Le garde des sceaux, Pascal Clément, doit présenter mardi, en conseil des ministres, un projet de loi sur la réforme de la justice. Le texte de réforme, présenté en septembre, comportait initialement trois volets : un projet de loi simple sur la procédure pénale, un projet de loi organique modifiant le statut des magistrats pour créer une nouvelle faute disciplinaire de « violation délibérée des principes de la procédure civile ou pénale » ainsi qu'un projet de loi constitutionnelle visant à rendre les magistrats minoritaires au Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), organe constitutionnel qui veille à l'indépendance de la justice et à la discipline des magistrats. Depuis, les débats autour de ce projet en ont considérablement modifié les contours.
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Ce projet de réforme a vu le jour en décembre 2005 suite à l'acquittement des six personnes accusées ayant fait appel de leur condamnation dans l'affaire d'Outreau. L'incarcération de plusieurs accusés ainsi que les conditions d'enquête avaient alors scandalisée l'opinion publique, mettant le juge Burgaud, chargé de l'affaire, sur la sellette. Pascal Clément avait alors choisi de saisir le CSM. En mettant ainsi en cause la responsabilité du juge, le garde des sceaux était allé plus loin que l'avis de l'Inspection générale des services judiciaires qui n'avait pas conclu à la faute disciplinaire (...)
[...] Au-delà de ses éventuels ratés et insuffisances, Burgaud, notez-le, fournissait une cible facile : jeune, frais émoulu de l'ENM, mal à l'aise en public, etc. Paradoxalement, retour à un esprit Guigou de la réforme de la justice, à droite, alors que les mesures de l'ancienne Garde des Sceaux avaient été brocardées très durement. La Commission parlementaire, sous couvert d' assumer le rôle qu'elles ont aux Etats-Unis voire depuis le retour des démocrates au Congrès, les craintes l'Administration Bush ont joué un rôle cathartique évident : c'était bien une pure réaction tout comme les déclarations de nombreux politiques à l'affaire. [...]
[...] Pascal Clément avait alors choisi de saisir le CSM. En mettant ainsi en cause la responsabilité du juge, le garde des sceaux était allé plus loin que l'avis de l'Inspection générale des services judiciaires qui n'avait pas conclu à la faute disciplinaire. En janvier 2006, lors de la présentation de ses vœux, le Président de la République, Jacques Chirac, avait annoncé pour la première fois le projet de réforme. Il avait ainsi déclaré : Il faut renforcer les droits de la défense ; repenser la responsabilité des juges et de l'ensemble de la chaîne judiciaire ; réformer le CSM Le 11 janvier, dans la foulée, Pascal Clément annonçait devant la presse : 2006 sera l'année de la réforme En juin, pourtant, il nuance déjà son affirmation, déclarant Je ne souhaite pas une réforme qui, s'appuyant sur l'émotion suscitée par l'affaire d'Outreau, conduirait à bouleverser notre modèle judiciaire Le projet comporte en effet quelques propositions de la Commission d'enquête parlementaire sur l'affaire d'Outreau, dont notamment l'enregistrement des gardes à vue et des auditions chez le juge d'instruction pour les affaires criminelles, l'assistance obligatoire d'un avocat lors des débats sur la détention provisoire d'un mis en examen, la publicité de certaines audiences et la possibilité pour les avocats de demander une contre expertise[4]. [...]
[...] ( Bibliographie : M. Clément renonce à réformer le statut des juges et le Conseil de la Magistrature Dix mois de proclamations et d'hésitations articles parus dans Le Monde daté du 21 octobre 2006 Réforme de la justice : Clément recule article paru dans Libération daté du 21 octobre 06 Villepin promet un volet responsabilité des juges article paru dans Le Figaro, daté du 22 octobre 2006 Cafouillage du gouvernement sur la responsabilité des juges article paru dans Le Monde daté du 23 octobre 2006 La responsabilité des juges au menu de la réforme article paru dans Le Figaro daté du 23 octobre 2006 Justice : Villepin désavoue Clément article paru dans Libération daté du 23 octobre 2006 * * * * On notera que la réforme de la justice est un vieux serpent de mer, qu'on avait également agité à l'époque de l'affaire Grégory Tous les ingrédients étaient aussi réunis : crime ignoble, mystérieux, famille vengeresse, juge problématique, rôle démesuré de médias à la fois pompiers et pyromanes, prenant successivement fait et cause pour les uns et les autres sans état d'âme. [...]
[...] II) Entre promesses, contradictions et retraits : les aléas de la réforme. A plusieurs reprises, le projet de loi va faire l'objet de déclarations contradictoires entre le ministère de la justice et le gouvernement, révélant ainsi le caractère hautement politique du sujet. Ainsi, lors de sa présentation à la presse le 06 septembre, le texte provoque une première série d'hésitations. Le projet de loi prévoit en effet que l'enregistrement des interrogatoires dans le cabinet du juge est obligatoire, or Pascal Clément ne l'annonce que comme une possibilité à la presse. [...]
[...] III) Une réforme sous pression. Comme on l'a vu, cette réforme fait l'objet de nombreuses pressions. Les magistrats et la police d'une part, concernés par la réforme, souhaitent défendre leurs droits. Les avocats des acquittés dans l'affaire d'Outreau, d'autre part, dénoncent, au vu des récentes modifications du texte, l'abandon du gouvernement face au corporatisme des juges. La polémique intervient de plus au moment de la première audition, lundi, du juge Fabrice Burgaud par le CSM, rappelant à tous l'évènement à l'origine de cette réforme. [...]
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