Lors de son dernier meeting de campagne électorale à Bercy (mai 2007), le futur Président de la République Nicolas Sarkozy entendait à la fois « restaurer la dignité du Chef de l'Etat » et « renforcer les prérogatives des Chambres ». Cette ambition étonne à l'heure du 50e anniversaire de la Constitution de la Cinquième République, constitution rédigée dans le but de freiner les dérives intrinsèques au régime parlementaire français en revalorisant les organes de l'exécutif.
De cette ambigüité apparente l'on peut chercher dans l'histoire institutionnelle française de quelle manière les rapports entre le Parlement et l'exécutif se sont orchestrés depuis la première constitution écrite, à savoir celle de 1791, jusqu'à celle de la IVe République, dernier échec constitutionnel en date.
Depuis l'apparition du Parlement à proprement parler, à savoir un organe collégial qui légifère, représente la Nation et contrôle éventuellement l'action de l'exécutif (dans le cadre d'un régime parlementaire), les constituants ont tantôt privilégié les prérogatives des Chambres, tantôt celles de l'organe ou des organes exécutifs.
« Cycles constitutionnels » pour certains (Léon Duguit), « balancier institutionnel » pour d'autres (Marie-Anne Cohendet), une chose est certaine, la France est caractérisée par une histoire institutionnelle exceptionnelle, car dénuée de fil conducteur théorique et riche d'expériences en matière de régimes politiques. Dès lors, dans quelles mesures les constitutions de 1791 à 1946 ont-elles échoué à imposer un équilibre dans les rapports entre les pouvoirs exécutif et législatif ?
Si le « balancier institutionnel » entraîne nécessairement l'impossible collaboration des pouvoirs (I), l'équilibre des pouvoirs porté par le régime parlementaire a suscité l'espoir avant de ne devenir que la désillusion d'un échec (II).
[...] En 1791 la Constitution impose une indépendance théorique au regard des statuts personnels. Mais en fait il s'instaure une collaboration fonctionnelle du roi et du Corps législatif représentant tout deux de la Nation. C'est par un abus du droit de veto dont dispose le roi en matière législative que le fonctionnement des institutions va devenir chaotique. Tout de suite, les constituants réagissent à cet excès du pouvoir royal et c'est ce qui explique que les constitutions de 1793 et de 1795 établissent en droit et en fait la prépondérance du Parlement. [...]
[...] C'est en fait avec les lois fondamentales de 1875 (Constitution de la IIIe République) qu'un équilibre entre les pouvoirs semble véritablement s'amorcer. Ainsi, existe-t-il dans le texte, une vraie collaboration entre les organes exécutifs et le Parlement (Chambre des députés + Sénat) : le Parlement contrôle l'action gouvernementale à travers les mécanismes de la question de confiance (contrôle-surveillance), la motion de censure (contrôle-sanction) et en contre-poids, l'exécutif dispose également d'un arsenal de moyens pour contrôler les Chambres (droit de dissolution, pouvoir réglementaire). Pour la première fois, une constitution française met sur un pied d'égalité l'organe exécutif et le Parlement. [...]
[...] Faut-il rappeler que les différents parlements de France en tant que Cours de justice souveraines se sont réunis sous l'impulsion du mouvement bourgeois dit du jansénisme parlementaire dans l'objectif de s'imposer comme unique source légitime de la souveraineté et donc du pouvoir législatif ? C'est donc bien en réaction à la personne du roi, seul bénéficiaire de tous les pouvoirs (faire, exécuter et juger les lois) que le Parlement est né en France. Ainsi il ne peut être évident que les pouvoirs aillent de concert contrairement aux postulats des différents penseurs de la séparation des pouvoirs. [...]
[...] Ainsi, la première, cependant jamais appliquée, fait du Corps législatif le seul organe pouvant légiférer et lui donne tous les moyens pour faire du Conseil de l'exécutif un véritable commis. La seconde connaîtra le même sort avec la subordination du Directoire aux Conseils des Anciens et des Cinq-cents (le bicamérisme et la collégialité de l'exécutif ne suffisent pas à assurer l'équilibre). Avec les constitutions de 1799 et les différents sénatus- consultes de Bonaparte (qui deviendra Napoléon), c'est la puissance exécutive qui retrouve la suprématie perdue le jour de la décapitation de Robespierre. [...]
[...] Le balancier institutionnel ou l'impossible collaboration des pouvoirs L'absence d'une ligne théorique claire a entraîné un équilibre institutionnel introuvable L'absence d'une ligne théorique claire Au regard des différentes expériences institutionnelles en France, il est difficile de trouver un vecteur logique de pensée. La France présente en effet cette particularité d'avoir connu quasiment l'ensemble des régimes politiques imaginables de 1791 à 1946. Ceci peut s'expliquer substantiellement par l'incapacité des constituants à approuver de façon pérenne une logique quant aux questions cruciales de la souveraineté et de la séparation des pouvoirs. [...]
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