« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum », peut-on lire dans la Constitution de 1958 (article 3). Dans la Ve République, la souveraineté populaire, fondement de la démocratie, s'exerce donc par l'élection de représentants, mais aussi par l'utilisation du référendum. Celui-ci désigne la consultation directe des citoyens sur une question d'intérêt général. Procédure de démocratie directe, on en distingue trois formes : le référendum d'initiative populaire, c'est-à-dire l'acte par lequel une fraction du corps électoral intervient pour proposer une loi ou une révision constitutionnelle ; le référendum de veto populaire, qui désigne la décision prise par le corps électoral de refuser qu'une loi normalement adoptée par le Parlement entre en vigueur ; et au sens strict, l'expression de la volonté du corps électoral qui fait partie du processus d'élaboration de l'acte constitutionnel ou législatif.
[...] Le peuple n'y est point du tout propre. Si cette affirmation pouvait sembler justifiée à une certaine époque, elle est très fortement contestable aujourd'hui. En effet, la mise en place de l'enseignement obligatoire, la médiatisation des affaires publiques et l'extension du suffrage universel visent à ne plus restreindre la sphère politique au cadre des élites intellectuelles, mais à l'étendre à l'ensemble des citoyens. Ainsi, la majorité des individus est instruite, au courant des sujets de débat politique du fait de l'étendue d'un espace public rendue possible par l'émergence d'une médiatisation des affaires politiques, et donc théoriquement à même de prendre les décisions selon leur propre intérêt. [...]
[...] C'est l'objet du référendum législatif institué dans l'article 11 de la constitution française, qui selon J. Gicquel ruine le fondement même de l'hégémonie parlementaire Le général de Gaulle, profondément opposé à cette suprématie des partis politiques, chercha d'ailleurs à mettre un terme au parlementarisme handicapant de la IVe République par l'utilisation massive du référendum qui rétablit un lien direct entre le peuple et le président de la République démocratiquement élu. Cette insertion de procédés référendaires dans le système de la démocratie représentative (qui a trouvé son expression la plus complète pour un grand État dans celle de Weimar après la Première Guerre) n'était pas originale : elle existait, depuis la fin du XIXe siècle, aux États-Unis, au niveau des États fédérés, et surtout en Suisse. [...]
[...] Jean-François Aubert affirmait d'ailleurs On ne peut pas comprendre l'histoire moderne de la Suisse si on ne comprend pas le référendum Par le biais de celui-ci peut être facultatif ou obligatoire– et de l'initiative populaire, le peuple suisse a donc un contrôle permanent de ses élus et constitue par conséquent la plus haute source de souveraineté, comme l'avaient imaginé les penseurs de la démocratie. De plus, on peut penser que ce renforcement du lien gouverné- gouvernant rendu possible par le référendum est particulièrement adapté aux sociétés contemporaines. [...]
[...] Symbole de la prise en compte de l'utilité de cet instrument dans l'approfondissement de la démocratie, le champ du référendum a d'ailleurs été élargi à plusieurs reprises en France. Certes, le président Mitterrand échoua dans sa tentative d'étendre le domaine de l'article 11 aux libertés publiques (celle-ci fut rejetée par le Sénat en 1984), mais deux autres réformes sous le mandat du président Chirac allèrent dans ce même objectif : l'une en 2003 instaure le référendum local, l'autre, en 2005 oblige à recourir au référendum pour ratifier toute nouvelle adhésion à l'Union européenne. [...]
[...] Le référendum peut donc constituer un soutien occasionnel utile, sans pour autant être un substitut aux institutions de la démocratie représentative. Il reste cependant que cet instrument démocratique est souvent évité par les représentants politiques qui y voient une remise en cause gênante de leur souveraineté. Ainsi, suite au rejet par le biais de la consultation populaire du traité établissant une constitution pour l'Europe en 2005, la France a évité le verdict de l'opinion en 2008 en ne proposant pas de nouveau référendum à ses citoyens quant au traité modificatif de Lisbonne, ratifié par le Parlement et c'est cependant par la voie référendaire que le traité sera mis à mal, puisque le peuple irlandais, seul pays à avoir utilisé cette procédure de ratification, le rejette à 53%. [...]
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