État-plateforme, espace public, L'Âge de la multitude, Nicolas Colin, Henri Verdier, Gilles Jeannot, IA Intelligence Artificielle, innovation, administration, site gouvernemental, DITP Direction Interministérielle de la Transformation Publique, infrastructure informatique
Force est de constater que l'engouement escompté ne s'est pas vraiment concrétisé de façon aussi mécanique. L'ambition d'un État semblable à l'App Store, qui manage la « place de marché » qu'évoquait Tim O'Reilly, qui donne sa chance à des centaines d'initiatives au lieu de tout miser sur une seule, qui confie à d'autres le soin de dispenser certains services relevant par nature du service public, qui s'appuie sur des compétences provenant majoritairement de l'extérieur, ne s'est pas exactement produite selon le scénario envisagé. On a pu observer, çà et là, des services coproduits par les pouvoirs publics et des startups innovantes à partir de données ouvertes et d'API, notamment dans le cadre de projets locaux portant sur les « villes intelligentes » et la mobilité, l'entretien des espaces publics ou encore les économies d'énergie.
[...] Un renouvellement dans la manière de soutenir l'innovation économique et sociale par le biais de l'ouverture des données publiques et de l'approche « Start-up d'État » a bien eu lieu, de même que dans la manière d'appréhender la gestion et les ressources humaines de l'administration. Mais ces modes d'action, s'ils ont été couronnés de succès tangibles, ont dévié des théorisations premières qui avaient entouré la naissance de la stratégie d'État-plateforme, laquelle devait voir un certain nombre de missions déléguées à des acteurs privés mis en concurrence sur une « place de marché » administrée par la puissance étatique. [...]
[...] Réinternalisation de l'innovation et grands projets informatiques : la mort de l'État-plateforme ? « L'État peut-il devenir une plateforme » ? Dans leur ouvrage devenu une référence sur la question, L'Âge de la multitude1, Nicolas Colin et Henri Verdier répondaient en adoptant le raisonnement suivant : « L'État plateforme est une promesse de création de valeur et de valorisation du tissu économique français. Il suffit de considérer la puissance de prescription dont dispose l'État, le caractère incontournable de ses services -garantissant ainsi des débouchés aux meilleures applications développées à l'aide de ses ressources-, la capacité de la puissance publique à inspirer confiance aux citoyens. [...]
[...] On a pu observer, çà et là, des services coproduits par les pouvoirs publics et des start-up innovantes à partir de données ouvertes et d'API, notamment dans le cadre de projets locaux portant sur les « villes intelligentes » et la mobilité, l'entretien des espaces publics ou encore les économies d'énergie. Mais même à ce niveau, la mobilisation d'acteurs privés innovants, prêts à formuler des offres pour transformer durablement les services publics et la gestion urbaine, a surtout été le fait d'une stratégie de stimulation active de la part de l'administration, par le biais d'hackatons notamment2. [...]
[...] L'attention est davantage portée sur les grands projets informatiques de l'État, menés avec des méthodes plus traditionnelles et des budgets dépassant largement les 200 000 euros alloués aux start-up d'État sélectionnées à l'issue des phases d'investigation8. On y compte la labellisation des produits et services numériques à l'usage des administrations, la construction d'une identification unifiée pour les services en ligne (comprenant l' « industrialisation » et la « généralisation » de FranceConnect aux côtés de AgentConnect et ProConnect), l'amélioration des infrastructures et des services numériques les plus utiles au fonctionnement de l'État, le développement d'une « culture du pilotage » à même d'améliorer la performance des systèmes d'information de l'État ou encore la fidélisation des « talents du numérique »9. [...]
[...] Ces différents indices, en plus d'attester de la tension entre les nouvelles pratiques du numérique (« amélioration des interfaces entre l'administration et ses usagers », « équipes de développement légères », etc.) et les directions des systèmes d'information, sont interprétés par Gilles Jeannot comme tout autant de signes d'une « disgrâce de l'État-plateforme »10. L'article de la sociologue Marie Alauzen sur le processus de conception de FranceConnect11 se conclut en des termes qui semblent dresser un constat similaire. Ainsi l'État-plateforme serait devenu un « mot d'ordre parmi d'autres », les priorités étant « désormais redistribuées en faveur du développement de l'intelligence artificielle, de l'économie comportementale et de la mutualisation des infrastructures informatiques » ; soit autant de pistes d'enquêtes et de nouvelles épreuves pour tracer d'autres modes d'existence de l'État ». [...]
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