En 1982 et 1983, un ensemble de textes législatifs a inscrit durablement la France dans un processus de décentralisation. Pour que les collectivités locales puissent relever ce défi, une loi du 26 janvier 1984 met en place une véritable fonction publique au niveau territorial que seul l'Etat possédait jusqu'à présent. Malgré l'instabilité juridique, cette fonction publique territoriale peut être considérée comme une réussite. Elle a su s'imposer à coté de la fonction publique d'Etat, ce qui n'était pas une évidence. On observe un réel sentiment d'appartenance et au niveau de l'efficacité elle a fait ses preuves en étant un élément majeur de la relative réussite de la décentralisation.
Une réforme est elle vraiment nécessaire ? Si oui ce projet peut il déboucher sur un texte à la hauteur de l'attente suscitée et des défis à relever ?
Dans une première partie nous verrons que s'il semble nécessaire de lui donner un nouveau souffle, le contexte historique, sociologique et politique rend cette tache difficile. Notre seconde partie sera consacrée à l'analyse du projet de loi actuellement discuté au Sénat. Nous verrons que s'il nous semble intéressant par les domaines qu'il vise, son manque d'envergure risque d'en limiter les effets.
[...] Françoise Descamps Crosnier, maire PS de Rosny sous Bois, a une autre opinion sur la logique de ce texte. Pour elle cette réforme en cache une autre, moins visible, destinée à réécrire progressivement le statut sur des points fondamentaux comme la garantie de l'égal accès aux emplois publics par la voie du concours. Au lieu de faire une grande réforme du statut qui à coup sûr serait très mal accueillie, le gouvernement produit une série de lois dessinant une réforme cachée. [...]
[...] Cette formation renforcée doit, en augmentant les compétences et les connaissances de chaque agent, augmenter la productivité de la fonction publique territoriale. Des institutions clarifiées. Cette réforme a également pour objectifs la rationalisation des institutions, thème polémique au sein du CSFPT. Conformément à l'esprit originel de la loi du 26 janvier 1984, on procède à une séparation plus stricte des fonctions de gestion et de formation. Ceci est matérialisé par un recentrage du CNFPT sur sa mission essentielle : la formation qui comme nous l'avons vu prendra une autre dimension. [...]
[...] Or l'attachement au statut est extrêmement fort et dépasse la corporation des fonctionnaires. La tendance libérale traversée renforce les craintes d'un démembrement et chaque égratignure qui lui est faite, est considérée comme une volonté de le détruire. La marge de manœuvre est donc extrêmement mince d'autant plus qu'à l'opposé une grande partie d'élus réclame un assouplissement. Cette sensibilité se cristallise dans le processus consultatif. En effet, tout projet de loi ayant une incidence sur la fonction publique territoriale doit faire l'objet en plus de l'avis consultatif du Conseil d'État de celui du Conseil Supérieur de la Fonction publique Territoriale. [...]
[...] Ainsi est introduite la reconnaissance de l'expérience professionnelle. Si elle ne dispense pas du concours, elle favorise son accès aux personnes ne remplissant pas les conditions traditionnelles de formation ou de diplôme. Sans véritablement trahir l'esprit du concours, elle facilite le recrutement d'agents dans des cadres où les candidats sont insuffisants et où les départs seront massifs. Son attractivité se manifeste également à travers la reprise d'ancienneté qui lui évite de démarrer sa carrière administrative à la base et le dispense d'une partie de la formation initiale. [...]
[...] Aveu d'impuissance, absence de volonté politique, les causes sont multiples, mais le constat sans équivoque : face à des enjeux capitaux (départ à la retraite des baby- boomers et conséquences de l'acte II) la fonction publique territoriale n'aura pas de réels moyens supplémentaires et devra une fois n'est pas coutume faire preuve d'adaptabilité. Elle a néanmoins prouvé par le passé qu'elle savait faire face dans l'adversité et il serait d'exagéré d'annoncer d'office l'imminence d'une grande crise. Mais avec cet épisode la grande réforme de la fonction publique territoriale est en passe de devenir, comme la réforme des finances locales, une nouvelle Arlésienne. Ce qui sur le long terme ne peut être que problématique. [...]
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