intact – la forme de l'Etat
social. Naguère couronnée de succès, cette combinaison est aujourd'hui menacée, dans la
mesure où une économie mondialisée échappe aux interventions d'un tel Etat régulateur. La
notion d'Etat social (Sozialstaat) est apparue pour la première fois en 1850, dans un ouvrage
de l'allemand Won Stein (Histoire des mouvements sociaux en France de 1789 jusqu'à nos
jours), où il affirmait que l'Etat a un devoir social d'intervention pour mettre fin au conflit
entre le capital et le travail. Elle est d'usage assez récent en France, où elle a été introduite par
Robert Castel (Les métamorphoses de la question sociale). Le changement de climat culturel
intervenu en 1945 va constituer l'arrière-plan de trois évolutions politiques qui ont transformé
le visage de l'après-guerre jusque dans les années 1980 : la guerre froide, la décolonisation et
la construction de l'Etat social en Europe. L'Etat social est un Etat interventionniste, qui
entend façonner la société et non plus seulement jouer le rôle d'arbitre. Il combine trois
dimensions : des revenus de transfert par des mécanismes d'assurance collective ; un
ensemble de services publics (activités partiellement ou totalement soustraites à la logique
marchande avec un financement reposant sur une péréquation) ; un droit du travail distinct du
droit privé ordinaire (droit inégalitaire). Dans les démocraties prospères et pacifiques de
l'Europe occidentale – et dans une moindre mesure aux Etats-Unis et dans quelques autres
pays –, on a vu se développer des systèmes d'économie mixte qui ont permis l'extension des
droits civiques et, pour la première fois, la réalisation effective des droits sociaux. Les
gouvernements des pays de l'OCDE ont institué, à cette époque où la croissance était
relativement élevée, de vastes systèmes de sécurité sociale. C'est ainsi que, sous la forme des
démocraties de masse fondées sur l'Etat social, on a réussi pour la première fois dans
l'Histoire à domestiquer la forme économique hautement productive du capitalisme et à la
mettre plus ou moins en accord avec l'idée normative qu'ont d'eux-mêmes les Etats à
constitution démocratique. Mais, au plus tard en 1989, le grand public a constaté la fin de
cette ère. Même les pays où l'Etat social est considéré, au moins rétrospectivement, comme
une conquête de la politique sociale, sont gagnés par un sentiment de résignation. Le
néolibéralisme, mouvement de radicalisation anti-dirigiste et anti-interventionniste, est apparu
dans les années 1980. Il rejette catégoriquement tout pouvoir d'Etat qui ne se cantonne pas
dans ses fonctions de policier et de soldat. Ce tournant néolibéral des années 1980, qui
conduit à l'abandon progressif de la référence keynésienne, a été analysé par Pierre Bourdieu
comme une véritable « révolution conservatrice ». Si le néolibéralisme procède du libéralisme
du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, il se caractérise par des différences
marquées par rapport à la tradition libérale. Indifférent à la forme des régimes politiques, il
prône et organise la généralisation des logiques marchandes dans tous les secteurs. Derrière la
révolution néolibérale, il y a l'idée que la construction d'un Etat-providence a vicié les règles
du marché et que les pesanteurs et viscosités qu'il entraîne sont attentatoires aux libertés
individuelles. La construction de l'Etat social avait permis de déboucher sur des formes de
propriétés collectives permettant une citoyenneté qui sinon n'aurait pu être exercée par le plus
grand nombre. Cet Etat social va faire l'objet d'une remise en cause spécifique, dans ses trois
dimensions, par la révolution néolibérale. Quelle est la nature de cette remise en cause, ses
effets, ses limites ?
Si le compromis de l'Etat social a été, avec le triomphe des idées et la mise en place
des politiques néo-libérales, remis en cause par la révolution néo-libérale, on peut toutefois
observer des résistances de l'Etat social, qui se maintient partiellement face aux risques créés
par sa remise en cause.
[...] Le Chili de Pinochet est le premier laboratoire de la révolution néo-libérale : privatisations, remises en cause des retraites, du droit du travail Les organisations internationales sont conquises par ce modèle fondé sur le développement des exportations, la flexibilité du travail et l'alignement sur le dollar dans les années 1970 : Banque mondiale, FMI, OCDE, Commission européenne. Le Royaume-Uni (M. Thatcher est 1er ministre de 1979 à 1990, J. Major de 1990 à 1997) et les Etats-Unis (P. Volker à la Fed en octobre 1979, R. Reagan président de 1981 à 1988, puis son vice-président G. [...]
[...] Une solution de rechange à la politique néolibérale et à son optimisme de principe (les choses se font toutes seules) pourrait donc consister à découvrir des formes appropriées à la nouvelle donne du processus démocratique, serait-ce au-delà de l'Etat-nation, à travers la mise en place d'une politique intérieure à l'échelle de la planète. Bibliographie : Après l'Etat-nation. Une nouvelle constellation politique, Jürgen Habermas, Fayard Politique internationale, Josepha Laroche, LGDJ Dictionnaire de sociologie, Raymond Boudon (sous la dir.), Larousse Dictionnaire de philosophie, Christian Godin, Fayard Economie contemporaine. [...]
[...] Le néolibéralisme, mouvement de radicalisation anti-dirigiste et anti-interventionniste, est apparu dans les années 1980. Il rejette catégoriquement tout pouvoir d'Etat qui ne se cantonne pas dans ses fonctions de policier et de soldat. Ce tournant néolibéral des années 1980, qui conduit à l'abandon progressif de la référence keynésienne, a été analysé par Pierre Bourdieu comme une véritable révolution conservatrice Si le néolibéralisme procède du libéralisme du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, il se caractérise par des différences marquées par rapport à la tradition libérale. [...]
[...] L'orthodoxie néolibérale, dans le contexte de la mondialisation, préconise la subordination inconditionnelle de l'Etat aux impératifs d'une intégration sociale censée s'effectuer par le biais des marchés à l'échelle de la planète, et recommande un Etat entrepreneur qui renonce à toute ambition de libérer la force de travail de son statut de marchandise, en congédiant, d'une façon générale, toute prétention de l'Etat à protéger la société. L'Etat engagé dans le système économique transnational doit renvoyer ses citoyens à l'exercice des libertés négatives assurées par la concurrence mondiale et se contenter pour l'essentiel de mettre à disposition les infrastructures qui rendent un lieu de production attractif du point de vue de la rentabilité, tout en favorisant l'activité des entreprises. La déconstruction de l'Etat social. Les réformes libérales ont gagné tous les pays : déréglementations, privatisations, flexibilisation du marché du travail. [...]
[...] La remise en cause de l'Etat Social par la révolution nèo-libérale La remise en cause de l'Etat social par la révolution néo-libérale La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. L'article premier de la Constitution du 4 octobre 1958 affirme la nature sociale de la République française. La France est en effet devenue à la fin de la Seconde guerre mondiale un véritable Etat social. L'Europe a vu se former au XVIIe siècle des Etats caractérisés par leur domination souveraine sur un territoire et dotés d'une capacité de régulation supérieure à celle des formations politiques antérieures, du type des anciens empires ou des cités. [...]
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