L'analyse des termes du sujet est une étape préliminaire essentielle. D'où, cet avant-propos, visant à poser de manière préalable les enjeux du sujet.
D'emblé, l'opposition sémantique entre la tradition et la modernité, une des dichotomies les plus tenaces dans l'analyse des sciences sociales, surgit à notre esprit. Néanmoins, nous sommes vite amenés à dépasser cette contradiction, dans la mesure où l'idée d'une « réinvention de la tradition » nous incite à ne pas considérer « la tradition », dans une perspective atemporelle. La tradition ou plutôt les traditions ne sont pas fixes, mais sont en constante mutation, renouvellement. Elles intègrent et assimilent la nouveauté. La réinvention de la tradition par l'intégration de la modernité apparaît donc comme une condition de son appropriation. La modernité est domestiquée, grâce son assimilation par la tradition. Ainsi, sous le masque de la tradition, la modernité emprunte des voies dérobées. Apportons une précision sur le sens que l'on donne à la notion de « modernité démocratique ». C'est une notion fortement connotée pour laquelle nous souhaiterions préciser le sens. Le principal écueil est de considérer la modernité de manière unilatérale, selon une conception « occidentalo-centrée ». Pour l'éviter, ma mise en miroir des discours sur « la modernité politique » est nécessaire. Dès lors, nous constatons que cette notion peut renvoyer à des appropriations tout à fait subjectives. Néanmoins, force est de reconnaître ici, que la démocratie, au sens où elle s'est imposée et continue de s'imposer en Afrique, répond à des critères occidentaux de pluralisme, de liberté d'expression, de réunion, etc. Pour ce qui est de ce travail, nous montrerons que la modernité doit être liée au processus de démocratisation, qui, certes, n'est nullement continue, ou linéaire, mais est fait de temps d'arrêts, d'avancées et de retour, selon un tracé en zigzag, Finalement, la notion de « domestication » implique de s'interroger sur les modes d'appropriations par les populations de la modernité. Richard Banégas distingue trois modes d'appropriation de cette modernité par la population d'abord par l'appropriation des institutions et des procédures, par l'enrôlement des électeurs dans les codes de conduite de la civilité électorale et d'approvisionnement par les citoyens des détenteurs de l'autorité
[...] La figure de l'aîné en vient à coïncider avec celle du père, car celui bénéficie de la connaissance du bien et du mal, qu'il a acquise grâce à son expérience. Or, Mobutu n'a cessé de revendiquer dans des discours son statut de père et d'assimiler la nation zaïroise à une famille. Par là, il réactualisait les catégories sociales traditionnelles donnant la prépondérance au père aîné, et la prévalence de la communauté familiale sur l'individu. En se réappropriant l'idéologie traditionnelle de l'aînesse dans son discours, Mobutu présentait une lecture parentale de la subordination politique», selon l'expression d'Achille Mbembe[8]. Dans les Jeunes et l'ordre politique en Afrique noire, A. [...]
[...] Ils sont généralement considérés comme les aboutissants d'un processus de démocratisation caractéristique de la modernité politique. Mais ces pratiques se parent aussi de l'habit traditionnel au moyen par exemple de relais locaux politiques membres de chefferie ou d'autres groupes traditionnels. Dans l'analyse de ces rendez-vous collectifs, on peut observer des indices propres à une modernité importée dont le pluralisme est un fait saillant, ainsi que des points révélateurs d'une traditionalisation avec des candidats aux élections issues d'ensembles traditionnels. Il ne s'agira pas ici de conclure qui de la modernité ou de la tradition régissent les codes et les règles des différentes sociétés africaines, mais plutôt essayer de voir comment ce mode incorporation réciproque entre modernité et tradition est inhérent à la construction des sociétés subsahariennes contemporaines ; et d'observer comment ces nouveaux mécanismes de structuration sociale sont appropriés, domestiqués par les individus concernés. [...]
[...] Cette récupération de formes d'expression traditionnelle permettait de toucher un public plus grand. Ces manifestations, sous leur apparence de fêtes populaires, constituaient des meetings politiques. Il ne s'agissait donc pas uniquement de transmettre un message, mais d'organiser une action politique des masses. Ainsi, l'animation recourait à des formes traditionnelles, mais en changeait le sens. Ces formes d'expression traditionnelles se chargeaient de l'idéologie du régime et de ses valeurs : l'Amour du Guide, le soutien inconditionnel au chef, l'Unité nationale dans la diversité, l'Authenticité comme philosophie politique, la libération totale de l'homme zaïrois Prenons l'exemple des chants du mobutisme. [...]
[...] Cependant, la position du FRELIMO par rapport à la tradition a changé. La notion de modernité, est aujourd'hui associée par les dirigeants du parti au développement d'un Etat moderne démocratique à l'Occidentale, respectueux des traditions, notamment en tant que relai du pouvoir politique local, ainsi que comme expression de la société civile. Cette nouvelle position s'exprime du moins dans le discours politique, qui est façonné autant selon des logiques électorales, que de crédibilité vis-à-vis des bailleurs de fonds internationaux. Quant à la RENAMO, elle a construit sa base sociale au cours des années 1980 en se faisant le porte-parole des chefs traditionnels, et de la classe paysanne de manière plus générale. [...]
[...] La tradition, une voie de surgissement de la modernité démocratique IV.I. La tradition africaine démocratique au cœur du débat sur la culture et la démocratie La promotion des traditions africaines dans le discours de l'authenticité n'en fait pas un discours réactionnaire, prônant une crispation sur le passé. C'est à fin de lever l'ambiguïté sur la démarche de l'authenticité que la terminologie du régime a été rectifiée. Ainsi, Mobutu ne disait plus retour à l'authenticité mais recours à l'authenticité Les idéologues du régime soulignaient la différence entre l'idée de retour et de recours en se référant au contexte juridique, duquel le terme est issu : de la même manière que l'on recourt à un juge, il s'agit de recourir aux ancêtres afin de découvrir des solutions nouvelles. [...]
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