Il est très courant aujourd'hui d'entendre parler de crises ou de remises en question de l'autorité. Ainsi on parle de « crise de l'autorité parentale », de « l'autorité de l'école », de celle des juges et des médecins ou encore comme l'affirme la députée Christine Boutin, au moment de la contestation du CPE, de la fragilisation de « l'autorité de la loi » .
Or face à cette pluralité de crise de l'autorité, le sens d'autorité même semble confus et mélangé avec la chose qui l'accompagne. Cette confusion est d'autant plus importante que, comme le relève Alexandre Kojève, « le problème et la notion d'Autorité ont été très peu étudiés. On s'est surtout occupé des questions relatives au transfert de l'Autorité et à sa genèse, mais l'essence même de ce phénomène a rarement attiré l'attention. »
Le mot autorité vient du latin auctoritas, dérivant lui-même de augere qui signifie augmenter. L'auctoritas est le fondement du pouvoir, il est le poids donné par le prestige et l'excellence. « Ainsi Auguste affirmait l'emporter sur les autres, non pas par la nature de son pouvoir, mais par l'auctoritas que lui conféraient sa généalogie, ses vertus publiques, ses succès, ses fonctions. » Cette notion d'excellence et de prestige permet d'éviter deux confusions, celles avec le pouvoir et l'autoritarisme, qui sont des notions totalement distinctes. Ainsi concernant le pouvoir, Lipson le différencie en donnant ces définitions. « Le pouvoir est la capacité d'obtenir des résultats par action concertée » , l'autorité étant placée au-dessus car « revêtu des attributs de la légitimité. » Quant à l'autoritarisme, il se révèle être un système politique où le pouvoir n'est pas partagé. Kojève a proposé une définition différente de l'autorité ou plutôt trois. Il perçoit l'autorité comme étant « la possibilité qu'a un agent d'agir sur les autres sans que ces derniers réagissent sur lui, tout en étant capable de le faire » , la possibilité avec l'autorité par l'agent de « changer le donné humain extérieur, sans subir le contrecoup, c'est-à-dire sans changer lui-même en fonction des actions » et enfin « la possibilité d'agir sans faire de compromis » . Ce sont les définitions de Kojève que nous retiendrons pour notre étude de cas car elles sont moins restrictives et plus précises que celle donnée par Lipson. L'autorité apparaît ainsi comme un moyen de domination consentie, sans usage de la force.
Une fois cette notion d'autorité définie, nous pouvons enfin nous demander d'où provient cette autorité, qui paraît être en crise aujourd'hui. En d'autres termes, qu'est-ce qui permet l'exercice de l'autorité, qu'est-ce qui la représente aujourd'hui ?
Afin de répondre de manière circonscrite à cette question, nous nous exercerons dans une première partie à observer les symboles d'autorité en ce début du XXIème siècle (I) et dans une seconde partie, les risques de déliquescence de l'autorité à travers les transformations et les remises en question (II)
[...] Bibliographie Yves DUPONT, Dictionnaire des risques, Paris, Armand Colin p378 Alexandre KOJEVE, La notion de l'autorité, Paris, NRF pages L. LIPSON, Grands thèmes de la pensée politique, Paris, Presses de la fondation nationale de sciences politiques pages Expérience de MILGRAM : http://fr.wikipedia.org/wiki/Expérience_Milgram http://www.espacestemps.net/document787.html http://fr.news.yahoo.com/31032006/5/la-position-de-jacques-chirac-sur- le-cpe-fragilise-l.html Alexandre KOJEVE, La notion de l'autorité, Paris, NRF p49 http://titulatures.ifrance.com/lexique.htm L. LIPSON, Grands thèmes de la pensée politique, Paris, Presses de la fondation nationale de sciences politiques p84 Ibid. p85 Alexandre KOJEVE, op.cit. p58 Ibid. [...]
[...] Stanley Milgram et la déresponsabilisation de l'individu Entre 1960 et 1963, un sociologue américain, Stanley Milgram, a mené des expériences d'un genre inédit, sur la soumission à l'autorité de l'individu[12]. Il s'agissait de sonder la capacité d'obéissance d'un individu sur un ordre injuste mais donnée par une forte autorité. Le jeu était composé de trois acteurs. Un scientifique, en blouse blanche, joue le rôle de l'autorité, un comédien celui de la victime et le participant, qui, grâce à un tirage au sort truqué afin qu'il s'insère pleinement dans son rôle, joue le bourreau. [...]
[...] Les symboles ont toujours une représentation à la fois physique, car prouvé par sa propre existence, et morale, exprimée par la dose de confiance déployée par ce symbole pour la personne qui subit l'autorité. Prenons l'exemple du juge. Celui-ci sera immédiatement reconnu par l'individu au procès, parce qu'il portera l'hermine comme uniforme et qu'il rendra sa décision grâce à son maillet. Ces deux symboles sont quelques éléments de son autorité. Cette considération des symboles nous amène à considérer leur place dans la société contemporaine. [...]
[...] Le but du jeu était que le bourreau envoie des (fausses) décharges électriques à son apprenant, qui devait répéter des séquences de mots dictées par le bourreau, si celui-ci se trompait. Si le bourreau refusait, l'autorité devait lui donner l'ordre quatre fois et si au bout de la quatrième fois le bourreau refusait toujours, l'expérience se terminait. Les résultats de l'expérience ont été assez surprenants, dans le sens où 60% des individus sont allés jusqu'au bout de l'expérience, c'est-à- dire d'envoyer des décharges de 450 Volts trois fois de suite. [...]
[...] La seconde est une extension de la portée des symboles de l'autorité. Cela s'explique par l'éducation et le large développement des médias audiovisuels, qui ont un fort impact à l'échelle mondial. Des figures de la société, comme le juge, qui ne sont pas visibles habituellement, le deviennent par ces canaux. Enfin la dernière tendance qui se déroule actuellement est une structuration ou une corporisation des autorités vers une seule entité centralisée afin de gagner en efficacité et en visibilité, en évitant la multiplication des symboles. [...]
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