La baisse continue de la pratique religieuse dans la plupart des pays occidentaux, et plus particulièrement en France, conduit à s'interroger sur l'influence de la religion, et plus généralement du « sacré », sur les phénomènes sociaux, politiques et économiques. Le sacré, par opposition au profane, est défini comme ce qui appartient à un domaine séparé, interdit et inviolable et qui fait l'objet d'un sentiment de révérence religieuse. Par extension, le sacré peut aussi désigner tout ce qui est digne d'un respect absolu, qui a un caractère de valeur absolue.
La définition étant posée, on peut se demander si le désenchantement du monde décrit par Weber rend encore utile la référence au sacré pour comprendre les systèmes politiques contemporains.
En effet, si la référence au sacré, dans son sens premier, i-e religieux, apparaît clairement comme un facteur explicatif de la construction des systèmes politiques contemporains, son influence sur les comportements politiques individuels devient de moins en moins déterminante. En outre, à travers l'étude de différents régimes contemporains, il semble que le sacré, considéré dans son acception plus large, connaît actuellement un usage emblématique et volontariste dans la représentation et la mobilisation politique...
[...] Il semble au final que la référence au sacré est loin d'être devenue inutile pour comprendre les systèmes politiques contemporains. Elle en explique en effet la genèse et la construction, et est à présent utilisée comme un moyen de mobilisation. Ainsi, la science politique s'efforce de mettre l'accent sur l'usage emblématique du religieux dans la mobilisation politique, mais aussi dans la construction identitaire : au lieu d'agir comme facteur, le religieux serait ainsi davantage le moyen d'exprimer un état ou un désir, et de marquer une distinction par rapport à l'autre. [...]
[...] Selon les travaux de Dogan mais aussi de Richard Rose et Ian Mc Allister, la métamorphose de la société occidentale et les mutations profondes qu'a connues le christianisme depuis les années 60 (conséquences de Vatican II, développement d'un catholicisme engagé à gauche, existence visible d'un clergé de gauche et baisse importante des pratiques religieuses) rendent l'électeur plus autonome et détaché de ses affiliations culturelles et religieuses, individualiste selon les termes de George Lavau. L'émergence de cet homo politicus voire d'un homo electoralis fait du comportement politique individuel et notamment du vote une variable indépendante du facteur religieux. [...]
[...] La référence au sacré, pertinente pour la compréhension des systèmes politiques contemporains, semble ici inutile pour l'explication des attitudes individuelles. Après avoir été étudié en tant que facteur explicatif des systèmes politiques, la référence au sacré est ici envisagée comme un moyen de représentation et de mobilisation politique. Le langage politique est en effet encombré de termes empruntés au sacré. C'est ainsi que l'on évoque, à propos de certains hommes politiques, le charisme dont ils seraient porteurs (la théorie charismatique du pouvoir ayant un lien étroit avec les conceptions religieuses du pouvoir), et le culte de la personnalité qu'ils suscitent. [...]
[...] Weber s'efforce, de son côté, de dégager les affinités liant les grandes constructions éthiques et religieuses à chaque modèle historiquement connu de relation sociale. Ces hypothèses peuvent être prolongées pour tenter d'expliquer la configuration de chaque système politique particulier par référence à la religion ambiante comme culture dominante. Dans ce cas, la relation entre religion et politique se trouve conçue sur un modèle macro-sociologique, la première agissant sur le second à travers les institutions et les modes de légitimation appris par les acteurs sociaux. L'exemple le plus pur d'influence de la religion sur la construction du politique se trouve dans les régimes théocratiques. [...]
[...] Toujours dans cette perspective macro-sociologique, l'influence directe du religieux s'exprime enfin dans la genèse des systèmes politiques contemporains. Ainsi, Bertrand Badie, dans Les deux Etats, s'intéresse aux sources médiévales religieuses de la modernité politique occidentale et de la Cité musulmane. Il montre alors que l'insertion tardive du christianisme à Rome préfigure l'Etat occidental. En effet, le christianisme médiéval conduit à construire le pouvoir comme un lieu autonome et à concevoir son action comme étant celle d'une organisation visant à défendre son autonomie et son intégrité. [...]
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