Accusés de diviser artificiellement, de se quereller inutilement, d'être tous pareils, voire tous pourris, les partis sont en crise de légitimité. Leurs effectifs décroissent et vieillissent, leurs éventuels succès électoraux sont entachés des scores des populistes et de l'abstention. Les partis sont des organisations qui luttent pour l'exercice du pouvoir, et le pouvoir a mauvaise presse. En ce sens, la crise des partis peut se rapporter à la crise de la « politique politicienne ». Au point que l'on se demande si les partis ne seraient pas obsolètes, malgré le rôle qui fut le leur.
Stricto sensu, la question est descriptive, mais ses implications sont d'ordre normatif : les partis pour quoi faire ? La désaffection dont ils sont l'objet pourrait faire de ces constructions somme toute récentes d'obsolètes réminiscences d'un ordre politique révolu, incapable de s'adapter à une société plus flexible, plus individualisée.
Pourtant, les régimes politiques modernes se sont fondés notamment par l'intermédiaire des partis en tant qu'incarnations et mandataires de groupes sociaux, capables d'animer pacifiquement le régime représentatif. Mais les partis ne sont pas que des outils neutres, de simples filtres entre le peuple et le pouvoir. Ils sont autant objets que sujets quand le médiateur se fait acteur autonome. Mais des acteurs qui se sont autonomisés de leur public au point de jouer devant une salle vide...
[...] En raison du cens caché qu'elle maintient, une élection ne se gagne pas sans argent ni temps libre, dont ne disposaient que les notables. Or, le parti a pour fonction de mutualiser la récolte des fonds et de mettre à disposition des militants et des permanents. Ainsi, les deux grands partis américains passent l'essentiel de leur temps à collecter des fonds pour les mettre au service du candidat désigné par les primaires. Une telle médiatisation du parti entre les financeurs et le candidat donne à ce dernier une certaine autonomie. [...]
[...] Les partis ont donc dû organiser leur existence de minoritaires. Certains partis se sont dotés de toute une série d'organes : journaux, organisations de jeunesse, coopératives, mutuelles, associations culturelles et sportives, organisations de défense des consommateurs, etc. A l'origine destinés à fournir des ressources aux partis, ces organes sont parfois devenus des moyens d'exprimer ses revendications, ils arrivent à exercer une emprise sur la société qui se substitue à un pouvoir sur l'appareil d'Etat. Parfois, dans le cas extrême des partis communistes, le but en est la construction d'une véritable contre-société qui se devait se mettre en place. [...]
[...] Mais des acteurs qui se sont autonomisés de leur public au point de jouer devant une salle vide. Les partis politiques, en tant que représentants de franges de la société, ont pour fonction d'incarner et d'organiser le pluralisme. Le monisme révolutionnaire français, c'est-à-dire la sacralisation d'un intérêt général exigeant l'unanimité, n'a pas pu durer très longtemps sous sa forme la plus autoritaire, comme durant la Terreur. Bien que cette tendance ressurgisse régulièrement, comme lorsque le général de Gaulle s'en prend à la IVè République, les partis ont affirmé leur rôle. [...]
[...] Un champ spécifique se crée, un marché oligopolistique ou les coûts d'entrée sont très coûteux. Pour preuve, l'exceptionnelle survie des dirigeants politiques d'alors, surtout en France, des Thorez, De Gaulle, Mitterrand et Chirac, qui restaient sur le devant de la scène malgré leurs défaites durant une trentaine d'années. Leur lente accumulation de notoriété se confond avec celle du parti et en fait un argument pour leur longévité. Mais la transformation des partis en simples machines électorales, la prédominance progressive des logiques d'appareil au profit des professionnels et au détriment des mandants, vient rompre le processus continu de démocratisation du lien représentatif et affaiblir le suffrage universel. [...]
[...] A la notion de représentation-miroir, il serait plus fidèle à la réalité de parler de représentation-créature. C'est parfois l'instituant qui crée son institué. Ainsi le PCF a donné à la classe ouvrière une identité à travers des symboles, des mots d'ordre, des modes de vie et des espoirs de grande lueur à l'Est manipulés d'un bout à l'autre par la propagande. Toujours est-il que la compétition entre partis apporte des repères politiques à al société, comme l'opposition fondamentale entre droite et gauche. [...]
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