« L'Histoire de l'Union Soviétique a prouvé qu'il est impossible de miser durablement et exclusivement sur la puissance militaire. La puissance à long terme d'un pays dépend désormais de la mise en place d'un système d'enseignement technologique performant ». En écrivant ces mots en 2003, l'ex-secrétaire d'État américain Henry Kissinger fait part d'un constat : la puissance ne serait plus à considérer selon la traditionnelle force coercitive mais intégrerait des paramètres nouveaux, induisant indirectement l'idée de culture.
La culture correspond, selon la définition qu'en donne l'UNESCO dans sa Déclaration Universelle sur la diversité culturelle de 2001, à « l'ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie, les façons de vivre ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances » alors que la puissance, elle, est communément considérée comme la capacité d'un acteur à en amener d'autres à faire ce qu'autrement ils n'auraient pas fait et comme la volonté de ne pas se faire imposer des règles. Longtemps imprégnée de l'interprétation réaliste des relations internationales, la notion de puissance s'est exclusivement focalisée sur les ressources matérielles de l'État excluant de ce fait tout rôle de la culture.
Toutefois, si le système international, défini par Aron comme « l'ensemble constitué par des unités politiques qui entretiennent les unes avec les autres des relations régulières et qui sont susceptibles d'être impliquées dans une guerre générale », laisse entendre une situation anarchique dans laquelle les États, rationnels et égoïstes, visent à accroître leur puissance par la poursuite de leurs intérêts nationaux et l'accroissement de leur force militaire, le rôle de la culture semble toutefois y avoir été réévalué. En effet, les débats théoriques et l'apparition de l'institutionnalisme néo-libéral et du constructivisme ont remis en cause la conception réaliste trop matérielle de la puissance et ont affirmé le rôle de la culture comme un de ses éléments constitutifs.
Dans ces conditions, notre réflexion ne s'articulera pas autour d'un débat théorique entre différentes écoles de pensée pour savoir si oui ou non la culture est un élément constitutif de la puissance. Nous partirons du constat que, dans le contexte actuel, la dimension culturelle de la puissance est prise en compte. Il s'agira en fait de s'interroger sur l'utilité et la nécessité de la culture comme élément de la puissance. (...)
[...] Dans ce classement universités du top 10 sont américaines, illustration de la suprématie des États-Unis en matière d'éducation. Source : http://www.shanghairanking.com/ARWU2011.html Annexe 2 : Principales langues parlées dans le monde. Si le chinois occupe la première place, l'anglais est diffusé à travers le monde entier, comme en témoigne le nombre plus élevé d'utilisateurs sur Internet. Principales langues parlées dans le monde Source : SINDJOUN Luc, À la recherche de la puissance culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation du concept et d'appréhension du phénomène Revue internationale de sociologie, Vol mars 2009, pp. [...]
[...] La culture est-elle réellement nécessaire à l'affirmation de la puissance d'un État ? Si oui, dans quelles mesures, pourquoi intervient-elle ? La réponse à cette question s'articulera en trois temps autour de l'étude de plusieurs cas précis. Nous verrons ainsi dans un premier temps, à travers l'analyse de la puissance russe, qu'un État n'a pas besoin de mettre en valeur sa culture pour s'ériger comme une puissance. Toutefois, la fin de la Guerre Froide et l'affirmation des États-Unis come superpuissance hégémonique semblent atténuer ce constat et réaffirment le rôle de la culture dans la conception de la puissance, ce que confirme la nouvelle diplomatie chinoise. [...]
[...] Les instruments par lesquels les États affirmaient leur puissance se sont d'ailleurs considérablement réduits, en témoigne le nombre de soldat américains passant de 12 millions en 1945 à 1,4 million en 2001 alors que, dans le même temps, la population a doublé et la richesse du pays a été multipliée par 10[18]. La puissance militaire étatique semble donc avoir perdu de son utilité, symbole d'une évolution de la conception des rapports interétatiques. Ce contexte pourrait dès lors être propice à l'avènement de la culture comme élément principalement constitutif de la puissance. B. [...]
[...] Toutefois, les limites de la culture apparaissent ici dès lors qu'ils constituent l'unique ressource de la puissance. Le poids économique de l'Europe est conséquent, son rayonnement culturel n'est plus à démontrer. Mais elle est toujours dénuée d'unité sur le plan militaire tandis que les divisions en matière de politique étrangère se font sentir à chaque évènement majeur, en témoigne par exemple la guerre en Irak de 2003 et l'engagement anglais et espagnol qui s'est confronté au refus franco-allemand de s'engager aux côtés des États-Unis. [...]
[...] SINDJOUN Luc, À la recherche de la puissance culturelle dans les relations internationales : essai de caractérisation du concept et d'appréhension du phénomène Revue internationale de sociologie, Vol mars 2009, pp. 147-170. LAÏDI Zaki, La norme sans la force, énigme de la puissance européenne, Presses de Sciences Po MURRAY Geoffrey, China, the next superpower: dilemmas in change and continuity RUCKER Laurent, La politique étrangère russe A l'Ouest, du nouveau ! Le Courrier des pays de l'Est, 2003/8 1038, p. 24-41 Van CREVELD Martin, JAQUET Christophe, La puissance militaire en question Politique étrangère - 2003 - pp. [...]
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