Dans ses Mémoires, Louis XIV évoque le contexte diplomatique de sa prise effective de pouvoir, en 1661, en ces termes : « Tout était calme en tout lieu ; ni mouvement ni apparence de mouvement dans le royaume, qui ne put m'interrompre et s'opposer à mes projets : la paix était établie avec mes voisins, vraisemblablement pour aussi longtemps que je le voudrais moi-même ». Lorsque la Première Guerre du nord – conflit entre la Suède et la République des Deux Nations (Pologne et Lituanie) pour la succession au trône de Suède – prend fin, en 1660, le continent européen est entièrement pacifié et rien ne s'oppose à la prédominance de la France : Léopold Ier du Saint-Empire a été affaibli par le morcellement du Saint-Empire en 350 petits États suite aux Traités de Westphalie en 1648, Charles II d'Angleterre vient de restaurer la monarchie après la période républicaine de l'interrègne anglais et doit composer avec le Parlement et l'Espagne a été défaite dans sa guerre contre la France qui a abouti, en 1659, à la signature du Traité des Pyrénées.
Dans ce contexte, Louis XIV se penche sur les affaires internes. Lorsque Mazarin, son principal ministre, meurt, le 9 mars 1661, Louis XIV acquiert à 22 ans la réalité du pouvoir. La place de ministre principal est supprimée le jour même et le lendemain, le Roi élimine du Conseil d'en haut – le Conseil d'État – les Princes du sang, les prélats et cardinaux ainsi que les maréchaux pour ne garder que quelques ministres d'État triés sur le volet, parmi lesquels Hughes de Lionne aux Affaires étrangères, Le Tellier à la guerre et Fouquet puis Colbert aux finances.
Le Roi et son Conseil, avec lequel il ne fait qu'un, portent une attention particulière à la question des Trois-Évêchés. Ce terme désigne les territoires relevant des Évêques de Metz, de Toul et de Verdun qui se trouvaient sous la suzeraineté de l'Empereur, mais administrés par le Roi de France. Henri II était en effet entré dans ces territoires en 1552 et ceux-ci avaient alors été mis sous tutelle française. Presque un siècle plus tard, les territoires des Trois-Évêchés sont officiellement annexés par la France, en vertu du Traité de Münster, un des Traités de Westphalie, signés le 24 octobre 1648. L'administration de ces territoires est cruciale et délicate puisqu'il s'agit d'une région frontalière. Après une courte succession d'administrateurs de la province, Louis XIV charge Colbert de Croissy, frère de Jean-Baptiste Colbert, de l'Intendance des Trois-Évêchés par une lettre qu'il lui envoie depuis Fontainebleau le 10 mai 1661.
En quoi la nomination de Colbert de Croissy à l'Intendance des Trois-Évêchés revêt-elle un caractère extrêmement particulier que n'ont pas les nominations des autres Intendances ?
[...] Colbert de Croissy est donc chargé "d'ouïr et entendre leurs plaintes en général et en particulier et y pourvoir sommairement si vous le pouvez", autrement dit, d'écouter les plaintes de chacun, individu ou groupe, afin de prendre des dispositions plus satisfaisantes pour tous. Louis XIV donne aussi pouvoir à Colbert de Croissy de prendre des mesures répressives à l'encontre de toute personne qui troublerait l'ordre public en levant une milice provinciale ou en levant des impôts locaux sans que cela soit fait sur ordre du Roi : "Voulons aussi que vous ayez à informer et procéder extraordinairement contre tous ceux qui feront aucunes levées de gens de guerre à pied et à cheval, s'empareront de nos villes, places et châteaux sans notre avis et commission, qui se saisiront de nos deniers et feront levées de tailles sans nos lettres patentes". [...]
[...] 217-252 LIVET George, L'intendance d'Alsace sous Louis XIV 1648-1715, Fascicule 128 des Publications de la Faculté des Lettres de l'Université de Strasbourg p. [...]
[...] Ainsi, si la lettre qu'adresse Louis XIV à Colbert de Croissy pour lui confier l'Intendance des Trois-Évêchés semble n'être pas plus qu'un acte royal de nomination à un poste qui ne paraît pas extrêmement valorisant, le contexte historique et la situation géographique changent toute la donne. Parce que la province vient d'être rattachée au royaume, que les droits de chaque souverain y sont confus et que c'est une zone importante pour le passage des troupes françaises, on s'aperçoit que l'administration des Trois-Évêchés est cruciale. [...]
[...] En cela, l'Intendant "préside ès baillages et autres juridictions desdits trois évêchés". Toutefois, l'Intendant peut rendre lui-même la justice avec l'aide des juges royaux "procéder aux règlements de ladite justice", en ce qu'il est le représentant du Roi et que, comme le met en avant la formule de "Roi, fontaine de justice", c'est de ce dernier que découle toute justice. L'Intendant peut ainsi se présenter comme un juge d'appel pour juger en dernier ressort des litiges : "Faire et parfaire le procès souverainement et en dernier ressort à ceux qui s'en trouveront coupables". [...]
[...] Après une courte succession d'administrateurs de la province, Louis XIV charge Colbert de Croissy, frère de Jean-Baptiste Colbert, de l'Intendance des Trois-Évêchés par une lettre qu'il lui envoie depuis Fontainebleau le 10 mai 1661. En quoi la nomination de Colbert de Croissy à l'Intendance des Trois-Évêchés revêt-elle un caractère extrêmement particulier que n'ont pas les nominations des autres Intendances ? Si la commission de Louis XIV à Colbert de Croissy paraît n'être pas plus qu'une simple lettre qui charge ce dernier de fonctions bien précises, il faut remarquer l'intérêt stratégique de la province concernée qui justifie une description si détaillée des fonctions d'Intendant. I. [...]
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