En 1992-1993, à la demande du président de la République François Mitterrand, un processus de révision de la Constitution a été amorcé. Un comité de réflexion a été appelé, dirigé par le juriste et professeur de droit Georges Vedel, « refondateur du droit public » selon Guy Carcassonne et Olivier Duhamel. Ce dernier faisait également partie du comité, ainsi, qu'entre autres, Pierre Mauroy.
Mais pourquoi vouloir, à ce moment de l'histoire de la Ve République, réformer les institutions ? En effet, François Mitterrand se trouve au pouvoir depuis presque 12 ans. Vedel lui-même se posera cette question devant ses étudiants. Pour lui, les raisons de cette action se rapportent « presque exclusivement à une personne et à une vie singulières : un règne finit, un souverain va disparaître dans le souvenir exaltant des conquêtes et l'amertume des jours sans avenir » . De manière plus « politique », le mandat de Mitterrand touche à sa fin, il se sait malade, et, surtout, une des promesses de sa campagne était de « rééquilibrer » les institutions avant de quitter l'Elysée. Sentant l'approche imminente d'une deuxième cohabitation, François Mitterrand décide d'enclencher un processus lui permettant, peut-être, de tenir cette promesse.
Le processus engagé par Mitterrand est donc le suivant : par une lettre du 30 novembre 1992 aux présidents du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil Constitutionnel, il émet des propositions de réformes constitutionnelles qu'il veut soumettre à réflexion. Cette réflexion sera effectuée à un comité consultatif, dont la composition sera fixée en Conseil des ministres.
[...] Cette actualisation a également pour mérite de mobiliser de temps en temps les mécanismes de révision constitutionnelle, ce qui permet d'enraciner à chaque fois un peu plus la Constitution par sa pratique. En voyant les choses de cette manière, on peut considérer avec Guy Carcassonne que notre République est immuable, qu'elle n'a jamais vraiment changé depuis 1958, qu'elle est solidement installée. Néanmoins, elle reste très souple et très fluide, elle est adaptable à des époques différentes, à condition d'être actualisée de temps en temps. [...]
[...] Plus encore, le comité fait très attention de ne pas toucher aux grandes traditions de la Vème République. On ne veut pas, ou peut-être on n'ose pas, ébranler certaines traditions, même si celles-ci s'avèrent parfois pesantes. Par exemple, la grande majorité des membres du comité refusent de revenir sur une tradition trentenaire concernant le domaine réservé du Président de la République. Sans attaquer le bien-fondé de cette décision, on peut se demander si le fait de la justifier par une tradition trentenaire ne relève pas d'un certain tabou, ou du moins d'un blocage concernant certains sujets. [...]
[...] Il faut en effet évoquer cette forte réserve, cette peur du déséquilibre institutionnel qui conduisent à de simples réformettes de surface, peu audacieuses. Tout d'abord, le comité Vedel s'abstient de prendre position sur les sujets de fond, les grands sujets polémiques. Dans son rapport, il précise immédiatement que sa mission ne comportait pas de remise en cause de l'architecture générale, ni de l'esprit des institutions Ainsi, il s'est refusé à trancher entre les deux lectures possibles de la Constitution de 1958 (régime parlementaire ou régime présidentiel). [...]
[...] Néanmoins, la majorité des membres est contre la limitation du nombre de mandats, et contre la coïncidence des mandats présidentiels et parlementaires. Tout cela conduit au statu quo, et illustre une certaine frilosité dans la prise de position. On est pourtant conscient de la nécessité de cette dernière mesure pour consolider l'esprit même de la Vème République. On connaît pourtant la lutte acharnée de Georges Vedel pour le quinquennat et la coïncidence des mandats, qui aboutira en 2000 avec leur adoption. Dernier exemple, enfin, le comité n'estime pas possible, contrairement au souhait de M. [...]
[...] Cette constatation permet d'avancer ces propositions innovantes. Pourtant, quasiment aucune de ces propositions n'a été retenue : seules la réforme du Conseil supérieur de la magistrature et la création de la Cour de justice de la République a été mise en œuvre. On peut se demander si ce manque de volonté dans l'application de la réforme des institutions est dû au contexte de la cohabitation, qui ne permet pas de faire accepter une réforme en profondeur (le groupe socialiste ne bénéficie en effet que de 57 sièges à l'Assemblée). [...]
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